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Edition du 17 Mars 2025



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L’Algérie et la France :
L’hypocrisie des accusations et la réalité des relations bilatérales
17 Mars 2025

L’extrême droite française, en quête de boucs émissaires pour détourner l’attention de ses propres échecs, semble avoir trouvé une nouvelle cible : l’Algérie.

Dernièrement, certains représentants de cette frange politique ont accusé l’Algérie de tirer profit de prétendues aides françaises et de ne pas respecter les accords signés entre les deux pays. Bruno Retailleau, l’un des porte-voix les plus en vue de ce courant, a repris cette rhétorique simpliste et erronée. Toutefois, en véhiculant ces accusations, il omet de mentionner un point crucial : si un pays tire un véritable bénéfice des relations bilatérales entre la France et l’Algérie, c’est bien la France.

Une rencontre significative : l’Algérie expose les déséquilibres

La semaine dernière, dans une démarche qui en dit long sur l’évolution de la diplomatie algérienne, le ministère des Affaires étrangères algérien a convoqué Stéphane Romatet, ambassadeur de France en Algérie. Cette rencontre visait à aborder un sujet longtemps ignoré par Paris : les biens immobiliers que la France occupe en Algérie à des conditions extrêmement avantageuses. Ce dossier a permis de mettre en lumière des pratiques qui révèlent un déséquilibre flagrant dans les relations bilatérales, un sujet sur lequel Paris semble avoir fermé les yeux pendant des années.

Les biens immobiliers français en Algérie : un loyer dérisoire

Un nombre important de biens immobiliers sont occupés par la France sur le sol algérien, et ce, moyennant des loyers ridiculement bas. Actuellement, ce ne sont pas moins de 61 biens qui sont sous contrôle français, et le montant des loyers payés est si faible qu’il n’est même pas à la hauteur des loyers d’une petite chambre à Paris. Parmi ces propriétés, le siège de l’ambassade de France à Alger se distingue particulièrement.

D’une superficie impressionnante de 14 hectares (140.000 mètres carrés) sur les hauteurs de la capitale algérienne, il est loué à un prix dérisoire, bien en-deçà des normes européennes. La résidence de l’ambassadeur de France, surnommée «les Oliviers», est un autre exemple de cette générosité excessive. S’étendant sur 4 hectares (40.000 mètres carrés), cette propriété a été louée au franc symbolique et son loyer n’a pas changé depuis 1962, date de l’indépendance de l’Algérie, jusqu’en août 2023. La France a bénéficié pendant des décennies d’un traitement privilégié, alors que l’Algérie n’a jamais eu accès à de telles largesses sur le territoire français.

Les accords bilatéraux : des avantages unilatéraux pour la France

Les biens immobiliers ne représentent qu’une petite partie de la réalité des relations entre les deux pays. Si l’on examine les accords bilatéraux signés entre l’Algérie et la France, on constate que de nombreux traités ont permis à la France de bénéficier de conditions extrêmement favorables. L’un des plus emblématiques est l’accord de 1968, qui régit le statut des Algériens en France.

Cet accord a permis à la France de bénéficier d’un régime migratoire dérogatoire pour les Algériens, leur permettant d’occuper de nombreux emplois, en particulier dans le secteur de la construction, ce qui a largement contribué à la reconstruction du pays après la Seconde Guerre mondiale.

Cependant, cette générosité française envers les travailleurs algériens n’a jamais été réciproque. En effet, l’Algérie ne bénéficie d’aucune mesure comparable sur le territoire français. Les Algériens, bien que nombreux à vivre et travailler en France, ont toujours fait face à une législation restrictive en matière d’immigration et d’intégration. Un autre exemple frappant de l’inégalité des relations bilatérales est l’accord de 1994 qui régule les aspects du commerce et des investissements entre les deux pays.

Cet accord a permis aux entreprises françaises de s’implanter en Algérie dans des conditions extrêmement avantageuses, notamment en matière de fiscalité et de réglementation. En revanche, les entreprises algériennes, quant à elles, ont rencontré de nombreuses difficultés pour accéder au marché français. Cet accord n’a donc pas permis un véritable échange mutuel, mais a plutôt renforcé la domination économique de la France sur l’Algérie.

La réalité des relations : qui profite réellement des accords ?

Si la France souhaite ouvrir un débat sur le respect des accords et la réciprocité, elle doit être prête à affronter la réalité. En effet, les relations bilatérales entre les deux pays ont, pendant des décennies, favorisé la France de manière unilatérale. L’Algérie a été utilisée comme un réservoir de main-d’oeuvre et de ressources naturelles, tandis que la France a constamment bénéficié de conditions exceptionnelles, tant sur le plan économique que diplomatique.

Si l’on examine de plus près l’évolution de ces accords, il devient évident que la France a toujours été en position de force. D’une part, elle a profité de l’exploitation des ressources algériennes et de la main-d’oeuvre algérienne. D’autre part, elle a su imposer ses propres règles et conditions pour maximiser ses bénéfices, tout en ignorant les intérêts et les aspirations de l’Algérie.

Le temps de la vérité : arrêter les discours fallacieux

Il est grand temps que la vérité éclate et que cessent les discours fallacieux destinés à manipuler l’opinion publique. Les accusations récurrentes de l’extrême droite française, qui tentent de faire passer l’Algérie pour le «profiteur» de cette relation, sont non seulement infondées, mais elles masquent une réalité bien plus complexe. L’Algérie n’a jamais été le principal bénéficiaire des relations avec la France. Au contraire, c’est bien la France qui, depuis des décennies, a su tirer parti de chaque accord pour consolider sa position dominante sur le plan économique, diplomatique et même militaire.

Si Paris souhaite aujourd’hui remettre en question certains accords et demander des comptes, il serait plus juste que la France commence par rendre des comptes elle-même. Il est grand temps que la France reconnaisse les déséquilibres et les injustices qui ont marqué les relations entre les deux pays et qu’elle prenne la responsabilité de ses actions. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’on pourra envisager un dialogue sincère et équilibré, fondé sur le respect mutuel et la reconnaissance des droits et des intérêts de chaque pays.

un appel à la transparence et à la réciprocité

Les relations entre l’Algérie et la France doivent évoluer vers une véritable réciprocité. L’Algérie ne doit pas être perçue comme le simple récipiendaire des bienfaits français, mais comme un partenaire respecté, dont les intérêts doivent être pris en compte. Pour ce faire, la France doit reconnaître les erreurs du passé, renoncer à ses privilèges et entamer un véritable processus de réciprocité dans ses accords avec l’Algérie. C’est ainsi que l’on pourra espérer bâtir une relation bilatérale plus juste, équilibrée et fondée sur une coopération respectueuse.

Par : HAMROUCHE MOUNIR

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