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Edition du 19 Fevrier 2012



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Hassen KHELIFATI, Président-Directeur Général d’Alliance Assurances à auto-utilitaire.com
La branche automobile souffre d’une dangereuse sous-tarification
14 Fevrier 2012

M. Khelifati a bien voulu répondre à nos questions concernant le marché des assurances en Algérie et la compagnie Alliance Assurances qu’il dirige. Sous tarification, entrée en bourse, dialogue avec les pouvoirs publics… le P-DG d’Alliance Assurances a fait le tour d’horizon d’un secteur économique, dont le potentiel est énorme en Algérie. (interviewé par Hamid Abbassen)

Auto-utilitaire.com : Pouvez-vous nous présenter Alliance Assurances ?
Hassen Khelifati : Alliance Assurances est une compagnie d’assurance toutes branches ; elle est à 100% à capitaux privés algériens. Elle n’est pas complètement privée, du moment qu’après notre introduction en bourse, nous avons même des institutions publiques qui sont actionnaires dans le capital de la société.
Alliance Assurances a été créée en 2004, elle a été agréée en 2005 et elle a commencé à travailler le 1er janvier 2006. Sur les trois dernières années, notre compagnie s’est classée 2e dans le secteur privé national et 7e tous secteurs confondus. Aujourd’hui, nous sommes présents avec 120 agences et 420 collaborateurs et nous revendiquons un chiffre d’affaire de 3 milliards 920 millions de dinars sur l’année 2011. Nous avons été la première compagnie à se lancer en Bourse d’Alger ; notre titre est coté depuis le 7 mars 2011 et nous continuons à travailler sur le programme qu’on s’est tracé malgré toutes les contraintes du marché algérien.

Quel constat faites-vous du marché des assurances en Algérie ?
D’abord, nous estimons que le marché a un fort potentiel mais son fonctionnement ne permet pas une évolution comme espéré par les acteurs du secteur. Je pense même aujourd’hui que les pratiques qui sont opérées sur le marché ne favorisent pas un essor de ce marché et que les chiffres qu’on réalise sont en deçà des potentialités. D’ailleurs, aujourd’hui, il y a un phénomène qu’on essaye de comprendre avec nos collègues des autres compagnies, celui de la valeur des risques qui augmente et des primes qui diminuent ce qui est anormal aujourd’hui. A titre d’exemple, en 2010, nous avons enregistré 250.000 nouvelles immatriculations (automobile), si on prend une prime moyenne en tous risques avec la remise de 30.000 dinars, nous aurions dû enregistrer juste sur cette branche 7.5 milliards de dinars de chiffres d’affaires supplémentaires, alors qu’on a enregistré moins de 5 milliards de dinars dans toutes les branches. Cela veut dire que même les risques antérieurs sont sous tarifés et nous sommes en train de perdre de la marge de la prime. Il est anormal que l’Algérie avec tout son potentiel n’arrive pas à joindre la Tunisie en terme de chiffres d’affaires des assurances. Nous devons réaliser entre 20 à 25 milliards de dinars additionnels chaque année en terme de progression de chiffres d’affaires. Aujourd’hui, je pense qu’il y a une prise de conscience de tous les acteurs du secteur et nous sommes en train de discuter pour essayer de trouver les moyens de travailler ensemble pour pousser le secteur vers le haut et réaliser un taux de progression et une croissance raisonnable mais réelle, dans l’intérêt de l’économie nationale.

Que représente la branche automobile dans les assurances en Algérie et pour Alliance en particulier ?
Pour le marché des assurances, elle représente une pénétration d’environ 50%. Pour nous, elle se situe aux environ de 65% aujourd’hui, mais il faut analyser le chiffre sur la composante de cette branche. Chez Alliance Assurances, les garanties facultatives (assurance tous risques) représentent plus de 85% du portefeuille, mais elle subit les affres des pratiques néfastes du marché. D’abord parce qu’elle est de plus en plus sous tarifée et de plus en plus sinistrée, notamment avec le comportement malsain de certains assurés.
On a réalisé une étude sur un échantillon de 1.000 dossiers de déclaration de sinistres ; nous avons remarqué qu’il y a 90% de déclarés contre X ! Cela nous pénalise doublement parce que nous sommes obligés de payer quelles que soient les circonstances et nous découvrons sur les 90% qu’une bonne partie était de fausses déclarations, car quelque temps après, nous recevions des recours des compagnies adverses. C’est pour cela que nous souhaitons, avec les acteurs et les autres compagnies, moraliser le risque et  mettre un petit peu de procédures qui permettent de sortir de cette hémorragie surtout qu’aujourd’hui les tarifs baissent, les prix des voitures augmentent, les prix des pièces de rechanges augmentent, les prix de la main-d’œuvre augmentent et le SNMG (Salaire national minimum garanti) augmente tout en sachant que la RC est très basse en Algérie, les assureurs encaissent 1 DA et décaissent 2,75 DA en RC, selon l’UAR (Union des assureurs et réassureurs). Le gros des sinistrés indemnisés sont fait au titre de la RC.

Quelle relation avez-vous avec les professionnels de l’automobile ?
Sur le plan personnel, nous avons beaucoup d’amitié et de respect pour nos amis de la profession, pratiquement tous les patrons des concessions en Algérie. Aujourd’hui nous sommes présents sur plusieurs showrooms de concessionnaires et nous travaillons avec eux en essayant de les sensibiliser sur la nécessité de ne pas regarder juste la remise pour offrir des assurances parce que ce qui est important de dire c’est que cette remise est consentie aujourd’hui mais elle est payée plus tard, car si nous n’arrivons pas à collecter correctement assez de primes, nous ne pourrons pas couvrir correctement nos sinistres et offrir une qualité de service optimale. Mais je pense que de plus en plus, il y a une prise de conscience et avec le dialogue, les résultats commenceront à paraître, j’en suis persuadé.

Les observateurs s’accordent à dire que les assurances privées en Algérie sont trop timides en termes de communication et d’offres. Quelle est votre réponse ?
Chaque compagnie a ses propres spécificités. Je pense qu’en termes de communication, Alliance Assurances a toujours communiqué et a toujours été présente aux différents salons, sur la presse… Nous avons initié un plan d’innovation 2012 très ambitieux sur certains produits que nous comptons même lancer au cours de ce 1er trimestre.
Par ailleurs, et vu les problèmes que le secteur vit, les compagnies ont été beaucoup plus poussées à gérer le quotidien qu’à penser innovation et nouveaux produits. Pour 2012, il y a une réelle prise de conscience de la part des professionnels, il est clair que nous allons prendre certaines mesures pour améliorer les conditions de travail dans notre secteur. D’ailleurs, nous allons nous réunir incessamment pour prendre des décisions afin d’améliorer notre quotidien et pouvoir penser sereinement à l’innovation et à la communication, en plus de la concurrence internationale qui pointe le bout de son nez cette année.

Comment voyez-vous l’activité des assurances cette année et quelles seront vos nouvelles offres ?
D’abord, il y aura de nouveaux produits destinés aux particuliers prévus pour début mars 2012, je ne peux vous donner plus de détails pour le moment. Un autre panel de nouveaux services est prévu pour septembre 2012. Je dirais que l’année 2012 est vraiment une année de nouveautés destinées pour les particuliers et les professionnels.
Concernant l’activité Assurance en général pour 2012, nous estimons que le marché à un fort potentiel mais qu’il est primordial de remédier à certaines pratiques néfastes qui sont en vigueur aujourd’hui.
Le dialogue entre les professionnels des assurances est bien enclenché et là nous sommes en train d’échanger afin de définir les moyens adéquats pour stopper l’hémorragie et élever le niveau du secteur et réaliser des objectifs communs. Les assureurs sont des investisseurs institutionnels aptes à tirer vers le haut le développement économique du pays si leurs capacités financières ne sont pas déstabilisées par des pratiques de dumping et de sous tarification. L’année 2012 est pour les professionnels une année charnière pour le secteur et pour l’économie nationale et, par conséquent, des décisions courageuses doivent être prises rapidement.

La branche automobile est-elle rentable pour une compagnie d’assurance comme la votre, notamment devant la multiplication des sinistres ?
Aujourd’hui et avec l’apport du ministère des Finances qui est notre tutelle, si nous ne prenons pas des décisions pour stopper l’hémorragie de la sous-tarification des risques automobiles qui nous fait perdre entre 50 milliards et 80 milliards de dinars annuellement, selon des chiffres parus dernièrement dans la presse nationale. Nous allons vers une crise systémique sur le très court terme, c’est-à-dire dans une année ou deux.
Nous faisons face à des tarifs qui baissent, à l’augmentation des prix de la main-d’œuvre, ceux de la pièce de rechange et les accidents corporels qui sont indexés sur le SNMG (qui augment d’année en année) alors que la RC n’a pas augmenté et les tarifs qui sont communiqués au ministère des Finances sont charcutés en pratique.
Il faut comprendre qu’aujourd’hui, en termes de RC automobile, on encaisse un dinar et on rembourse 2,75 dinars d’après l’UAR. Les assurances automobile devraient être la locomotive du secteur, mais ce n’est pas le cas car, par exemple, quand nous voyons qu’en 2011 se sont 400.000 véhicules qui ont été vendus et avec une moyenne de 30.000 dinars de prime par véhicule en tout risque. Logiquement, nous aurions une progression sur la branche automobile uniquement de plus de 12 milliards de dinars alors qu’aujourd’hui, sur tout le secteur des assurances et toutes les compagnies et branches d’assurances confondues, nous réalisons une estimation de progression de moins de 7 milliards de dinars. Cela veut dire qu’il y a un vrai problème et je pense que les acteurs doivent prendre conscience de cela.

Alliance Assurances est cotée en bourse, pouvez-vous nous communiquer un premier constat de cette opération ?
Nous n’avons pas encore de bilan disponible mais nous pensons que d’ici mars prochain, les premiers éléments du bilan vont sortir. Provisoirement, en termes de chiffres d’affaire, nous avons eu une progression globale estimée à 15% en 2011, cela au milieu d’une année déstabilisée par la branche automobile qui a fait passer notre progression de 25% (hors branche automobile) à 15%.
Vous savez bien que nous exerçons un métier à risques, comme ce fut le cas en 2011 avec les émeutes populaires en début d’année où nous avons subit de gros dégâts et nous avons pu faire face comme ce fut le cas avec l’usine de Coca Cola de Khmis El-Khechna qui a entièrement brûlé. En outre, nous signalons aussi une augmentation de fréquence du sinistre à hauteur de 100% par rapport à 2010 et les indemnisations de notre entreprise ont augmenté de 100%. Pour l’exercice 2011, nous avons régler environ 30.000 dossiers sur les 35.000 déclarés.Cela dit, c’est notre métier et nous essayons d’améliorer du mieux que nous pouvons la qualité du service et nous avons mis cette année en place un plan stratégique sur 3 ans avec des objectifs de rentabilité des fonds propres très intéressants pour nos investisseurs et en plus d’autres projets où notre division investissement et développement s’est penchée pour mener des études pour leur lancement sous peu.


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