La rencontre entre les musiciens et la ministre de la Culture à la Bibliothèque nationale a permis aux participants d’effectuer un large tour d’horizon sur les problèmes de leur profession qu’ils considèrent comme "socialement dévalorisée" et sur le rôle de leur art qui est selon eux encore "sous-estimé" au sein de la société algérienne.
Ce malaise, visiblement partagé par l’ensemble des profils et spécialités, toutes générations confondues, puiserait selon les intervenants, son origine autant dans la régression liée à la décennie noire que dans nombre de dysfonctionnements et insuffisances caractérisant aussi bien la sphère de la formation et de l’éducation musicales que celle de l’organisation des spectacles, de la diffusion et de la distribution.
"La musique est un moyen de développement humain incontestable, c’est pourquoi il faut une démocratisation la plus large possible de l’apprentissage et de la pratique musicale" a notamment rappelé Ammar Azzouz, ex-ministre de la formation professionnelle et auteur-compositeur de la chanson kabyle. Ainsi, "généraliser l’enseignement musical à l’école, avec un fort coefficient et dans toutes les communes d’Algérie", influerait selon l’intervenant sur le niveau et la qualité des postulants aux conservatoires et aux instituts supérieurs où est enseignée cette discipline.
Cette "démocratisation de l’éducation et de l’apprentissage" mettrait fin aux structures "fourre-tout", devenues un refuge pour les Baccalauréats faibles ! a pour sa part ajouté Nour-Edine Saoudi membre fondateur d’associations algéroises de musique andalouse. Fethi Salah, enseignant au département de musique de l’ENS a rappelé que négliger
la fonction éducative de la musique au seul profit de sa fonction ludique et de divertissement a alimenté des aspects "mercantilistes" fortement décriés par l’assistance. Ainsi de l’avis de tous, l’éducation musicale ne devrait pas être l’apanage du seul ministère de la Culture mais constituer un lieu de convergences pour différents ministères notamment, de l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la formation et l’enseignement professionnel.
Ces passerelles interministérielles conduiraient à la création de nouvelles structures d’enseignements, comme par exemple, des "Maisons" de la musique andalouse puis une académie pour cette musique. Une refonte des conservatoires et une reconsidération des programmes d’enseignement, stigmatisés comme "inadéquats", des actuels instituts (nationaux, régionaux et annexes) où est enseignée la musique a été vivement préconisée par les participants.
Dans ce sens, la nécessaire création d’une académie de musique afin de traiter en profondeur les problématiques de l’enseignement et de la recherche musicale a fait consensus au sein de l’assistance, la musique étant dépourvue d’une structure nationale "comme il en existe pour le livre ou pour le cinéma", de l’aveu même de Mme Labidi. L’ouverture de l’Ansej aux musiciens et le développement des initiatives privées concernant aussi bien l’enseignement de la musique que celui de la promotion du spectacle, la diffusion et la distribution ont également été envisagées par les intervenants.
Une prise en charge urgente du statut des musiciens pour leur éviter la "précarité humiliante en fin de vie qui est souvent leur lot" a également été proposée par les intervenants qui ont souhaité un fonctionnement plus démocratique des différents mécanismes qui gèrent leur profession. A la fin de l’assemblée, les participants, de différentes générations et genres musicaux, célébrités adulées pour la plupart, se sont inscrits massivement sur la liste des participants aux futures conférences nationales par discipline, prévues pour "après le mois de septembre" et dont la préparation démarrera dès le 15 Août.