Les éditions Chihab viennent de publier "Histoires minuscules des révolutions arabes", un ouvrage collectif dirigé par l’ancienne avocate et responsable à l’Unesco, Wassyla Tamzali, regroupant 44 textes de fiction d’auteurs, d’intellectuels et d’artistes d’horizons divers qui livrent leur regard personnel sur le "Printemps arabe".
A travers ces 44 textes, initialement prévus pour une revue semestrielle française, les évènements qui ont secoué le monde arabe en 2011 sont revisités sous le prisme de la fiction, en empruntant l’idée de l’"histoire minuscule", de l’anecdote ou de la réflexion personnelle pour éclairer le mouvement de l’Histoire. L’idée d’"Histoires minuscules" est inspirée du travail de l’auteur français Pierre Michon qui tente dans ses livres de restituer le mouvement historique en passant à chaque fois par des histoires personnelles. "Etre minuscule, c’est se sentir dépassé par quelque chose qui vous transcende", écrit l’éditrice française Nadia Tazi dans un texte intitulé "Béance", en évoquant une interview de l’auteur de "Vies minuscules", Pierre Michon.
"L’idée originale était d’écrire, non des témoignages sur l’actualité elle-même, mais des fictions. Car les fictions sont intemporelles. Elle font de ce livre un voyage initiatique au cúur des +révolutions arabes+", écrit l’éditrice du livre en France, Behja Traversac, en préambule de l’ouvrage. Plusieurs fictions ont pour décor la Place Tahrir du Caire. Des auteurs livrent des instantanés de rassemblements qui ont conduit au départ de Hosni Moubarak, à l’instar de la journaliste égyptienne Dina Heshmat dans "Effacement" ou de sa compatriote et historienne de l’Art Shaira Mehrez dans "le 24 janvier 2011, Le Caire". Des auteurs algériens de renom participent à cet ouvrage, comme Wassiny Laaredj avec un texte titré "Délivrance" qui a pour décor la célèbre place cairote et qui mêle révolte politique et révolte personnelle d’une jeune danseuse égyptienne. D’autres textes évoquent des figures devenues célèbres après les "révolutions arabes", à l’exemple du Tunisien Mohammed Bouazizi, dont l’immolation fut à l’origine du soulèvement populaire en Tunisie, ou encore de la "blogueuse" égyptienne Allia Magda Elmahdy. Des auteurs algériens de la nouvelle génération, comme les cinéastes Sofia Djama et Yanis Koussim décrivent le contraste entre l’atmosphère "silencieuse" d’Alger et l’effervescence en cours dans les pays voisins. Tous les textes ont été écrits avant les différentes élections qui ont eu lieu dans les pays en question et qui ont, pour une large majorité, consacré la victoire des partis islamistes. Cependant, ce fait est pressenti et anticipé par les auteurs, et ce, malgré le vent de liberté qui soufflait sur ces manifestations. "Quand l’idée de ce livre est née, la Tunisie, l’Egypte étaient encore loin de voter, la première déclaration officielle de la Libye- rétablir la polygamie- n’était pas encore tombée, le mot même de "révolution" n’était pas encore contesté et nous étions nombreux à être encore portés par la "divine surprise" du 14 janvier 2011" (date de la chute du président tunisien Ben Ali), écrit Wassyla Tamzali. Certains auteurs s’attachent à mettre en scène l’idée d’une identité collective retrouvée, d’une conception nouvelle du vivre-ensemble, découverte dans la liesse et les dangers des manifestations qui ont rassemblé les foules au Caire, à Tunis ou à Homs.
"Mais l’événement consiste dans cette indétermination initiale et cette espèce d’innocence qui se soutient seulement de l’être ensemble : l’émerveillement de se découvrir à la fois multiple (ouvert) et un", écrit Nadia Tazi. Par ailleurs, cette idée de l’"être-ensemble" se trouve confortée par les nombreuses histoires d’amour qui jalonnent ce livre. L’idée de la rencontre amoureuse, de l’irruption brutale de la sexualité au cúur de la révolte, s’exprime chez des auteurs algériens comme Malika Allel dans "Amour" ou Aziz Chouaki dans "Marouane et Souad".
"Histoires minuscules des révolutions arabes" se referme sur un texte de Benamar Mediène, intitulé "Voyant", dans lequel l’auteur fait parler Kateb Yacine d’entre les morts en s’attachant à démontrer le caractère visionnaire du poète algérien dans la révolte qu’il a porté à travers ses textes et son engagement.