La bande dessinée algérienne fait face à une sorte de réticence en termes d’édition empêchant les jeunes bédéistes de sortir de leurs "bulles" pour mener leur carrière et affirmer leur créativité.
Même si le nombre d’éditeurs de livres dépasse les 150 en Algérie, ceux qui s’intéressent au 9e art se comptent sur les doigts d’une seule main, alors que ceux qui ont choisi de se spécialiser dans la bande dessinée sont presque inexistants, selon des observateurs rencontrés lors du 4e Festival international de la bande dessinée d’Alger (Fibda).
Seulement sept maisons d’éditions nationales et deux étrangères en provenance du Mali et du Congo prennent part à ce Festival considéré comme l’une des plus importantes rencontres annuelles dédiées à la BD, à côté de la participation d’une centaine de bédéistes, scénaristes et dessinateurs, représentant 37 pays.
La question de l’édition de la bande dessinée, ses contraintes ainsi que la relance de la BD semblent être le souci majeur des bédéistes algériens rencontrés par l’APS dans le cadre du Fibda, même si ces derniers affichent l’espoir pour une véritable intégration de l’art de la BD en Algérie, pour peu que les conditions de sa promotion soient réunies.
Haroun, le créateur du personnage de M’quidech, estime que les éditeurs devraient se montrer plus disponibles envers les bédéistes pour éviter la déperdition de talents dont certains ont été contraints d’abandonner leur vocation, a-t-il rappelé tout en se félicitant de la présence de jeunes talents "très prometteurs".
Pour lui, le Fibda est une "bonne occasion pour permettre aux bédéistes algériens de se réunir, d’échanger les idées et de sortir la bande dessinée de son hibernation".
Partageant le même avis que son confrère, Mahfoud Aïder considère que les jeunes bédéistes sont "très talentueux" et appelés à un avenir "radieux", à condition que l’attention de l’édition se porte aussi sur eux.
"Les éditeurs sont assez réticents envers le 9e art, considéré souvent comme un "support mineur et débilitant". La BD vit avec des préjugés , a-t-il déploré, tout en affirmant que l’édition représentait le "principal inconvénient" pour les jeunes bédéistes
A contrario, Natsu, un jeune bédéiste présent au Fibda qui a peiné à trouver un éditeur, a indiqué qu’il était "très difficile" de convaincre un éditeur généraliste pour éditer un album de bandes dessinées et de trouver un éditeur spécialisé.
Pour cet auteur de Degga, sorti en 2009 chez Z-Link, ce ne sont ni les idées ni les scénarios ou encore moins l’inspiration qui manquent, seulement, les éditeurs posent un obstacle.
Il se dit quand même optimiste quant à l’avenir de la bande dessinée algérienne car il s’agit, avant tout, d’une passion qu’il n’abandonnera jamais.
Pour sa part, l’auteur et éditeur Lazhari Labter, spécialisé depuis une année dans la bande dessinée et le livre pour jeunes, a estimé que le développement de la BD algérienne était tributaire de plusieurs facteurs outre l’organisation d’un festival international.
L’auteur de Panorama de la bande dessinée algérienne de 1969-2009 estime également "impératif", à cet égard, de créer des revues de bandes dessinées pour permettre aux jeunes de publier leurs œuvres, de multiplier les festivals thématiques (bande dessinée de science-fiction, d’humour, de l’environnement, etc.) enfin d’encourager des éditeurs généralistes à s’investir dans le créneau jeunesse et bandes dessinées.
Selon lui, ce développement pourrait se concrétiser grâce à une "forte volonté politique".
"La bande dessinée algérienne a un avenir. Elle a eu un passé prestigieux. L’Algérie a été un pays pionnier dans le domaine de la bande dessinée par rapport aux pays d’Afrique, du monde arabe et les pays musulmans. Aujourd’hui par rapport au retard qu’on a pris ces dernières années, on a beaucoup perdu dans la BD, tout comme dans le cinéma, le théâtre, la musique ou encore le livre", a-t-il expliqué.