Le Midi Libre - entretien - Pour l’honneur de la famille (2e partie et fin)
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Edition du 27 Juin 2012



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Coups et blessures volontaires
Pour l’honneur de la famille (2e partie et fin)
27 Juin 2012

Résumé : Une jeune femme, âgée entre 35 et 40 ans, apprend à Rabah que Ramdane, un ami de son défunt père courtise sa mère et lui conseille de mettre un terme à cette situation pour sauver l’honneur de sa famille mais aussi pour lui permettre, elle, de renouer avec Ramdane avec qui elle entretenait une liaison qu’elle espérait voir aboutir à un mariage.

Après le départ de la jeune femme, Rabah demeura un bon moment immobile sur le trottoir à réfléchir à la bonne méthode à adopter pour soustraire sa mère aux convoitises du vieil ami de son défunt père. Il avait eu l’intention de demander à la dame avec qui il avait discuté de l’aider dans ce sens mais il s’était ravisé parce qu’il avait compris que tout ce qui l’intéressait, elle, était de reconquérir son Ramdane. Le reste ne l’intéressait pas. Quand il était élève au lycée Okba, Rabah avait connu des filles qui se comportaient de la sorte. Elles vous conseillaient de faire quelque chose en vous faisant croire qu’elles vous rendaient un grand service alors qu’en réalité, par le biais de ce qu’elles vous demandaient, elles cherchaient seulement à atteindre un but personnel. C’étaient des manipulatrices. Des personnes à qui il ne faut jamais accorder sa confiance, se dit-il en se grattant le menton. Et c’est parce qu’il ne devait pas accorder sa confiance à la dame qu’il avait d’abord décidé de vérifier la véracité de ses propos. Et pour ce faire, il prit la décision de surveiller sa mère. Un acte dont il n’était pas très fier mais qui était nécessaire pour savoir comment traiter la situation.
Il retourna à la boulangerie, acheva son travail puis se rendit à l’endroit où sa mère travaillait comme femme de ménage. A midi et demie, il la vit sortir et se rendre à la station d’autobus où patientaient déjà quelques personnes. Alors qu’il était en train de se dire que ce qu’il était en train de faire était ridicule, il vit une voiture s’arrêter près de la station et un homme qu’il connaissait bien en descendre : c’était Ramdane, l’ami de son défunt père ! Ah ! Il avait bien fait de ne pas avoir attendu le jour suivant pour se mettre en action. La jeune femme finalement n’avait pas menti. Ramdane courtisait sa mère. Et là, il était venu l’attendre près de son lieu de travail pour lui proposer de la raccompagner chez elle ou de…ou de…l’emmener quelque part, se dit-il. Comment réagirait sa mère ? Allait-elle accepter de monter dans sa voiture ou… ? Avant même que ses interrogations ne prennent forme dans sa tête, il vit sa mère secouer sa tête lentement de gauche à droite en signe de refus. L’autre n’insista pas, remonta dans sa voiture et s’en alla. Mais il allait certainement encore revenir le lendemain, le surlendemain et les autres jours, espérant qu’elle finirait par céder, se dit Rabah. Que faire ? Que faire ? Ah ! s’il savait ce que sa mère pensait de tout cela, la solution serait facile. En tout cas, ce qui est certain c’est que Ramdane la courtisait depuis au moins une année et, apparemment, elle avait toujours repoussé ses avances, se dit-il encore. C’est clair en principe. Cette femme n’avait plus que ses gosses comme préoccupation principale. Du vivant de son père, elle ne sortait presque jamais de la maison. Et maintenant avec le drame qui s’était abattu sur la famille, elle s’était trouvée dans l’obligation de travailler. Il vit un bus presque vide s’arrêter et sa mère y monter. Il resta encore là un moment comme s’il attendait que la décision à prendre finisse de prendre forme dans sa tête. Celle-ci ne tarda pas à s’imposer. Le lendemain ce serait vendredi, il verrait Ramdane et lui demanderait de laisser tranquille sa mère. En principe, il n’aurait aucun mal à accéder à son souhait s’il avait quelque respect envers la mémoire de son père.
Le lendemain, aux environs de 10h du matin, Rabah entra dans le café où il avait l’habitude de voir le vieil ami de son père siroter une tasse de café où il avait préalablement versé quelques gouttes de fleur d’oranger. Il était là, assis seul à une table. Il s’installa en face de lui. Quand le quadragénaire l’eut vu, il sourit :
- Ah ! Rabah ! Le fils de mon ami, Allah yerrahmou. Alors comment ça va ? J’ai entendu dire que tu es devenu boulanger… C’est un bon métier… Un peu fatiguant mais rentable. Mais moi à ta place, j’essaierai de devenir pâtissier. Les pâtissiers gagnent un argent fou. Au bout de quelques années de travail, tu peux ouvrir ta propre boutique… ils sont fous ces jeunes qui n’envisagent leur avenir qu’avec l’obtention du baccalauréat…
- Aammi Ramdane… c’est gentil de vouloir me donner des conseils… mais je suis venu te voir pour autre chose… on ne peut pas parler ici…allons ailleurs, là où il n’y a pas de monde.
- Hum… c’est un sujet très important à ce que je vois… et je crois deviner lequel.
Il approcha son buste du jeune homme et chuchota:
- Tu veux me parler de ta mère, hein ?
- Oui… s’il vous plait… laissez-la tranquille, répondit le jeune homme à voix basse.
Ramdane croisa ses bras, fusilla du regard le jeune homme et celui-ci se rappela les propos et la mise en garde de la femme avec qui il s’était entretenu deux jours plus tôt : « Mais allez-y doucement, Rabah… Ramdane, je le connais très bien. Il passe d’une humeur à une autre à une vitesse extraordinaire. Il est très gentil et puis brusquement à la faveur d’une toute petite contrariété, il s’énerve et il se transforme en tempête de sable. »
Les muscles du visage du quadragénaire se mirent à trembler et il se mit à hurler :
- Mais qui es-tu pour dicter ta loi ? Ta mère est malheureuse comme le sont toutes les femmes qui vivent sans
homme ! Ta mère est humaine, elle a besoin de tendresse ! Je veux lui rendre service et toi, tu joues au trouble-fête !
Rabah, qui ne s’attendait pas du tout à une telle réaction, aurait voulu que le sol s’ouvre et l’engloutisse. Mais comme le sol ne daignait pas s’ouvrir, il voulut faire taire Ramdane en plaquant sa main droite contre sa bouche.
- S’il te plait, tais-toi aammi Ramdane.
Celui en voyant la main du jeune homme s’approchant de son visage crut qu’il voulait le frapper. Alors il frappa le premier ! Il donna un coup de poing au jeune homme qui tomba à la renverse. Celui-ci, dans un état second, se mit à regarder autour de lui, essayant de comprendre ce qui venait de lui arriver.
Il vit alors derrière une porte une barre de fer que le gérant du café tenait à portée de main pour faire fuir les éventuels casse-pieds. Il se releva alors aussitôt, se précipita sur la barre de fer, s’en saisit et se rua sur son agresseur à qui il asséna plusieurs coups d’une rare violence. En quelques secondes, Ramdane se transforma en une masse sanguinolente, hurlante et gémissante.
Si des gens n’étaient pas intervenus pour maitriser le jeune homme, l’issue de ce combat aurait été plus dramatique qu’elle ne l’était déjà.
Quand Ramdane fut sorti de l’hôpital, il lui manquait un doigt pour toujours. Et il pouvait s’estimer heureux parce que le jeune ne s’était pas transformé en tempête de sable mais en cyclone !
Il y a tout juste une semaine, Rabah a été jugé au tribunal d’Alger pour coups et blessures volontaires. Cinq ans de prison ferme ont été requis contre lui.

Par : kamel Aziouali

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