Le Midi Libre - entretien - Un prétendant aux intentions surprenantes (2e partie)
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Edition du 9 Mai 2012



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Un prétendant aux intentions surprenantes (2e partie)
9 Mai 2012

Résumé : Nora (29 ans) est abordée par un jeune homme à la gare routière de Tizi- Ouzou. Il l’invite à déjeuner et elle accepte parce qu’elle a envie d’entendre ce qu’il avait l’intention de lui dire.

Le serveur arriva, demanda aux deux jeunes gens ce qu’ils avaient l’intention de prendre et le jeune homme commanda les plats les plus coûteux que pouvait proposer un restaurant pour voyageurs pressés.
Le repas était royal mais durant tout le temps qu’avait duré le déjeuner, le jeune homme n’avait pas cessé de demander à Nora de lui pardonner pour l’avoir invitée dans un lieu indigne d’elle.
- Il faut me comprendre, je ne pouvais pas faire autrement. Je me suis dit qu’il serait plus facile pour moi de te convaincre d’entrer dans un restaurant se trouvant tout près de nous que de t’emmener dans un restaurant se trouvant en ville… La prochaine fois, si Dieu veut, je t’emmènerai dans un lieu plus digne de toi… c’est-à-dire chez nous. Je t’ai déjà dit que mes parents ont une villa à Boumerdès ?
- Oui.
- Mais je ne t’ai pas dit que cette villa se trouvait près de la mer.
- Non ; tu ne me l’as pas dit.
Pour taquiner un peu le jeune homme mais aussi dans l’espoir de lui soutirer des informations supplémentaires au sujet de la belle vie qu’il lui proposait, elle lui dit :
- Oh ! je ne sais pas si j’aurai le courage d’habiter à côté de la mer.
- Pourquoi ?
- Boumerdès est une région sismique et une région sismique à proximité de la mer, ça me fait frémir… Tu te rappelles ce qui s’est passé l’année dernière au Japon ?
- Oh ! là ! là ! Tu es vraiment partie loin… Notre villa a été construite en 1998… Et lors du séisme du 21 mai 2003, elle n’a pas bougé. Pas même une lézarde. Quant aux tsunamis auxquels tu fais allusion, ils n’existent pas en mer Méditerranée.
- Puisque tu le dis...
En prononçant ces derniers mots, Nora sortit son téléphone portable de son sac à main pour jeter un rapide regard sur l’horloge de l’écran de veille. Sa sœur aînée devait être en train de se demander pourquoi elle n’était pas encore arrivée. Mais en même temps, elle ne voulait pas se lever et s’en aller. Elle ne voulait pas quitter ce jeune homme qui avait tout l’air d’être «l’associé de sa vie» que le «mektoub» lui destinait depuis le premier instant où ses yeux noirs s’étaient ouverts à la vie, il y a de cela bientôt 29 ans.
- Oh ! oui, mon Dieu ! s’exclama le jeune homme en se levant et en sortant son portefeuille pour payer la note. Tu as raison… il faut partir… j’ai envie que nous restions à bavarder pendant des heures et des heures, mais le devoir m’attend, j’ai rendez-vous avec deux clients dans le courant de l’après-midi à Béjaïa. Je dois partir. Toi aussi tu dois partir… Je t’accompagne jusqu’à Draâ Ben Khedda…
- Oh ! Non… cela va te retarder…
- Mais non, mais non… cela ne prendra pas plus d’un quart-d’heure…
Quelques instants plus tard, Nora s’était retrouvée dans la belle Renault Symbol de Sofiane.
Pendant un petit moment, la jeune fille se laissa aller à une béate rêverie qui se transforma ensuite en une sorte d’hystérie intérieure lorsque le jeune homme lui dit :
- Tu as ton permis de conduire ?
- Oui, depuis quatre ans mais je n’ai jamais conduit…
- Eh bien, cette voiture sera à toi quand nous nous marierons. Moi, il me faut une voiture plus solide parce que j’ai envie d’aller plus loin que les wilayas d’Alger, Boumerdès, Tizi-Ouzou et Béjaià. Il y a beaucoup d’argent à gagner dans des régions se trouvant un peu plus au Sud, qui sont très chaudes et où les matériels frigorifiques sont soumis à de rudes épreuves et qui ont donc besoin d’être constamment entretenus.
- Tu vois loin… Ah ! ce que j’aurais voulu avoir ton intelligence. Beaucoup de gens dont moi-même ne voient jamais plus loin que l’instant qu’ils vivent.
- Ah ! Non, ce n’est pas bon… Si Dieu nous a donné le pouvoir de savoir que le futur existe, c’est pour pouvoir l’aménager selon nos intentions et nos projets… Si l’être humain ne regardait que l’instant présent, il n’y a aucune différence entre lui et l’animal. Et Dieu nous a favorisés par rapport aux animaux. Ce serait l’offenser que de ne pas profiter de cette faveur qu’il nous a octroyée.
- Tu as raison, Sofiane…Tu as raison.
Quand Nora fut descendue de voiture au centre-ville de Draâ Ben Khedda, elle était devenue amoureuse de Sofiane. Elle était convaincue que c’était l’homme de sa vie. Celui-ci l’avait deviné à la manière dont elle le regardait. Il lui donna alors son numéro de téléphone, elle lui donna le sien et ils se promirent de se revoir le plus tôt possible.
Et le jeune homme d’ajouter :
- C’est la première fois que je me rends à mon travail avec un cœur heureux et léger. Avec la conviction que désormais la vie est très belle…
Nora se montra digne et baissa la tête avec pudeur alors qu’en réalité, elle avait envie de sauter, de danser et de pousser des youyous. Trois jours plus tard, Sofiane l’appela pour lui annoncer qu’il avait parlé d’elle à sa mère et qu’elle voudrait qu’elle la voie d’abord avant de demander à son père de l’accompagner chez ses parents pour demander sa main.
- Que veux-tu que je fasse, Sofiane ?
- Je veux que tu viennes avec moi pour voir ma mère.
- Oh ! Sofiane… cela ne se fait pas… C’est contraire à nos coutumes.
- Oh ! Nora… Tu sais mieux que moi que nos coutumes sont loin d’être parfaites… Si j’avais un pouvoir quelconque, je supprimerai toutes ces coutumes. Nous nous aimons tous les deux, nous sommes adultes et pourquoi veux-tu que nous passions par toutes ces formalités ? Mais ces formalités je les accepte….
- D’accord… Je viendrai avec toi… mais après-demain.
- Pourquoi pas demain ?
- Parce que là je suis chez ma sœur. Je dois rentrer chez moi demain pour prendre une douche et mettre une belle robe, de belles chaussures…
- Oui… D’accord… Demain en fin d’après-midi je te téléphonerai pour confirmer notre rendez-vous pour après-demain. Ça marche !
En coupant la communication, Nora se sentit happée par une profonde méditation. Que faire ? Elle avait fait part à sa sœur du jeune homme qu’elle avait rencontré et qui lui avait paru parfait en tous points mais elle ne voulut pas lui faire part de cette nouvelle donne. Elle ne voulait pas lui faire part de sa décision de l’accompagner chez lui pour voir sa mère. Déjà qu’elle lui avait recommandé la plus grande prudence parce que les hommes chez nous, lui avait-elle dit, avaient le siège de leur mental non pas dans le cerveau mais «ailleurs»… comme tous les animaux, lui-avait-elle précisé. Elle n’avait pas aimé la mise en garde de sa sœur parce qu’elle avait estimé que celle-ci ne savait rien des hommes. Dès l’âge de 16 ans après son échec au BEM, elle était cloitrée à la maison jusqu’à ce que leur père la marie au premier prétendant venu parce qu’il avait peur qu’il n’y en ait pas d’autres et qu’elle vieillisse sous son toit. Elle réfléchit rapidement et annonça à sa sœur qu’elle rentrerait à la maison pour régler quelques petits problèmes et qu’elle reviendrait le surlendemain. Dans sa tête, le scénario était simple : elle dirait à sa mère qu’elle retournait chez sa sœur mais en réalité elle irait …se faire voir par la mère de Sofiane ! Et celui-ci, après l’entrevue, la déposerait en milieu d’après-midi à Draâ Ben Khedda.
Un beau scénario… dont, malheureusement, elle était loin d’imaginer l’épilogue.
(à suivre…)

Par : Kamel Aziouali

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