A quatre jours du palmarès de la Mostra de Venise, le documentaire The look of silence et le film d’ouverture Birdman étaient vus mardi comme favoris de la compétition, qui a vu l’entrée en lice du dérangeant film du Japonais Shinya Tsukamoto, Nobi. Quelques poids lourds sont encore à venir d’ici à samedi, jour de clôture, dont le très attendu Pasolini d’Abel Ferrara, qui sera projeté jeudi et qui pourrait venir bouleverser le classement de la chasse au Lion.
Annoncé comme "onirique et visionnaire, entre réalité et fantasme", ce biopic, qui s’intéresse aux dernières heures troubles de la vie du poète, auteur et réalisateur italien, homosexuel et marxiste, Pier Paolo Pasolini, pourrait bien enfiévrer un Lido un peu abasourdi par une semaine de guerres, de crises et autres calamités du monde. Lundi soir, ce fut pire encore avec l’entrée en lice du Japonais Shinya Tsukamoto et de son provoquant Nobi torrent d’hémoglobine, d’amputations, de chairs déchiquetées et même de cannibalisme à vous donner la nausée.
Du reste, la salle, trop petite au départ pour accueillir tous les spectateurs, s’est un peu vidée au cours des 87 longues minutes que dure ce supplice pour les yeux, qui met en scène des soldats japonais livrés à eux-mêmes dans une jungle des Philippines en fin de Seconde Guerre mondiale. A la grande surprise d’un public majoritairement occidental, le film a toutefois été applaudi par un groupe de fans japonais du réalisateur, considéré comme le chef de file nippon du mouvement cyberpunk, genre de la science-fiction qui décrit des mondes violents et décadents.
Se livrant à un décryptage très intellectuel de son oeuvre, il a expliqué avoir voulu s’interroger sur les raisons "qui poussent l’être humain au milieu d’une nature aussi belle à faire une guerre aussi stupide". On aurait donc tort d’écarter Shinya Tsukamoto de la course au titre. D’autant qu’avant ce dernier, sept de ses films avaient été projetés à Venise dans des sections diverses et que deux avaient été primés, en 2002 (Prix spécial du jury) et en 2011 (catégorie "Orizzonti", dédiée au cinéma d’avant- garde).
Critiques contre public
Mardi, c’était encore The look of silence, poignant documentaire sur l’épuration anticommuniste de 1965 en Indonésie, de l’Américain Joshua Oppenheimer, qui était le préféré des critiques dans un classement établi par une dizaine de quotidiens italiens.
Côte public, ce dernier était toutefois devancé par Birdman, du Mexicain Alejandro Gonzales Inarritu, qui avait ouvert le festival. L’ex-Batman de Tim Burton, Michael Keaton, y incarne justement un acteur célèbre pour avoir porté le costume d’un super-héros mais aujourd’hui sur le déclin, et décidé à renouer avec sa gloire passée en montant un spectacle à Broadway.
Autre long-métrage attendu mardi, celui du Suédois Roy Andersson au titre imprononçable - En duva satt pa en gren och funderade pa tillvaron, traduisez "Un pigeon assis sur une branche réfléchit sur l’existence", un vagabondage sur l’absurdité et le sens de la vie à travers les yeux d’un vendeur d’articles de fantaisie et de son ami atteint de troubles psychologiques. La journée devait être marquée par la remise du deuxième Lion d’or de la semaine pour l’ensemble d’une carrière.
Après le documentariste américain Frederick Wiseman, vendredi, c’est sa compatriote, la monteuse Thelma Schoonmaker, collaboratrice historique de Martin Scorsese qui sera récompensée dans la grande salle du Palais du cinéma. Agée de 74 ans, Thelma Schoonmaker a rencontré Scorsese en 1967 sur le tournage de Qui frappe à ma porte. Elle a ensuite monté tous les films du cinéaste à partir de 1980, dont Raging Bull (1980), Aviator (2004) ou Les infiltrés (2006), obtenant pour chacun d’eux l’Oscar du meilleur montage.