Le Midi Libre - entretien - A malin, malin et demi (1re partie)
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Edition du 3 Janvier 2012



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A malin, malin et demi (1re partie)
3 Janvier 2012

Autrefois, on vouait un très grand respect à l’endroit où l’on travaille et à l’assiette dans laquelle on mange. Cela ne semble plus être le cas aujourd’hui.

Djamel (40 ans) a travaillé plus de cinq ans dans une supérette où il se comportait en véritable chef parce que son patron avait une grande confiance en lui. Son patron, occupé par d’autres activités, lui octroyait un salaire dont ne rêverait même pas un professeur d’université, sans compter que chaque semaine Djamel prenait avec lui des pâtes, de la semoule, des légumes secs et mêmes des fromages et des yaourts pour ses enfants.
Un soir, alors qu’il était chez lui en train de dîner, il reçut un appel téléphonique d’un vieil ami.
- Bonsoir Djamel, tu ne dors pas j’espère ? Je ne t’ai pas dérangé ?
- Non, Mourad, je ne dors pas. Qu’est-ce que tu crois ? Il n’est que 9h du soir…
- Eh bien ! figure-toi que j’ai hésité à te téléphoner parce que tu m’as dit que ton travail te fatiguait tellement qu’il t’arrivait de t’endormir sans dîner.
- C’est vrai…mais ce n’est pas le cas ce soir. Tu as besoin de quelque chose, mon ami ?
- Non, pas spécialement…Tu m’as dit une fois qu’à la moindre occasion tu changerais de métier…Tu t’en rappelles ?
- Oui…Bien sûr…J’ai toujours rêvé d’un métier moins dur et bien payé…Comme par exemple chauffeur-livreur…
- Eh bien… j’ai quelque chose pour toi…
- Un emploi comme chauffeur-livreur ? Chez qui ?
- Chez Samsung…
- Et le salaire est de combien ?
- Je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est que tu ne seras pas aussi stressé que maintenant en tant que vendeur…
- C’est vrai. Merci Mourad… Si j’arrive à obtenir ce poste je t’achèterai un kilo de viande chaque mois pendant six mois !
- Oh ! Non… paye-moi juste une bonne tasse de café. Cela fait plus de cinq ans que nous n’avons pas pris de café ensemble…
- Exactement… Ce travail dans la supérette me prend tout mon temps…C’est vraiment infernal. Tiens, demain par exemple, c’est la journée de la semoule, de l’huile, de l’eau minérale et des yaourts… Impossible de bouger du magasin.
- Ah ! Non… Djamel…pour demain, tu fais un effort. Le gérant a besoin d’un chauffeur de toute urgence. Si demain avant midi tu ne te présentes pas, il va recruter quelqu’un d’autre. Chaque employé a prévu de ramener un copain. Mais il aura une préférence pour toi parce qu’il m’a en estime. Mais dépassé midi, crois-moi, le poste sera pris…
- J’ai compris Mourad, et je t’en remercie. Demain matin j’irai voir cette entreprise… Donne-moi l’adresse exacte et le nom de la personne à qui je dois m’adresser…
- Si tu y vas demain matin, nous irons ensemble…
- Allez, c’est très bien…
- On se voit à 7h au bas de ton immeuble ? Ce n’est pas trop tôt ?
Djamel éclata de rire :
- Tu sais à quelle heure je me lève tous les jours ? A 5h du matin.
Cette fois-ci, ce fut au tour de Mourad de rire :
- Oui, je le sais… C’était juste pour te taquiner.
Dès qu’il eut coupé la communication avec son ami, Djamel téléphona à son patron pour lui dire que le lendemain, il serait absent toute la matinée. Il voulut inventer un prétexte mais son patron l’interrompit :
- Djamel, mon ami, prends toute la journée si tu veux et ne me donne pas d’explications. C’est moi qui vais ouvrir. Dis-moi seulement si tu n’as besoin de rien…
- Non, merci… Tout va bien… Bonne nuit Si Nadir.
Le lendemain matin à 8h30, Djamel se trouvait en face du patron de son ami, Mourad. Après avoir discuté avec lui au sujet du travail qui l’attendait, il aborda avec lui la question du salaire et il s’avéra que celui-ci était inférieur de 5000 DA à celui qu’il percevait en tant que vendeur dans une supérette. Mais il accepta l’emploi. Le responsable du recrutement lui dit alors :
- Puisque tu es d’accord, tu peux commencer aujourd’hui à 13h ? Et ça tombe bien, nous sommes le 15 du mois… Il sera facile de calculer ton salaire.
- Euh…oui…
- C’est sûr, hein ? Parce que c’est tout un travail que je dois faire pour mettre un fourgon à ta disposition…
- Je suis libre, avait répondu Djamel d’une voix quelque peu faible parce qu’il avait quand même quelques regrets en raison de son salaire. 5000 DA en moins, ce n’était pas rien…
Le responsable du recrutement avait décelé l’hésitation de Djamel et s’empressa d’ajouter :
- En plus de ton salaire, tu auras des primes. Et puis c’est un travail qui n’est pas aussi contraignant que celui de vendeur dans un magasin d’alimentation… Un magasin d’alimentation travaille sept jours sur sept… Et quand le patron t’accorde la journée du vendredi, tu as l’impression qu’il t’a rendu un immense service.
- C’est vrai… D’ailleurs c’est à cause de ce rythme de travail infernal que j’ai décidé de changer de métier.
- Tu verras, Si Djamel, tu gagneras au change.
- Merci…
Dès qu’il eut quitté le bureau du responsable du recrutement, il trouva Mourad dans la cour de l’entreprise.
- Alors ? C’est bon ?
- C’est bon, Mourad… Je te remercie pour ce que tu as fait pour moi. Je commence à 13h… J’ai juste le temps de me rendre chez moi pour mieux me préparer pour mon nouveau travail. Et puis je passerai par la supérette… Je dois avertir Si Nadir pour qu’il prenne ses dispositions…
- Allez ! oublie-le ce type ! Il t’a fait travailler comme un esclave. Tu crois que je ne suis pas au courant ? Tu as travaillé les week-ends, les jours fériés, les jours de l’Aïd…
- Mais c’est un magasin d’alimentation générale… Il ne peut pas fermer…Tu n’arrives pas à comprendre cela ou quoi ?
- Si ! Je l’ai compris mais je dis qu’il aurait dû te donner dix fois plus que ton salaire.
Bon excuse-moi Djamel. Je m’emporte facilement. E tout cas, je suis content que nous travaillions ensemble. Si content que c’est moi qui te paye une tasse de café !
Djamel rentra chez lui et prit le double des clefs de la supérette qu’il comptait restituer à son patron. Puis, une idée diabolique traversa sa tête. Pourquoi lui rendre les clefs ? Il n’avait qu’à les garder ! Et puis, de temps en temps au milieu de la nuit, il se rendrait au magasin pour s’approvisionner en pâtes, en lentilles, en sucre et en huile ! Ainsi, il compenserait largement la perte des 5.000 DA mensuels que lui causerait son nouvel emploi ! Pendant un moment, l’idée lui parut mesquine puis il la vit brusquement géniale… Et pour qu’elle le soit davantage, il décida de ne rendre les clefs qu’une fois qu’il s’en serait fabriqué un autre jeu… Ainsi si jamais le vol était découvert, il ne serait pas soupçonné parce qu’il aurait rendu les clefs qu’il avait à son niveau. Et puis, Si Nadir ne le soupçonnerait jamais… Pendant les cinq années où il avait travaillé chez lui, pas une seule fois il ne lui avait fait de remarque désobligeante. Au contraire, il avait toujours été content de lui. C’était lui qui lui avait demandé de prendre de la superette chaque mois ce dont il avait besoin. Ah ! Oui, c’était un emploi formidable ! Dommage qu’il soit trop contraignant. Si Nadir aura du mal à trouver un remplaçant.
Et il avait raison. Dès que Nadir (un homme de 56 ans) eut appris que son meilleur vendeur le quittait, il se tint la tête :
- Oh ! Non, tu ne vas pas me faire ça, Djamel ! Si c’est une question de salaire, je suis prêt à t’ajouter un million de centimes par mois !
Djamel réfléchit et se dit que maintenant son nouvel emploi lui faisait perdre non pas 5000 DA mais 15.000 DA !
(à suivre…)

Par : Kamel Aziouali

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