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Edition du 13 Décembre 2025



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Yennayer 2976
Béni-Abbès, oasis de l’unité amazighe, se prépare à un Nouvel An sous les étoiles du Sahara
13 Décembre 2025

À l’horizon du désert, où les dunes de sable fin se mêlent aux palmeraies centenaires, la wilaya de Béni-Abbès s’apprête à devenir le cœur battant de l’identité algérienne. Du 10 au 12 janvier prochain, cette terre saharienne, fraîchement érigée en wilaya en 2019, accueillera la célébration nationale et officielle du Nouvel An amazigh « Yennayer 2976 », couplée à la 6e édition du Prix du président de la République de la littérature et de la langue amazighes.

Sous le haut patronage du président Abdelmadjid Tebboune, cet événement promet d’être un hymne vibrant à l’héritage berbère, unifiant les Algériens autour d’une tradition millénaire qui transcende les frontières géographiques et les clivages sociaux. Mais au-delà des discours officiels, Yennayer reste avant tout une fête de la terre, des cycles naturels et de la résilience collective – un rappel que l’Algérie, mosaïque plurielle, puise sa force dans ses racines profondes.

Les origines millénaires d’une fête ancrée dans le sol

Pour comprendre l’ampleur de ces préparatifs, il faut remonter aux sources antiques de Yennayer, ce mot berbère composé de « yan » (premier) et « ayyur » (mois), signifiant littéralement « le premier mois ».
Remontant à plus de 2 975 ans, cette célébration marque le début du calendrier agraire amazigh, un système lunaire-solaire utilisé depuis l’Antiquité par les peuples autochtones d’Afrique du Nord. Son point zéro est souvent fixé en 950 av. J.-C., lors de l’ascension au trône du roi berbère Sheshonq Ier (ou Chechnaq), fondateur de la XXIIe dynastie égyptienne.
Ce pharaon meshwesh, originaire des oasis libyco-berbères, symbolise l’essor d’une civilisation où l’agriculture et les cycles saisonniers dictaient le rythme de la vie.
Yennayer n’est pas une simple date au calendrier : c’est une ode à la terre nourricière, aux récoltes hivernales et à la régénération printanière, célébrée traditionnellement entre le 12 et le 14 janvier dans les régions à forte identité amazighe, de la Kabylie aux Aurès, en passant par le Sahara.
En Algérie, cette fête a connu une reconnaissance tardive mais fulgurante. Jadis confinée aux pratiques familiales – avec ses rituels de purification des maisons, ses festins à base de couscous aux sept légumes symbolisant les jours de la semaine, et ses contes transmis oralement autour du feu –, Yennayer a été officialisée comme jour férié chômé et payé en décembre 2017, sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika.
La première célébration nationale a eu lieu en 2018, marquant un tournant dans la promotion de la diversité culturelle.
Depuis, les éditions se sont succédé avec une ferveur croissante : en 2024, à Tizi Ouzou, des milliers de Kabyles ont défilé en tenues traditionnelles ; en 2025, à Alger, une « table de Yennayer » géante a réuni familles et artistes sous les auspices de la mairie, tandis qu’à Ghardaïa, les ksour du M’Zab ont vibré au son des bendirs et des chants mozabites.
Ces manifestations, loin d’être folkloriques, incarnent un renouveau identitaire, impulsé par le Haut-Commissariat à l’Amazighité (HCA) et soutenu par des lois constitutionnelles reconnaissant la langue tamazight comme officielle depuis 2016.

Béni Abbès : un choix symbolique pour une wilaya naissante

Pourquoi Béni Abbès, cette perle du Saoura nichée au cœur du Grand Erg Occidental, pour abriter Yennayer 2976 ? La décision, prise personnellement par le président Tebboune, n’est pas anodine. Créée en 2019 par scission de la wilaya de Béchar, Béni Abbès – dont le nom signifie « fils des saints » en arabe – est un carrefour culturel où le Sahara rencontre l’histoire soufie et amazighe. Ses sept ksour millénaires, comme celui du Vieux Ksar, ses zaouïas imprégnées de mysticisme confrérique, et son musée local dédié au patrimoine saharien en font un écrin idéal pour une fête qui célèbre la diversité.
La ville, bâtie sur la rive gauche de l’oued Saoura intermittent, est aussi un oasis de vie : palmiers-dattiers, artisanat en laine de chameau et festivals comme le Mouloud, qui attire des pèlerins du monde arabe, y tissent un lien indéfectible entre spiritualité et nature.
Le slogan de cette édition, « De Béni Abbès... Yennayer brille pour l’Algérie victorieuse », résume l’ambition : transformer cette wilaya émergente en vitrine d’une Algérie unie et rayonnante.
Lors de la réunion de coordination élargie tenue mardi au Cercle national de l’Armée à Beni Messous (Alger), Si El Hachemi Assad, secrétaire général du HCA, a martelé : « Cette organisation nationale vise à ancrer l’esprit de l’identité et à renforcer la cohésion entre les Algériens. »
La séance, enrichie par la présence de Slimani Messaoud, secrétaire général de la wilaya de Béni Abbès, a permis de peaufiner le programme : présentation du projet d’activités, finalisation des aspects logistiques et débats pour une coordination optimale.
« Toutes les structures sont mobilisées pour accueillir les invités, des équipements aux hébergements », a assuré Messaoud, évoquant un soutien total aux préparatifs.

Une caravane symbolique et un programme foisonnant

L’événement s’ouvrira dès le 9 janvier par une caravane emblématique : un convoi de participants quittera la gare ferroviaire de l’aéroport Houari Boumediene (Alger) pour Abadla (Béchar), avant de filer par voie terrestre vers Béni Abbès.
Ce périple, mêlant train et route saharienne, portera des « messages forts : l’Algérie est une et indivisible », dixit Assad.
Elle mettra en lumière la richesse linguistique amazighe – des variantes kabyles au chenoua des Aurès, en passant par le tetserit touareg – et invitera à une immersion dans les traditions : danses ahouache, contes légendaires et expositions sur les cycles agraires.
Le cœur des festivités, du 10 au 12 janvier, s’annonce « riche et varié ». Au menu : conférences sur l’histoire de Yennayer, ateliers d’écriture en tamazight, spectacles de musique gnawa et raï revisités, et marchés artisanaux où l’on trouvera des bijoux en argent berbères et des tapis kilims.
La remise du Prix du Président de la République, un temps fort, récompensera des œuvres en littérature amazighe. Lancée en septembre dernier, cette 6e édition – dotée de prix conséquents (jusqu’à 500 000 dinars pour le premier lauréat) – succède à des palmarès mémorables : en 2024, Alaeddine Tafssast a triomphé en littérature d’expression amazighe ; en 2025, Ferhat Amar Ouchabane a été couronné pour son recueil poétique. Organisé par le HCA, ce prix, qui couvre quatre catégories (littérature en amazighe, traductions, recherche linguistique et promotion culturelle), a déjà propulsé des auteurs comme Fadia Tidjelt ou Nacer Mehdi, renforçant le rayonnement de la langue berbère.
Une conférence de presse le 31 décembre dévoilera le programme définitif, mais les contours se dessinent déjà : un spot promotionnel, projeté lors de la réunion, invite à « briller pour l’Algérie victorieuse », avec des images de dunes rougissantes et de chants ancestraux.

Vers une renaissance culturelle inclusive

Ces préparatifs ne sont pas isolés : ils s’inscrivent dans une dynamique nationale où Yennayer transcende les régions.
En 2025, la fête a connu un engouement sans précédent, de Bejaïa à Timimoun, avec des galas à Oran et des processions à Tlemcen.
Des intellectuels comme Mouloud Mammeri ou des associations comme l’ACB Paris rappellent que cette célébration, apparentée au latin « Ianiarius » (janvier), est un pont entre Antiquité et modernité.
Elle célèbre la femme amazighe, garante des coutumes, et les enfants, futurs dépositaires du patrimoine.
Pourtant, des défis persistent : la promotion de tamazight dans l’éducation et les médias reste inégale, et les variantes dialectales exigent une attention accrue.
Mais avec Béni Abbès comme toile de fond, Yennayer 2976 pourrait marquer un jalon : une Algérie qui, du Nord au Sud, assume sa pluralité sans concessions. Comme l’affirmait un sage berbère : « Yennayer n’est pas une fin, mais un commencement éternel. »
Sous le patronage de Tebboune, cette oasis saharienne pourrait bien illuminer l’année d’une lumière victorieuse, unissant les cœurs autour d’une identité forgée dans le sable et le temps.
Rendez-vous en janvier, pour un Sahara qui chante l’espoir.


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