Le Midi Libre - entretien - L’argent des chiens
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Edition du 6 Septembre 2012



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L’argent des chiens
6 Septembre 2012

Nous l’avons dit à plusieurs reprisess : il suffit très souvent de la plus insignifiante des futilités pour que soit commis le plus horrible des crimes : ôter la vie à autrui.

L’histoire qui va suivre a eu lieu à Ouled Aïch dans la banlieue de la ville de Blida.
Hocine n’a que 19 ans et déjà il s’est forgé une grande réputation dans le commerce de chiens. Ce jour-là, c’était durant le mois de juin dernier, il avait ramené une demi-douzaine de chiots qu’il comptait écouler parmi ceux qui possédaient des villas et qui considéraient que face aux maraudeurs nocturnes, un bon chien méchant était un argument plus dissuasif qu’une caméra de surveillance.
Mais cette fois-ci pour des raisons qu’il avait du mal à cerner, sa «marchandise » ne voulait pas se vendre alors que d’habitude, cette race de chiens (des bergers allemands) s’écoulait comme des… petits-pains.
Alors qu’il était en train de se dire qu’il avait tout intérêt à se trouver une activité plus stable plus sûre, il croisa Ali, un de ses amis. Agé de 24 ans et sans la moindre qualification, Ali n’avait pas son pareil pour vendre tout ce qu’il lui tombait sous la main.
- Ah ! Ali ! C’est le Bon Dieu qui
t’envoie ! Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux de te rencontrer.
Ali sourit jaune.
- Toi, mon ami, tel que je te connais, tu dois avoir quelque chose que tu n’arrives pas à vendre à me refiler.
- Oui… Et je pense que tu devines de quoi il s’agit.
- Oui, bien sûr… il s’agit de chiens comme d’habitude.
- Oui…
- Hum… les chiens sont des animaux que je n’ai jamais aimés. On a beau me dire que se sont des bêtes serviables, reconnaissantes et fidèles, moi je les trouve inquiétants et diaboliques.
- Allez, allez, ne me dis pas que toi aussi Ali, tu crois à ces salades qui disent que là où les chiens rodent les anges disparaissent ?
- C’est ce que disent nos parents effectivement mais il ne s’agit pas de ça… Les chiens ne me plaisent pas. Peut-être pour la même raison qui fait que lorsqu’un homme n’a pas de principe on dit de lui que c’est un chien…
- Oh ! Ali, s’il te plait, je n’ai pas envie de dire du mal de mon gagne-pain… Dis-moi, tu m’aides à vendre ces chiens, oui ou non ?
- Cela dépend… si ce sont de gros chiens, je ne vois pas comment je vais faire pour les faire entrer la maison en attendant de les vendre…
- Ce sont des chiots âgés d’à peine quelques semaines.
- Ah ! dans ce cas, je suis prêt à tenter ma chance.
- Alors, voilà ce que nous allons faire, Ali. Je te donne deux petits bergers allemands à vendre. Je veux que chacun me rapporte 8.000 DA.
Tout ce que tu pourras en tirer en plus sera pour toi.
- C’est-à-dire que si j’arrive à vendre chacun d’entre eux à 18.000 DA, j’empoche deux fois 10.000 DA ?
- Oui.
- C’est-à-dire que je gagnerai plus que toi ?
- Oui… gagne autant d’argent que tu pourras. Moi, tout ce que je veux c’est empocher 8.000 DA pour chaque bête
vendue.
- Hum… cela m’a l’air honnête
- Très bien. Alors viens avec moi à la maison ; je vais te donner les chiens.
Ali parvint à vendre les deux chiots dès le lendemain au nouveau propriétaire d’une villa pour la somme de 40.000 DA. Sur cette somme, seuls 24.000 DA étaient pour lui et ce n’était pas mal du tout… Qui pouvait se targuer de gagner
24.000 DA en moins de 24 heures. Soit mille dinars à l’heure !
Au lieu d’aller donner son du à Hocine et lui demander de lui confier d’autres chiens à vendre, il préféra garder pour lui les 40.000 DA. Et quand il lui demanderait des nouvelles de ses chiens, il lui répondrait qu’ils étaient toujours à la maison et qu’il avait toutes les peines du monde à leur trouver acquéreurs.
Au bout de quelques semaines Hocine perdit patience et téléphona à Ali.
- Ali, tu exagères ! si demain, tu n’as pas vendu les chiens, tu me les rends.
- Calme-toi, calme-toi, Hocine, j’ai un client en vue et je suis en train de le cuisiner…
- Je m’en fous ! je veux mon argent ou les deux chiens !
Ali était bien embarrassé parce qu’il ne restait plus un seul centime des 40.000 DA qu’il avait empochés. Mais cela ne l’empêchait pas de dormir. Il commença par éteindre son portable ; ainsi Hocine ne l’importunerait plus. Au bout de quelques mois, il aurait oublié cette affaire de chiens. Mais Ali se trompait lourdement.
Ali se promenait tranquillement à Ouled Aïch au beau milieu de la chaleur ramadanesque quand soudain Hocine se jeta sur lui et lui trancha la gorge froidement devant plusieurs témoins horrifiés. Son forfait accompli, il s’enfuit. Mais quelques jours plus tard, il fut arrêté et confié à la justice.
Son procès aura lieu dans les tout prochains mois.
Tout compte fait, Ali avait peut-être raison de trouver les chiens inquiétants
et diaboliques…

Par : Kamel Aziouali

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