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Edition du 30 Juin 2025



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Économie moderne
Numérisation contre l’informel
30 Juin 2025

Face à un marché parallèle qui entrave le développement économique, l’expert en fiscalité et finances Aboubekr Salami a lancé un appel vibrant, ce dimanche 29 juin 2025, lors de son passage dans une émission radiophonique nationale.

Il a exhorté à réduire les transactions en espèces, soulignant que des sommes colossales circulent hors des circuits bancaires, représentant un défi majeur pour l’économie formelle. Cette situation, ancrée dans les pratiques commerciales quotidiennes, limite les ressources disponibles pour les grands projets d’infrastructure et alimente des activités opaques, comme le trafic de produits illicites récemment intercepté dans une ville de l’ouest du pays.

Le poids de l’économie informelle

L’économie informelle, alimentée par des transactions en liquide, touche une large part des activités économiques, des petits commerces aux services professionnels. Ce recours massif aux espèces, souvent non déclarées, favorise l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent, et même des réseaux illégaux, comme en témoigne la récente saisie de milliers de comprimés psychotropes dans la région de Tlemcen. Cette opacité prive l’État de recettes cruciales pour financer des projets stratégiques, comme le développement d’une ligne ferroviaire reliant les mines de fer du Sud-ouest à des centres industriels, un projet clé pour l’économie nationale.

pour contrer ce fléau, Salami propose une transition rapide vers des moyens de paiement électroniques, tels que les cartes bancaires ou les applications mobiles de paiement. Ces outils permettent une traçabilité des flux financiers, réduisant les opportunités de fraude et renforçant la transparence. Cependant, cette transition se heurte à plusieurs obstacles : un faible taux de bancarisation, avec seulement la moitié de la population adulte disposant d’un compte bancaire, une méfiance envers les outils numériques, et un accès limité à internet dans les zones rurales. Pour surmonter ces défis, l’expert recommande des campagnes de sensibilisation pour promouvoir les paiements électroniques, des incitations fiscales pour les commerçants, et des investissements dans les infrastructures numériques, comme l’extension de la couverture internet à haut débit.

La numérisation : un outil de gouvernance

La numérisation est au cœur des réformes économiques impulsées par le président Abdelmadjid Tebboune, qui en a fait une priorité pour moderniser l’administration et lutter contre la corruption. Depuis 2019, des initiatives majeures ont été lancées, comme la création d’un ministère dédié à la numérisation et la mise en place de plateformes électroniques pour simplifier les démarches administratives. Par exemple, le suivi numérique d’un projet ferroviaire d’envergure dans le Sud-ouest permet de contrôler les dépenses en temps réel, de réduire les retards et de limiter les risques de détournement de fonds. Cette approche illustre comment la technologie peut transformer la gestion des grands projets, en garantissant une transparence accrue.

Au-delà des infrastructures, la numérisation est une arme contre la bureaucratie et la corruption, deux maux qui freinent le développement économique. Les plateformes en ligne permettent aux entrepreneurs de soumettre leurs dossiers sans passer par des intermédiaires, réduisant les opportunités de pots-de-vin. Dans le secteur du contrôle des importations, les systèmes numériques ont permis de détecter des irrégularités, comme lors de l’opération de Tlemcen, où des produits illicites ont été saisis grâce à une meilleure traçabilité. Ces avancées montrent le potentiel de la technologie pour renforcer la gouvernance et protéger l’économie formelle.

Cependant, la transformation digitale exige des efforts conséquents. L’accès à internet reste limité dans les zones rurales, où moins de deux tiers de la population sont connectés. De plus, la formation des citoyens et des fonctionnaires à l’utilisation des outils numériques est encore insuffisante. Salami propose d’investir dans des écoles numériques, des centres de formation professionnelle, et des campagnes de sensibilisation pour encourager l’adoption des technologies. Il évoque l’exemple de pays voisins, où la digitalisation des services publics a réduit les délais administratifs et amélioré l’accès aux services pour les citoyens, comme la délivrance de documents officiels en ligne.

Les PME : un moteur à consolider

Les petites et moyennes entreprises (PME) jouent un rôle central dans l’économie nationale, représentant la quasi-totalité des entreprises enregistrées et employant des millions de personnes. L’État a multiplié les mesures de soutien, comme des exonérations fiscales, des subventions, et des prêts à taux réduits via des agences spécialisées. Ces dispositifs ont permis la création de milliers d’entreprises dans des secteurs variés, de l’agriculture (comme la production de céréales) à l’artisanat (textile traditionnel) et aux technologies de l’information (start-ups numériques). Ces PME sont essentielles pour diversifier une économie encore fortement dépendante des ressources naturelles.

Malgré ces efforts, Salami souligne une lacune majeure : l’absence de données précises sur l’impact des fonds publics alloués aux PME. De nombreuses entreprises, mal préparées ou mal gérées, cessent leurs activités après quelques années, gaspillant ainsi des ressources publiques. Pour remédier à ce problème, l’expert recommande la création d’une base de données numérique pour suivre les performances des PME en temps réel. Cette base permettrait d’identifier les secteurs les plus dynamiques, d’optimiser les subventions, et de fournir des formations adaptées en gestion et en marketing.

L’intégration des PME dans l’écosystème numérique est également cruciale. Des plateformes de commerce électronique pourraient leur permettre d’accéder à des marchés régionaux et internationaux, notamment dans le cadre d’accords de libre-échange. Par exemple, des entreprises locales ont commencé à exporter des produits artisanaux et agroalimentaires vers des pays voisins, mais ce potentiel reste sous-exploité en raison d’un manque de compétences numériques. Salami propose des programmes de formation pour enseigner aux entrepreneurs les bases du commerce en ligne, de la logistique, et de la gestion financière, s’inspirant de modèles étrangers où les PME numériques ont généré une croissance significative.

L’auto-entrepreneur : une solution pour l’avenir

Le modèle de l’auto-entrepreneur, introduit en 2020, est une autre piste prometteuse pour dynamiser l’économie. Ce statut, conçu pour simplifier la création d’activités, permet à des individus, notamment les jeunes, de lancer leur projet avec un minimum de formalités et des avantages fiscaux. Des milliers de personnes se sont inscrites, principalement dans les technologies de l’information, l’artisanat, et les services numériques, comme le développement web ou le graphisme. Ce modèle est particulièrement adapté à une population jeune, qui représente plus de deux tiers des habitants, et à des projets nécessitant peu de capital initial.

Salami voit dans l’auto-entrepreneuriat une opportunité de réduire le chômage et de stimuler l’innovation. Par exemple, un jeune développeur peut s’inscrire en ligne, bénéficier d’exonérations fiscales, et proposer ses services sur des plateformes internationales. Cependant, l’expert insiste sur la nécessité d’évaluer l’impact de ce modèle. Des études sur le chiffre d’affaires généré, les emplois créés, et la pérennité des activités sont indispensables pour ajuster les politiques publiques. Il recommande également d’accompagner les auto-entrepreneurs par des formations en gestion, en marketing numérique, et par un accès facilité au microcrédit, à l’image de programmes étrangers ayant formé des dizaines de milliers d’entrepreneurs.

Une transformation à portée collective

L’appel de Salami à réduire les transactions en espèces et à accélérer la numérisation reflète une ambition plus large : bâtir une économie moderne, transparente, et inclusive. Cette transformation exige des investissements massifs dans les infrastructures numériques, comme l’extension de la couverture internet à haut débit et la sécurisation des transactions électroniques. La cybersécurité est une priorité, car les risques de piratage menacent la confiance dans les outils numériques. Des unités spécialisées pourraient également être créées pour auditer les transactions en espèces dans des secteurs à risque, comme le commerce de détail ou l’immobilier.

Pour les PME et les auto-entrepreneurs, une gouvernance numérique est essentielle. Une base de données nationale, alimentée par l’intelligence artificielle, pourrait suivre les performances économiques et identifier les opportunités de croissance. De plus, l’intégration dans des marchés régionaux offre un potentiel d’exportation pour les produits locaux, à condition de moderniser les chaînes logistiques et de former les entrepreneurs.

Cette transition ne peut réussir sans un engagement collectif. Les citoyens doivent adopter les paiements électroniques, les entreprises doivent s’adapter aux outils numériques, et l’État doit investir dans l’éducation et les infrastructures. À l’image du projet ferroviaire reliant les mines du sud-ouest, qui incarne la modernisation des infrastructures, la numérisation pourrait devenir le moteur d’un renouveau économique. En combinant des politiques audacieuses avec un suivi rigoureux, le pays peut réduire sa dépendance aux ressources naturelles et construire une économie résiliente, capable de répondre aux défis du XXIe siècle.


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