Les événements ci-dessous ont eu lieu à Bouzaréah l’année dernière, à quelques semaines de l’Aïd El-Adha. Abdeldjebbar avait loué une camionnette et s’était rendu à Djelfa d’où il avait ramené une dizaine de moutons qu’il comptait revendre. Et comme, par ailleurs, il avait une autre activité plus stable, il chargea ses quatre fils d’emmener paître les bêtes à tour de rôle. Il leur élabora même un planning qu’ils n’avaient pas le droit de discuter. Son fils El-Hadi, le plus jeune âgé de 16 ans et encore collégien, fut sommé de s’occuper des moutons les mercredi après-midi.
- Oh ! père, j’ai cours le mercredi après-midi…
- Et alors ? Tu n’as qu’à rater ton cours et ramener un certificat médical du dispensaire !
- Et les cours que je vais manquer ?
- Allez, tais-toi ? Tu ne vas pas me faire croire que c’est un après-midi passé une fois par semaine avec nos moutons qui décideront de ton avenir ! Et puis supposons que tu as obtenu le bac, la licence et même le doctorat ! Que vas-tu en faire ? L‘avenir est dans le commerce…Le métier de maquignon a enrichi mon père, mon grand-père et mes arrière-grands-parents..
- Oui, je sais… mais…
- Tais-toi, espèce d’idiot... Je sais mieux que toi ce qui est bien et ce qui est nocif pour toi…
- D’accord, papa, d’accord. Inutile de te mettre dans tous tes états.
Trois jours plus tard, El-Hadi emmena les dix moutons paître dans les environs de Bouzaréah. Armé d’un bâton, l’adolescent n’avait qu’une hantise en tête : que les moutons s’enfuient et s’engagent sur une route à grande circulation où ils se feraient heurter par des voitures. Mais comme il n’avait aucune connaissance du comportement de ce type d’animaux, il fut tout surpris de les voir courir en direction du jardin d’une petite villa. L’enfant les suivit dans le but de les en faire sortir mais ce fut loin d’être une entreprise aisée. Le maître des lieux, qui se trouvait là en train de tailler quelques roses, se redressa et se mit à hurler :
- Quoi ? Tu es revenu ? C’est la troisième fois ! Ah ! Cette fois, tu l’auras ta correction !
Le vieil homme, qui avait largement dépassé les 70 ans, se rua sur le pauvre El-Hadi et le roua de coups avec une canne jusqu’à évanouissement.
Ce n’est que lorsqu’il se réveilla à l’hôpital qu’il sut que ses frères aînés étaient entrés avant lui dans le jardin du vieil homme lorsque les moutons s’y étaient engouffrés, attirés par la verdure et les carrés de légumes. Comme lui et ses frères se ressemblaient, le vieil avait cru que c’était la même personne qui était revenue.
Il y a quelques jours, le vieil homme a été jugé au tribunal de Bir Mourad Raïs. Le procureur a requis contre lui 6 mois de prison ferme et 20 mille dinars d’amende..
Par : K. A