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Edition du 30 Juin 2012



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Focus sur la diversité musicale dans le Sahara libyen
30 Juin 2012

Evoquer la diversité musicale en Libye est un besoin personnel, celui de redonner de l’intérêt à ce bout de terre qui n’arrête pas de faire l’actualité en ce moment. La révolte, la guerre civile, le sang, la mort, Kadhafi, oui mais pas que cela. Partons donc ensemble, à la découverte d’une culture tristement méconnue.

La diversité oui, mais quelles musiques ?
L’objet de cette contribution est de donner un bref aperçu de la diversité musicale qui règne dans un territoire déterminé en fonction de critères géographiques. Cela implique que l’on écarte certaines musiques en raison de leur nature ou de leur extension (musique dite arabo-andalouse, world …)
Pour catégoriser les musiques à retenir ici, il convient de répondre à quelques questions, simples en apparence : comment les nommer ? Par qui sont-elles jouées ou chantées ? Pour qui ? Où et quand ?
Pour ce qui est du terme qui les désigne, la plupart des professionnels se sont mis d’accord pour l’emploi du terme Traditionnelles. D’autres appellations ont été souvent abandonnées pour diverses raisons, c’est le cas, par exemple, de musiques populaires en raison notamment de leurs sens différents chez les Anglo-Saxons. On trouve encore le terme ethnique qui ne semble pas très heureux non plus. Soulignons l’ambiguïté de musique du monde qui est parfois utilisé, bien à tort, comme synonyme de world music. Enfin, on ne peut esquiver les difficultés que posent le terme folklore et ses dérivés.
Folklore prend des significations qui varient sensiblement suivant les époques et les régions considérées. Par exemple, dans les ouvrages concernant l’Europe orientale, il faut savoir que folklore a désigné un chercheur que nous appellerions ethnomusicologue. Pour ma part, je propose que cette famille de mots soit réservée à un phénomène qui a pris une extension considérable avec la prolifération de groupes régionaux ou nationaux qui participent à diverses rencontres à travers le monde. En effet, quand les musiques et danses sont sorties de leur contexte (lieux, circonstances, environnement…) pour devenir simple spectacle ailleurs, elles sont soumises aux impératifs propres à un système tout autre que celui dont elles émanent et qui leur impose des distorsions inévitables quant à la durée et l’orientation.
Ainsi, Il est difficile d’apprécier l’ampleur de ces distorsions si l’on n’est pas spécialiste de ces partitions dans leur milieu d’origine et il importe donc de rester méfiant quant à la valeur proprement ethnographique de ces performances. Il n’est pas nécessaire, pour autant, de bouder le plaisir qu’elles offrent quand elles sont de qualité. Les problèmes qui se posent lors du déplacement de ces musiques mettent en évidence les caractères en considération desquels on s’autorise à les placer dans la catégorie dite traditionnelle, par exemple un spectacle de danse targui n’aura pas le même effet face à un public d’asiatiques ou d’hispaniques.

Les instruments et leur pratique : une belle harmonie
Chaque population accorde une primauté à un instrument auquel on attribue un rôle plus ou moins identitaire. Par exemple, pour les Toubous dont le centre originel est le Tibesti (nord du Tchad), qui sont établis de longue date dans la région de Koufra à l’est du territoire libyen actuel et se nomment eux-mêmes teda, c’est un luth nommé dans leur langue (le tedaga) keleli. Il n’est joué que par les hommes pour qui il est le signe de l’entrée dans l’état socialement adulte. Il est capable de transmettre des messages en se substituant à la parole. On le joue soit dans le village, soit dans la brousse où il permet de communiquer avec les animaux sauvages. La plupart des pièces du répertoire sont interprétées sur deux cordes et couvrent un ambitus d’une quinte.
Certaines pièces, empruntées explicitement aux Daza (population plus sahélienne), se jouent avec l’aide d’une troisième corde plus courte qui permet d’exécuter un bourdon intermittent dans l’aigüe alors que les deux cordes principales n’expriment jamais l’octave.
Pour les Touaregs, chacun sait que l’instrument emblématique est la vièle monocorde nommée imzad ou inzad ou encore amzad selon les sous-régions puisque les Touaregs, qui en Libye, sont établis sur la frange orientale du pays avec les agglomérations de Ghat et de Ghadamès se répartissent également dans le sud algérien, le Niger et le Mali, et l’on trouve également quelques groupes au Tchad.
La vièle monocorde, comme type instrumental, est répandue dans une aire très vaste saharienne et sahélienne mais, dans chaque culture, elle est personnalisée par les détails de facture concernant les matériaux, les dimensions et, bien entendu, la structure des musiques qu’elle permet d’interpréter.
Partout, c’est un instrument joué par les hommes sauf chez les Touaregs où son usage est un apanage féminin incontesté et prestigieux. On y joue une musique volubile entrecoupée de longues notes tenues en utilisant la corde à vide. En cours de jeu, la musicienne fait sonner fréquemment l’octave, construisant ainsi une sorte de cadre sonore à sa mélodie. On y joue aussi des musiques de guérison.
Nous évoquions dans la première partie l’approche de la diversité musicale via les instruments, il faut donc savoir différencier le genre musical par rapport à l’instrument utilisé, ainsi il faut savoir que les Arabes oasiens, partagent avec les habitants de l’ensemble de la Libye une prédilection pour la clarinette double nommée magrouna.
C’est un instrument dont l’ancienneté est attestée par des représentations dans certaines peintures de l’Egypte pharaonique. Elle diffère de la clarinette mizmar de l’Egypte contemporaine qui comporte deux tuyaux sans pavillons et dont un seul est mélodique. Le second est un tuyau bourdon, non percé de trous. Les deux tuyaux de la magrouna, tous deux mélodiques sont percés chacun de cinq trous et munis, à leur extrémité, d’un petit pavillon en corne. Ils sont attachés parallèlement de façon à permettre au musicien de les faire sonner à l’unisson en ouvrant ou bouchant d’un même doigt les trous correspondants des deux tuyaux. L’anche simple battante idioglotte est découpée dans un petit tuyau introduit dans le tuyau principal de l’instrument d’un côté et dans la bouche du musicien de l’autre. Celui-ci pratique la technique dite de respiration circulaire en utilisant sa bouche comme réserve d’air grâce à laquelle l’instrument est insufflé de façon permanente et produit un son continu. C’est un instrument dont l’usage est réservé exclusivement aux hommes.
Si l’on a choisi de présenter l’instrument privilégié de chaque groupe pour illustrer leur différence, celle-ci se manifeste aussi, cela va de soi, dans d’autres aspects des activités musicales. Pour rester dans le domaine instrumental, revenons à la vièle monocorde. Il en existe une également chez les Teda-Daza nommée kiikii (ou encore kinini). Celle des Toubous est plus petite que celle des Touaregs et ne comporte pas de décor dessiné sur la peau qui constitue la table. Chez eux c’est un instrument non moins exclusivement masculin qu’il est exclusivement féminin chez les Touaregs.
Un autre type instrumental : le tambour, bien que présent chez tous, suffirait à lui seul à illuminer notre propos. Il en existe plusieurs types dans chaque groupe. Chez les Toubous c’est un instrument masculin par excellence.
Le nang’an apanage du pouvoir ou instrument de la fête joué par les jeunes hommes accompagnant le chant des femmes est un instrument à deux peaux lacées, posé sur une selle de chameau ou au sol en porte-à-faux ou bien suspendu à un piquet et jumelé avec un instrument de la même facture plus petit nommé kwelli. Seule la peau supérieure est frappée à l’aide de deux baguettes droites. En cas d’absence du kwelli, il arrive que l’on frappe les deux peaux du nang’ana.
Un autre type de tambour, d’usage beaucoup plus récent et moins intégré dans la société toubou est le kidi, porté en bandoulière et frappé à mains nues et réservé aux musiciens appartenant à la caste des forgerons qui le frappent pour accompagner leur chant lors des réunions de musique et de danse nommées abi.
Chez les Oasiens, un tambour à deux peaux de facture voisine mais souvent plus petit que le nang’ana nommé tbal ou tobol est joué, notamment pendant les fêtes de mariage, soit par les hommes, soit par les femmes, selon le moment de la cérémonie. Sa garde est traditionnellement confiée à une femme.
Chez les Touaregs, le grand tambour sur mortier, tendu d’une peau de chameau lacée, le tindi est un instrument spécifiquement féminin parfois associé à un tambour d’eau nommé sakalobo, également frappé par une femme pour accompagner la danse des femmes et des hommes lors de fêtes diverses. Chez eux, comme chez les Toubous, il y a des musiciens castés jouant des tambours qui leur sont réservés, notamment des gangas joués par paires dont l’un est assimilé à une voix féminine tandis que l’autre exprime une voix masculine.
Il faudrait mentionner d’autres types instrumentaux présents mais sans doute moins répandus dans la région. Entre autres : la flûte, absente chez les Toubous mais présente chez les Touaregs et les Arabes. Chez ces derniers seulement, il faut mentionner une cornemuse nommée localement zokra. Elle est jouée par les mêmes musiciens que ceux qui jouent de la magrouna mais les deux instruments ne sont jamais présents ensemble car ils sont investis du même rôle et sont considérés comme équivalents. La facture de la zokra libyenne se distingue de celle de la magrouna par la présence du sac en peau de chèvre, la dimension des deux tuyaux plus grands que ceux de la clarinette et le nombre de trous de jeu qui est de quatre dans la cornemuse mais l’inverse n’est pas vrai. De ce fait, l’allure générale de la cornemuse libyenne est très proche de celle de la cornemuse tunisienne mezwid.


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