Le Midi Libre - entretien - Le masque du chagrin (2e partie et fin)
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Edition du 21 Mars 2012



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Le masque du chagrin (2e partie et fin)
21 Mars 2012

Résumé : Nadia (38 ans) et mère de trois enfants (âgés de 6, 11 et 19 ans) se dispute une fois encore avec son mari et décide de retourner chez ses parents. Son mari se dit qu’elle reviendrait au bout de deux à trois jours, une fois que sa colère lui serait passée. Mais après une semaine, elle est toujours absente et elle ne répond pas aux appels téléphoniques de son fils ainé.

Chérif s’efforça de sourire :- Allez, Hamid, reprends ton calme, ta mère va bientôt revenir… Je la connais. Elle est un peu dure avec nous tous, mais aussi avec elle même…mais au fond c’est une brave femme…allez entrons…
- Toi aussi tu es dur, papa. Pourquoi ne vas-tu pas la ramener ? Elle veut que tu lui présentes des excuses. Elle aime qu’on se plie à ses exigences et ses caprices.
- Ah ! Mais je vois que tu connais bien ta mère…Attendons encore quelques jours puis j’irai lui demander de revenir même si je ne suis pas responsable de son départ. Tu imagines la catastrophe nationale que connaîtrait notre pays si les couples se séparaient à chaque dispute ? Il n’y aurait plus de familles ni d’enfants. Au bout d’un siècle, le peuple algérien aura disparu !
- C’est vrai.
- Et puis, ta mère n’est plus une jeune femme…Elle a un fils étudiant…Elle devrait en être fière…Et rien que pour cela elle devrait oublier ses enfantillages.
La mère de Chérif qui allait sur ses 70 ans était encore très solide. En un rien de temps, elle prépara le déjeuner pour son fils et ses petits-enfants. Quand ces derniers furent retournés à leurs établissements scolaires respectifs, elle dit à son fils :
- Tu sais, Chérif…je dois te dire quelque chose…
- Oui, maman ?
- De deux choses l’une : ou le petit grain de folie de ta femme a grandi ou… ou…
- Ou, maman ? Va au bout de ta pensée…
- Ou il y a un autre homme dans sa
vie !
Chérif éclata de rire.
- Oh ! Non…Maman…Ce n’est pas le style de Nadia…
- Chérif, je suis une vieille femme et je sais de quoi les femmes sont capables… Je t’avais mis en garde contre elle… Elle est très belle et toutes les femmes qui sont très belles, au moindre petit accroc avec leur mari se disent qu’elles n’ont pas su faire le bon choix. Va la chercher, je te dis, avant qu’il ne soit trop tard.
- Oh ! Non, maman, je te jure que tu es en train d’amplifier un problème insignifiant. Elle voulait un petit repos et elle a trouvé le prétexte de notre dispute pour y aller. Voilà tout.
- J’aimerais que tu aies raison mon fils. Il n’empêche que je ne serai tranquille que quand je la reverrai dans son foyer.
- Bon… d’accord… je vais lui téléphoner.
Chérif téléphona à sa femme et il subit le même sort que son fils. Dans un premier temps son téléphone sonna plusieurs fois et elle ne lui répondit. Par la suite, elle devint injoignable. Elle avait éteint son mobile.
Chérif se mit à trembler de colère et décida de se rendre chez ses beaux-parents sur le champ.
Et ce fut un homme triste, épuisé et seul qui revint à la maison en début de soirée.
La grand-mère qui finissait de préparer le diner, rejoignit dans le couloir ses trois petits-fils qui avaient entouré leur père pour lui demander pourquoi leur mère n’était pas revenue.
Le père entra au salon, se laissa tomber dans un fauteuil et répondit :
- Votre maman, ne reviendra pas…elle veut divorcer ! elle a pris un avocat…
- Mais elle est folle s’écrièrent les trois enfants…
- Que vas-tu faire, Chérif ? demanda la grand-mère. Si tu ne donnes pas ton accord, elle ne peut pas divorcer….
- Je lui donnerai mon accord, maman… Et tu avais raison pour ce que tu m’as dit tout à l’heure… Elle avait de bonnes raisons de s’en aller. Elle veut refaire sa vie.. Elle a toujours rêvé d’une vie où il n’y aurait pas de privations et où elle dépenserait sans compter, sans se soucier des lendemains.
Hamid regarda son père, sa grand-mère puis se mit à crier ;
- Vous voulez dire que maman va se remarier ? Elle va avoir une autre famille et nous, elle va nous oublier ? Je vais la voir … je vais la tuer… non je vais plutôt tuer cet homme avec qui elle veut s’en aller… oui… c’est ça… je vais le tuer !
- Hamid ! Cria Chérif. Calme-toi. Tu es en train d’effrayer inutilement tes frères. Ce sont eux qui devraient se plaindre de cette situation et ils ne disent rien.
- Parce qu’ils sont jeunes et qu’ils n’ont rien compris à ce qui est en train de se passer.
Quelques jours plus tard, Chérif se rendit au tribunal et signa tous les papiers attestant qu’il était d’accord pour que sa femme obtienne le divorce. Pas une seule fois celle-ci ne l’avait regardé et pas une seule fois elle ne lui avait demandé comment allaient ses enfants. Elle s’était comportée exactement comme si elle n’avait pas passé vingt de sa vie à ses côtés. Incroyable !
Une année s’était écoulée. Nadia s’était remariée depuis plusieurs mois déjà avec un homme aisé qui vit à Boudouaou.
Hamid son fils aîné avait réussi à le voir. Il le trouva laid et insignifiant et eut des nausées en réalisant que sa mère lui avait trouvé des qualités uniquement parce qu’il était riche.
Après avoir longuement réfléchi, il prit la décision d’humilier cet homme qui avait lui avait volé sa mère et la mère de ses frères et humilié son père.
Après avoir trouvé l’adresse du domicile de sa mère, il s’y rendit et y fit le guet pendant plusieurs jours. Une fois qu’il avait eu une idée des habitudes de son mari, il l’attendit une fin d’après midi près de chez lui. Dès qu’il le vit arriver et garer sa voiture dans un parking, il se cacha le visage avec un foulard et s’approcha de lui avec un gros couteau. L’homme venait de sortir de la voiture lorsque Hamid se tint devant lui et lui posa la pointe de son couteau contre sa gorge. Il lui dit en s’efforçant de garder son calme :
- Tu vides tes poches en silence ! un seul cri, un seul et ce sera le dernier que tu pousseras. Le couteau que j’ai est conçu pour traverser le corps humain comme si c’était du beurre.
- Non, non, s’il te plait….ne me tue pas… prends tout ce que tu veux… dans mon portefeuille, il y a deux millions de centimes et j’ai deux portables… prends-les et ne me tue pas s’il te plait… je ne déposerai même pas plainte…
- Tu es un lâche ! il n’y a qu’un lâche pour détruire une famille !
Hamid lui donna un coup de poing qui l’assomma et s’en alla.
Les derniers mots que le jeune homme avait prononcés avaient mis la puce à l’oreille de l’époux de sa mère. Celui-ci déposa alors plainte et précisant qu’il était possible que son agresseur soit le fils aîné de son épouse.
Le lendemain la police se rendit au domicile de Chérif pour une perquisition et elle trouva le portefeuille ainsi que les deux téléphones de l’époux de Nadia.
Il y a quelques jours, le jeune homme avait été jugé au tribunal de Boudouaou où il expliqua qu’il voulait juste prouver à sa mère que le mari qu’elle avait épousé était incapable de se défendre et que c’était un lâche.
Il parlait et sur son visage pouvait voir l’immense chagrin qui était le sien…Un chagrin qui masquait et faisait oublier sa jovialité et ses éclats de rire de naguère. Avant que sa mère ne s’en aille, avait déclaré son père.
Ces propos avaient ému l’assistance mais un délit reste un délit.
Le tribunal a requis contre le jeune homme, une année de prison ferme et une amende de 20.000 DA
Nadia n’était pas venue au tribunal. Comme si son mari était en procès contre un inconnu.

Par : Kamel Aziouali

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