Ce lundi le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Lotfi Boudjemaa, a présenté devant le Conseil de la nation un projet de loi crucial visant à renforcer la protection des données à caractère personnel.
Lors d’une séance plénière présidée par Azouz Nasri, président du Conseil, en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Kaouter Krikou, le ministre a détaillé les objectifs de ce text qui s’inscrit dans une volonté d’alignement sur les normes internationales et de renforcement de la coopération judiciaire face à la montée du crime organisé transfrontalier. Ce projet, qui modifie et complète la loi 18-07, sera soumis au vote des sénateurs ce mardi 22 juillet, marquant une étape décisive pour la modernisation du cadre juridique algérien.
Une réponse aux défis du crime transfrontalier
Le ministre Boudjemaa a insisté sur l’importance de ce projet de loi pour adapter le cadre juridique algérien aux standards internationaux, notamment dans un contexte où les affaires liées au crime organisé transfrontalier sont en augmentation. « La complexité des affaires liées à ce type de criminalité exige de recourir à des mécanismes de coopération judiciaire internationale », a-t-il déclaré. Ce texte ambitionne de renforcer la collaboration avec les instances internationales, notamment à travers un projet d’accord en cours d’élaboration avec l’Agence de l’Union européenne de coopération judiciaire (Eurojust). Cette coopération est essentielle pour permettre aux autorités algériennes de mieux lutter contre des formes de criminalité de plus en plus sophistiquées, telles que le trafic de données ou la cybercriminalité. En outre, le projet de loi vise à combler un vide juridique dans le domaine du traitement des données personnelles, particulièrement dans les procédures policières et judiciaires. En définissant des principes fondamentaux pour le traitement de ces données à des fins de prévention des infractions, d’enquêtes et de poursuites pénales. Le texte garantit que seules l’autorité judiciaire et les services habilités, tels que les forces de l’ordre, pourront y accéder. Cette restriction vise à protéger les citoyens contre les abus tout en assurant l’efficacité des investigations.
Des garanties pour les droits des citoyens
Un des piliers de ce projet de loi est la protection des droits des individus concernés par le traitement de leurs données personnelles.
Le ministre a souligné que le texte introduit de nombreuses garanties, notamment le droit à l’information, le droit d’accès aux données, ainsi que la possibilité de rectifier ou de supprimer des données inexactes ou incomplètes. Ces mesures visent à renforcer la confiance des citoyens dans la gestion de leurs informations personnelles, tout en équilibrant les impératifs de sécurité publique et le respect de la vie privée.
En cas de violation, les citoyens disposeront de recours clairs : ils pourront s’adresser directement au responsable du traitement des données, puis, si nécessaire, porter plainte auprès de l’Autorité nationale de protection des données à caractère personnel (ANPDP). Le texte prévoit également deux types de sanctions : administratives, allant de l’avertissement à l’amende, voire au retrait d’autorisation, et pénales, avec la saisine du parquet général pour les infractions graves. Cette approche à double niveau garantit une réponse proportionnée aux violations tout en dissuadant les abus.
Un rôle renforcé pour l’ANPDP
L’Autorité nationale de protection des données à caractère personnel (ANPDP) voit ses missions renforcées dans ce projet de loi. Le ministre Boudjemaa a expliqué que l’ANPDP sera chargée de réguler la déclaration des données par tous les établissements et secteurs, ainsi que de superviser toutes les questions liées au traitement des données personnelles.
Cela inclut le contrôle des transferts de données hors du territoire national qui ne pourront se faire sans l’autorisation préalable de l’Autorité.
Pour assurer une surveillance efficace, l’ANPDP sera dotée de pôles régionaux chargés de missions de contrôle et d’audit auprès des organismes et personnes manipulant des données personnelles.
Ces audits techniques permettront de vérifier la conformité des établissements avec la loi et de s’assurer de la mise en place de mécanismes de protection robustes.
Cette régionalisation des contrôles vise à garantir une application homogène du cadre légal à travers tout le territoire, tout en renforçant la capacité de l’ANPDP à répondre rapidement aux éventuelles violations.
Une application universelle, y compris aux entreprises étrangères
Répondant aux préoccupations des sénateurs, le ministre a précisé que ce projet de loi s’appliquera à toute entité traitant des données personnelles, y compris les entreprises étrangères opérant en Algérie ou manipulant des données de citoyens algériens.
Cette disposition inclut les données sensibles, telles que les données médicales, qui bénéficieront des mêmes protections. Cette universalité du texte reflète l’ambition de l’Algérie de se doter d’un cadre juridique robuste, capable de répondre aux défis posés par la globalisation et la numérisation croissante des échanges.
Le principe général du texte interdit le traitement des données personnelles sans le consentement de la personne concernée, sauf dans des cas spécifiques liés à la sécurité publique ou aux enquêtes judiciaires.