10 août 2012. Un matin comme les autres, identique à ceux que l’on a connus depuis le début du mois de mai de cette année : chaud, lourd et humide.
Le jeune ressortissant chinois s’avança vers le rideau métallique du dépôt qu’il avait loué à Bab Ezzouar, introduisit une grosse clef à l’intérieur d’une serrure et constata qu’elle avait du mal à tourner. Il se dit que la serrure avait besoin d’être nettoyée et graissé. Mais quand il eut soulevé le rideau et eut pénétré dans son local, il se tint la tête : des voleurs l’avaient visité au cours de la nuit. La serrure, tout compte fait, n’avait pas besoin d’être nettoyée mais remplacée. Elle avait été forcée. Près de la moitié de ce que contenait le magasin comme marchandises (couvertures, couvre-lits, couettes, draps, oreillers, coupons de tissu) avait disparu. Le commerçant n’avait pas une idée très précise de ce qui lui avait été pris mais il l’évalua approximativement à 500 millions de centimes. Il se rendit au poste de police le plus proche et déposa plainte.
De retour à son commerce, il réfléchit, changea la serrure du rideau, puis le referma. Il s’était dit que sa marchandise devait atterrir forcément sur un des marchés d’Alger et de ses environs. Peut-être dans l’après ou le lendemain. S’il attendait le surlendemain, il risquait de ne jamais la revoir parce qu’elle se vend très bien et très vite en raison de son prix plus que raisonnable pour la majorité des bourses.
Il se rendit à tous les marchés où sa marchandise était susceptible d’être vendue : Réghaïa, Rouiba, Boumaâti, de Belouizdad, place des Martyrs. Pendant les deux premiers jours de son périple, ses investigations s’avérèrent infructueuses. Ce n’est qu’au troisième jour que la chance lui sourit.
Alors qu’il se trouvait à la place des Martyrs, par une après-midi caniculaire, sans trop de conviction parce qu’il avait commencé à se dire que les voleurs avaient dû emmener sa marchandise en dehors de la wilaya d’Alger, le commerçant chinois trouva exposées, sur l’étal d’un marchand qui semblait pourtant honnête et respectable, quelques-unes de ses couvertures. Mais elles ne se vendaient pas très bien… En tout cas pas comme elles auraient dû l’être. Il s’approcha un peu plus de l’étal et tendit l’oreille. Comme il avait appris l’arabe dialectal algérien, il n’eut aucune peine à comprendre la raison de cette mévente : le marchand vendait les couvertures cinq fois plus que le prix avec lequel il avait l’habitude de les proposer.
Il détailla l’étal du marchand et reconnut d’autres articles lui appartenant. Il n’y avait pas le moindre doute ! Il le tenait son voleur… ou plutôt l’un d’entre eux.
Il se rendit au poste de police et quelques minutes plus tard, le commerçant fut appréhendé.
Interrogé, le commerçant dénonça son complice, celui qui lui avait livré la litigieuse marchandise. Le Chinois avait eu la surprise de sa vie lorsque, au cours de l’enquête, il avait découvert que le complice du commerçant était … commerçant lui aussi ! Mais, lui, il vendait des ustensiles de cuisine.
Cela avait étonné également tous ceux qui se trouvaient, mercredi dernier, au tribunal d’El- Harrach où cette affaire avait été jugée. En effet, d’habitude, les voleurs et les cambrioleurs sont des marginaux. Des gens si démunis qu’ils se retrouvent contraints de voler pour survivre. Mais là, on avait affaire à deux commerçants très connus à la place des Martyrs. Deux commerçants respectables… En apparence bien sûr. C’est à ne rien comprendre
L’affaire étant très claire, les deux commerçants ont été condamnés à 5 ans de prison ferme chacun.