Quelques jours après sa remise au président français, Emmanuel Macron, le rapport de l’historien Benjamin Stora sur "la mémoire de la colonisation et la Guerre d’Algérie" continue de susciter des réactions, tant en Algérie qu’en France.
La question de l’Histoire est si importante et sensible, qu’elle soulève encore et toujours les passions des deux cotés de la Méditerranée. En France, ce sont notamment les harkis et les nostalgiques de "l’Algérie française" qui sont pour le moment montés au créneau pour dire leurs critiques sur le contenu de ce rapport demandé par le Président français à l’historien Benjamin Stora, puisque ils trouvent qu’il n’est pas objectif, en ce sens qu’il n’est pas entièrement favorable à leurs thèses. En Algérie, ce rapport remis mercredi dernier au chef de l’Elysée ne laisse pas non plus indifférent quoi qu’il n’ a pas provoqué une cascade de réactions, pour le moment du moins.
Ce rapport n’a pas en effet focalisé l’essentiel de l’attention, plutôt orienté vers d’autres dossiers brulants de l’actualité nationale, dans cette conjoncture si particulière que traverse le pays. Il en est ainsi de la classe politique nationale, beaucoup plus captée en ce moment par l’avant projet de loi sur le régime électoral et les prochaines élections législatives et locales anticipées, qui auront lieu dans les prochains mois. Mais, il n’enreste pas moins qu’à travers les premières lectures et réactions, il est aisé de dire que du coté algérien, et même s’il n’est pas globalement rejeté, il n’a pas non plus suscité l’enthousiasme tant l’on considère qu’il est totalement vicié. D’où cette sorte de prudence qu’ont affiché les uns et les autres, par rapport à ce document de presque 150 pages et qui contient un peu plus de 22 propositions et recommandations.
Des historiens algériens, qui l’ont si bien décortiqué comme cela a été rapporté dans une de nos dernières éditions, ont estimé que le rapport est loin d’être impartial. Certes, il contient des propositions qui sont autant d’avancées, comme c’est le cas de la réjouissance, par l’Etat français, de l’assassinat de l’avocat et militant nationaliste Ali Boumendjel, la restituion du canon "Baba Merzoug", ou la réalisation d’une stèle à l effigie de l’EmirAbdelkader, mais les historiens ont aussi relevé que ce rapport a placé la victime, que sont les Algériens qui ont eu à subir les affres terribles de la colonisation, et le bourreau, à savoir, les tenants du système colonial, sur le même pied d’égalité. En ce sens, Benjamin Stora n’est pas irréprochable, puisque d’aucun lui reprochent d’ores et déjà d’avoir pris en considération les lobbies nostalgiques de "l’Algérie française" et d’avoir, par voie de conséquence, quelque peu ménagé leurs susceptibilités. Il faut dire à ce propos, que ces lobbies sont encore très puissants en France, et aucun politique ne peut raisonnablement ne pas prendre en considération leurs positions. N’ont-ils pas réussi, par le passé, a faire infléchir la position de puissants hommes politiques français sur cette épineuse question de l’Histoire de la colonisation.
Le Président français, lui-même, en a fait l’amer expérience lorsque ces lobbies l’ont fustigé, lorsque il a déclaré, à partir d’Alger et alors qu’il n’était encore que candidat à l’Elysée, que "le colonialisme est un crime contre l’humanité". Face à la levée de boucliers de ces milieux, Emmanuel Macron a du battre en retraite en nuançant ses propos par la suite. Et c’est sans doute cette même approche qui est à l’origine du rappel, par la Présidence française, quelques instants seulement après la remise du rapport au Présidentfrançais, qu’il n’y aura "ni repentance, ni excuses" pour les crimes commis en Algérie durant la colonisation. Ces pesanteurs semblent avoir lourdement peser sur le contenu du rapport de Benjamin Stora qui, même s’il se caractérise par quelques timides avancées, n’en reste pas moins loin des espérances des Algériens.