Le diwan — ou le gnawi — revient en force ces dernières années dans le paysage musical national, notamment à travers le festival que lui consacre chaque année la ville de Béchar. Des groupes musicaux naissent pour "s’approprier" ce genre, bien ancré dans plusieurs régions du pays.
Sidi Mohamed Belkhadem, ethnomusicologue et secrétaire général de l’association Ahl diwan Wahrane, ne veut pas parler de mode. Pour lui, c’est la manifestation d’un phénomène social et historique très profond. C’est une culture populaire ancestrale millénaire. Le diwan est un ensemble de chants et de danses d’esclaves subsahariens affranchis et islamisés pratiqués pour exprimer leur douleur, leur déracinement et leur nostalgie pour la terre natale.
"C’est un mélange entre la pratique de la religion d’origine et la religion musulmane", a-t-il expliqué lors de la conférence donnée, récemment à Oran, à l’ouverture de la manifestation Tamoranwi.
Approché par l’APS, Sidi Mohamed Belkhadem apporte quelques informations sur ce phénomène et sur son devenir face aux menaces de la folklorisation et de son altération.
On assiste ces dernières années à un retour en force du diwan. S’agit-il d’une simple tendance, voire d’une mode ?
Mohamed Belkhadem : Le diwan est un phénomène social profond. Il commence à avoir droit de cité au niveau des médias. C’est une culture populaire laissée pour compte. Le diwan n’est pas seulement une musique et une danse.
C’est une pratique rituelle. Ses messages sont ceux de la tolérance, de la solidarité, du partage. Il a même une fonction thérapeutique. Les personnes malades psychologiquement sont prises en charge pour alléger leurs souffrances.
Il y a des gens qui œuvrent pour préserver ce patrimoine. Je représente l’association Ahl diwan Wahrane. On a recréé les festivités de la waâda de Sidi Blal. L’année dernière, nous avons eu un succès assez conséquent. Nous préparons une autre édition pour la deuxième semaine d’août prochain.
Comment voyez-vous l’avenir de ce genre ?
Mon souhait est que le diwan en Algérie ne suive pas la voie marocaine, qui fait que ce genre soit exploité à outrance commercialement à travers les festivals. Le diwan est en train de se folkloriser. Chez nous, certaines personnes issues de familles du diwan son en train d’abonder dans ce sens.
Le diwan est un patrimoine à la fois sur le plan des rituels, des danses que de certains contenus très forts et très chargés historiquement. C’est une mémoire qui est en train de se perdre et qu’il faut préserver à tout prix.
Justement, que faire pour préserver le diwan ?
Il faut donner au diwan la place qu’il mérite, en lui consacrant des manifestations pour qu’il ne reste pas une musique confidentielle, confinée à des connaisseurs ou à des familles qui pratiquent ce genre. Il faut multiplier les cérémonies, les exhibitions et les manifestations mais pas sous la forme de festival où le côté folklorique prime.
Les médias doivent s’intéresser également à ce patrimoine et ne pas s’arrêter au volet curiosité et superficiel. Il faut interroger les "maâlmine" et les "moqadmine" et tous les gens qui prennent en charge ces pratiques et d’aller au fond des choses. La musique n’est qu’un côté phénoménal. Derrière la musique, il y a des pratiques qui sont très importantes dans l’histoire du diwan, notamment à Oran.