Le Midi Libre - entretien - Quand les dominos… dominent les pulsions
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Edition du 5 Janvier 2012



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Quand les dominos… dominent les pulsions
5 Janvier 2012

Le jeu des dominos est plutôt paisible et ses adeptes sont très souvent de vieux retraités qui l’utilisent pour meubler leur temps. Mais chez nous, il peut s’avérer dangereux. Voire mortel.

Saïd, un mécanicien de 27 ans, rentrait chez lui ce soir là ( c’était le 28 mars 2011) quand il fut abordé par Moussa, son meilleur ami.
- Alors Saïd, on se fait une partie ce soir ?
- Moussa… j’ai travaillé toute la journée… Je suis très fatigué… Ce sera pour une autre fois…
- Non, il n’y aura pas d’autre fois parce que je n’oserai plus leur demander de venir…
- Mais de qui parles-tu, Moussa ?
- De deux copains… Ils prétendent être les meilleurs aux dominos et je leur ai dit que toi et moi nous pourrions leur donner une raclée dont ils se souviendront jusqu’au Jugement dernier.
- Tu as invité des gens à jouer ? Mais cela change tout… Laisse-moi le temps de prendre une douche et de manger quelque chose et tu les ramènes à la maison… Cela leur convient à 21h ? Tu as dîné ?
- Oui… Nous avons tous dîné. Il ne nous reste que cette partie de dominos pour finir la journée en beauté.
- D’accord… Alors à tout à l’heure.
Une heure plus tard, Moussa et ses deux amis entrèrent dans le petit appartement que Saïd habitait.
La partie commença timidement. Saïd et Moussa étaient plutôt détendus. Ils avaient souvent joué ensemble et leurs victoires ne se comptaient plus tant elles étaient nombreuses. Mais cette nuit-là, les deux as des dominos avaient trouvé à qui parler. Les deux copains de Moussa n’étaient pas des amateurs. On aurait dit qu’ils avaient suivi des études supérieures en dominos ! Jamais Moussa et Saïd n’avaient essuyé une défaite aussi cuisante. Ils n’avaient gagné aucune partie. Moussa, qui avait ce jeu dans le sang, avait du mal à accepter cette défaite. Tandis que Saïd n’arrêtait pas de rigoler et de répéter avec des éclats de rire : «Ah ! Je m’en souviendrai de cette partie !»
A 22h30, Saïd se leva :
- Ça y est, moi, les amis, j’arrête ! je dois avoir une bouteille de limonade dans le frigo. En tout cas, ce soir, j’ai appris qu’en dominos on a beau être fort, il y a toujours plus fort que nous… C’est un peu comme autrefois dans l’ouest au pays des cowboys. Les pistoleros sont les meilleurs jusqu’à ce qu’ils rencontrent plus rapides qu’eux. Et généralement, cette rencontre leur est fatale.
Ces propos avaient déplu à Moussa qui répliqua :
- Non, Ce ne sont pas eux qui sont forts mais… c’est toi qui as a été nul aujourd’hui.
Saïd regarda un moment son ami puis éclata de rire. Quand il eut retrouvé quelque peu sa sérénité, il le sermonna.
- Mais je te découvre Moussa ! Tu n’aimes pas perdre…Ce n’est pas bon comme défaut. Les dominos sont un jeu de hasard… On peut gagner comme on peut perdre.
- Non… C’est un jeu de hasard où le hasard n’a rien à voir… Pour gagner, il faut faire preuve d’intelligence… Et c’est ce qui t’a manqué, ce soir Saïd. Tu as été nul sur toute la ligne…
- Bon… Maintenant Moussa, tu te tais parce que tu exagères… Nous avons joué une partie de dominos, nous avons perdu, ça s’arrête là.
- Non… ça ne s’arrêtera pas là. A cause de toi j’ai été humilié.
- Tu as été humilié ? Pauvre imbécile. Tu ne t’es pas senti humilié de vivre aux crochets de tes parents à 26 ans mais tu te sens humilié parce que tu as perdu aux dominos ? Tu es idiot finalement, Moussa..
- Ah ! Retire ce que tu viens de dire, sinon…
- Allez, rentre chez toi, Moussa, tu m’écœures…
Moussa se leva, sortit de derrière une de ses chaussettes un couteau.
En le voyant agir de la sorte, Saïd aurait dû le calmer mais il continua à se moquer de lui.
- Et en plus, Sikhouna il a un couteau pour les jours où il perd aux dominos !
Moussa ne contint plus sa rage. Il se rua sur son ami et lui planta le couteau en plein cœur.
Les deux amis de Moussa qui étaient au départ juste un peu amusés par la dispute des deux gras avaient du mal à croire leurs yeux.
- Oh ! Moussa ! Mon Dieu ! Qu’est-ce que tu as fait ? s’exclama l’un d’eux.
Le second était si choqué de voir tant de sang s’échapper du corps du malheureux que pendant quelques secondes, il perdit l’usage de la parole.
Moussa fut le premier à réagir.
- Vite les gars, il faut l’emmener à l’hôpital…
- A l’hôpital ? Et qu’est-ce qu’on va leur dire ?
- On va leur dire qu’il a tenté de se suicider …ou qu’il est tombé dans la cuisine où trainait un couteau… On leur dira n’importe quoi… L’essentiel est qu’on le soigne puis on verra.
Les trois compères trouvèrent une voiture et emmenèrent le blessé à l’hôpital le plus proche. A leur arrivée, Saïd avait déjà rendu l’âme.
Moussa était si abattu par le décès de son meilleur ami qu’il s’était mis à hurler : «Pourquoi, mon Dieu ? Je ne voulais pas le tuer ! Je volais juste lui faire peur et l’amener à retirer les propos blessants qu’il a proférés contre moi ! Je ne voulais pas le tuer !»
Récemment, l’affaire de ce meurtre a atterri à la cour d’Alger. La peine capitale a été requise contre Moussa.

Par : Kamel Aziouali

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