Le Midi Libre - Supplément Magazine - «Les MST sont un problème national»
Logo midi libre
Edition du 8 Fevrier 2012



Le Mi-Dit

Caricature Sidou


Archives Archives

Contactez-nous Contacts




Professeur Habel, gynécologue, au Midi Libre :
«Les MST sont un problème national»
25 Janvier 2012

Nous avons sollicité le professeur Habel pour nous donner un aperçu des maladies sexuellement transmissibles en Algérie. La situation est macabre et ce qui inquiète encore plus c’est que le sujet est tabou dans notre pays. Ce qui, évidemment, n’arrange pas les choses. Tout en expliquant ce que sont ces maladies, leurs conséquences gravissimes… le Pr Habel insiste sur la prévention et conseille de ne pas occulter ces maladies qui relèvent d’un problème national.

Midi libre : Pouvez-vous, professeur, nous expliquer ce que sont les maladies sexuellement transmissibles ?

Professeur Habel : Les maladies sexuellement trnasmissibles (MST) sont des maladies qui relèvent d’un problème national mais qui malheureusement est tabou. Elles se transmettent par voie sexuelle, mais l’inquiétant c’est que ces pathologies sont occultées dans notre société, particulièrement dans les milieux conservateurs. Et pourtant, les choses sont là. Ce sont des maladies très fréquentes, très graves, voire certaines d’entre elles peuvent entraîner la mort. Lors d’une grossesse, la femme enceinte peut contaminer son enfant. Cela peut infecter les yeux du bébé, provoquer des maladies graves de la respiration. Ces maladies on les retrouve là où on s’y attend le moins.

Peut-on avoir des chiffres ?
D’après les chiffres avancés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 250 millions de personnes sont infectées chaque année dans le monde et nous faisons partie de ces statistiques. En Afrique, et l’Algérie incluse bien évidemment, 40% de personnes sont atteintes de la blennorragie, qu’on appelle vulgairement «chaude pisse». La syphilis 20%, le chlamydia 15%, l’herpès génital qui peut être la cause du cancer du col utérin 10%. Sans parler du sida qui touche 80% de prostitués et 10 à 15% de femmes au foyer. Chez nous, il faut noter que la prostitution n’est pas contrôlée ; elle est sauvage, occasionnelle. Qu’on le veuille ou non : il y a chez nous une prostitution cachée et fréquente qu’on ne contrôle pas, ce qui constitue une véritable catastrophe.

Vous dites une "catastrophe" chez nous, pourquoi ?
Les personnes atteintes n’ont parlent pas, ne font pas de diagnostic, d’autant plus que parfois, ces maladies ne présentent pas de signes apparents. Seuls le gynécologue, le médecin généraliste ou la sage-femme peuvent les dépister lors d’un examen.

Quelles sont les maladies les plus fréquentes chez nous ?
En Algérie il y a d’abord la blennorragie (chaude pisse) —on l’appelle ainsi car elle touche les canaux génitaux et donne des sensations de brûlure terribles à la femme et à l’homme lors de l’émulsion d’urine—. Il y a aussi le chancre mou qui est très fréquent ; il se présente comme un petit bouton sur les organes génitaux. La syphilis, qui est de retour chez nous, particulièrement dans le Grand Sud avec les frontières des pays sub-sahariens. On peut citer aussi la chlamydia qu’on retrouve partout sur le territoire national et qui peut être la cause de stérilité. L’hépatite B, l’herpès génital qui peut évoluer en condylome et se transformer en cancer du col utérin. Et bien sûr il y a le "fameux" sida que tout le monde connaît maintenant mais trop occulté alors qu’il existe malheureusement chez nous et de manière de plus en plus fréquente. Toutes ces maladies se transmettent par le sang, les secrétions génitales ou le sperme.
Comment peut-on prévenir ces différentes graves maladies ?
D’abord, la fidélité dans le couple, cela diminue les risques de contamination. Sinon utiliser le préservatif. Contre l’hépatite B, il y a un vaccin. Récemment, on également introduit le vaccin contre le cancer de l’utérus (l’herpès et le condylome) qu’on administre à la jeune fille avant le premier rapport sexuel. Mais si je vous dis que ces deux vaccins existent cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas prendre des précautions car leur efficacité n’est prouvé qu’a 80%. Donc, la meilleure façon de se protéger c’est l’utilisation du préservatif en cas de rapport sexuel douteux, ou l’abstinence.

Ces maladies ont-elles un traitement ?
Si on prend ces différentes maladies on peut soigner la blennorragie, la syphilis dans le cas où elles sont détectées. Pour cela, il suffit de les diagnostiquer par un bilan sanguin. Pour le condylome, qui est aussi un cancer du col, si on fait un diagnostic précoce, on peut le traiter et éviter des complications. L’essentiel et d’en parler à son médecin ; il n’y a aucune honte. Le praticien est toujours là pour écouter, orienter, soigner le malade sans jugement de valeur. Cela peut au moins diminuer le risque de propagation de ces maladies qui peuvent, mal soignées, provoquer des complications.

Quels sont les moyens les plus efficaces dans la prévention ?
Il faut expliquer aux gens, communiquer, discuter pour prévenir. Toujours en parler à travers les médias, à la télévision, dans les journaux, la mosquée, dans les écoles. Cela ne relève pas de cours d’éducation sexuelle qui est un tabou chez nous mais tous simplement d’éducation d’hygiène. La prévention relève aussi de la discussion entre le patient et le médecin traitant, ce dernier doit connaître les habitudes sexuelles du couple. En outre, des examens pour la détection du sida, l’hépatite B, herpès, condylome doivent être systématiquement demandés lors de la consultation.

Quels sont les signes qui doivent pousser une femme à consulter ?
Les démangeaisons, les pertes et prurit vaginal, la fatigue, des douleurs lors des rapports sexuels que ça soit chez l’homme ou chez la femme sont autant de signes qu’il ne faut pas négliger. Lorsque ces symptômes sont déjà visibles, c’est parce que la maladie a fait du chemin, donc il faut traiter sans tarder.

Un dernier mot…
J’insiste sur le fait qu’il ne faut pas occulter ce problème chez nous. Le seul moyen de sortir de ce marasme et d’en parler. Ne pas faire la politique de l’autruche et se dire que chez nous cela n’existe pas. Non seulement c’est fréquent mais ce sont des maladies très graves. Ne pas se dire que nous sommes de bons musulmans. Ça existe dans tous les pays du monde, musulmans ou non.
Il faut transmettre le message surtout pour les gens de l’intérieur du pays, des petites villes, des petits villages, de la montagne ; certains hommes sont
inconscients ; ils ont des rapports sexuels avec différents partenaires et contaminent leurs épouses. La contamination en Algérie est beaucoup plus masculine que féminine, alors qu’en Europe c’est le contraire.

Par : Ourida Ait Ali

L'édition du jour
en PDF
Le Journal en PDF
Archives PDF

El Djadel en PDF
El-Djadel en PDF

Copyright © 2007 Midilibre. All rights reserved.Archives
Conception et réalisation Alstel