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Edition du 8 Octobre 2011



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Jacques Derrida La première biographie
8 Octobre 2011

«En 2007, j’ai entamé des recherches pour la première biographie de Jacques Derrida. Le livre paraît en octobre 2010 aux éditions Flammarion, en même temps que Trois ans avec Derrida, les carnets d’un biographe», explique Benoît Peeters.

La méthode et les sources
Mon livre n’est ni un essai philosophique, ni une nouvelle introduction à l’œuvre de Derrida déguisée en « biographie intellectuelle ». Il s’agit d’une véritable biographie, fondée bien entendu sur une lecture intégrale de l’œuvre, mais aussi sur un considérable travail de recherches, dans plusieurs pays et de nombreux lieux, ainsi que sur des rencontres avec plus d’une centaine de témoins.

Les archives de Derrida
L’archive était pour Jacques Derrida une passion en même temps qu’un thème constant de réflexion. Comme il le déclara dans une ses dernières interventions publiques : « Je n’ai jamais rien perdu ou détruit. Jusqu’aux petits papiers, quand j’étais étudiant, que Bourdieu ou Balibar venait mettre sur ma porte (…) j’ai tout. Les choses les plus importantes et les choses apparemment les plus insignifiantes. »
Derrida était conscient de l’importance de cette archive et souhaitait qu’elle soit analysée. Dans un entretien accordé en 2001 à la revue Genesis, il expliquait aussi : « Le grand fantasme (…), c’est que tous ces papiers, livres ou textes, ou disquettes, me survivent déjà. Ce sont déjà des témoins. Je pense tout le temps à ça, à qui viendra après ma mort, qui viendrait regarder par exemple ce livre que j’ai lu en 1953, et demandera : "pourquoi a-t-il coché ça, mis une flèche-là ?". Je suis obsédé par la structure survivante de chacun de ces bouts de papiers, de ces traces.»
L’essentiel de ces considérables archives personnelles se trouve rassemblé dans deux fonds, que j’ai minutieusement explorés :
Le Fonds Derrida de la Langson Library, à l’université d’Irvine, en Californie.
Le fonds Derrida de l’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) à l’abbaye d’Ardenne, près de Caen.

Les rencontres avec les témoins
Ma biographie s’est écrite dans l’immédiat après-coup, alors que nous venons à peine d’entrer « dans le revenir de Jacques Derrida », comme le disait Bernard Stiegler. Commencée en 2007, elle a été publiée en 2010, l’année où il aurait eu 80 ans. Il aurait donc été absurde de ne s’appuyer que sur des matériaux écrits, alors que la plupart des proches du philosophe sont encore vivants.
Essentielles ont été les rencontres, souvent longues et parfois répétées, avec de très nombreux témoins, de toutes les époques. J’ai eu la chance de pouvoir parler avec le frère, la sœur et la cousine germaine de Derrida, ainsi que beaucoup d’amis de jeunesse, de manière à éclairer ce qu’il appelait lui-même « une adolescence de 32 ans ». Mais bien entendu j’ai également rencontré ses enfants, des amis et amies de toutes les époques, des éditeurs, des collègues, des étudiants, et même quelques-uns de ses détracteurs.
Exceptionnelle est la confiance que m’a accordée son épouse, Madame Marguerite Derrida, en me laissant accéder à l’ensemble des documents, mais aussi en m’accordant de nombreux entretiens. Ce livre n’est pas pour autant une biographie officielle, il a été écrit en toute liberté.

Que découvrira-t-on ?
Le livre est terminé depuis quelques semaines et paraîtra chez Flammarion le 6 octobre 2010. On y découvrira notamment :
* Un individu sensible, angoissé, attachant, dont la correspondance, d’une grande qualité littéraire, permet d’accompagner la trajectoire même sans connaissances philosophiques. Le Derrida que révélera ma biographie sera beaucoup plus accessible et impliqué dans son siècle qu’on ne le croit généralement.
* Des préoccupations éthiques et politiques présentes depuis le début, bien avant de trouver une place à l’intérieur de son œuvre. La trajectoire humaine et intellectuelle de Jacques Derrida se place sous le signe de deux traumatismes de jeunesse : l’exclusion de l’école à 12 ans en tant qu’enfant juif, les déchirements nés de la guerre d’Algérie.
* Une exceptionnelle série d’amitiés avec des écrivains et penseurs de premier plan, parmi lesquels Louis Althusser, Emmanuel Levinas, Paul Ricoeur, Maurice Blanchot, Francis Ponge, Jean Genet, Hélène Cixous, Jean-Luc Nancy et Avital Ronell.
* Une non moins longue série de polémiques, riches en enjeux mais souvent brutales avec des philosophes comme Claude Lévi-Strauss, Michel Foucault, Jacques Lacan, John R. Searle ou Jürgen Habermas. Plusieurs « affaires » qui débordèrent largement les cercles académiques, dont les plus fameuses concernèrent Heidegger et Paul de Man.
* Une carrière internationale sans équivalent qui fit d’un petit Juif d’Alger le philosophe le plus traduit dans le monde. La déconstruction derridienne a eu un impact considérable, bien au-delà du monde philosophique, influençant en profondeur la littérature, l’esthétique, le droit, les sciences politiques, la théologie et quantité d’autres domaines. Ses liens avec le féminisme, les queer studies, les postcolonial studies ne sont pas moins fondamentaux.

Pourquoi ce livre ?
Bien des éléments, sans que je le sache, me prédisposaient depuis longtemps à écrire la biographie de Jacques Derrida. De 1974 à 1976, je fus élève d’hypokhâgne et de khâgne au lycée Louis-le-Grand où il avait lui-même été interne vingt-cinq ans plus tôt. C’est à cette époque que je lus pour la première fois L’écriture et la différence et De la grammatologie. Les trois années suivantes, étudiant en philosophie à la Sorbonne, puis élève de Roland Barthes à l’École Pratique des Hautes Études, je suivis de manière intermittente le séminaire de Derrida à l’École Normale Supérieure.
J’avais publié deux courts romans pendant que j’étais étudiant et je ne poursuivis pas mon parcours universitaire au-delà de la maîtrise. Devenu écrivain et scénariste, j’ai retrouvé Derrida par un autre biais, en 1983. Avec Marie-Françoise Plissart, nous avions réalisé un récit photographique entièrement muet, Droit de regards. Nous sommes allés présenter ce travail à Derrida, en lui demandant une préface ; c’est une longue et superbe « lecture » qu’il écrivit finalement, un an plus tard. L’album parut aux Éditions de Minuit avant d’être traduit en plusieurs langues ; ensemble, nous sommes allés le présenter à Paris, Berlin et Vienne.
Les échanges de livres et de lettres se prolongèrent plusieurs années durant. Je continuai de le lire. Nous nous revîmes une dernière fois pendant l’été 2001. En 2007, trois ans après sa disparition, le projet d’écrire la biographie de Jacques Derrida s’imposa comme une évidence. Depuis lors je consacre l’essentiel de mon temps à ce projet, avec une constante passion. J’ai lu ou relu son immense bibliographie, rencontré une centaine de témoins, exploré méthodiquement les archives conservées dans les « Special collections » de l’université d’Irvine, en Californie, et à l’IMEC – Institut Mémoires de l’édition contemporaine – en Normandie. Je suis le premier à avoir eu la chance d’explorer l’extraordinaire somme de documents accumulés par Jacques Derrida tout au long de sa vie : les travaux scolaires, les carnets personnels, les manuscrits des livres, des cours et des séminaires inédits, les entretiens non repris en volume, les milliers de lettres reçues, les articles de presse, etc. Je suis également parvenu à retrouver des centaines de lettres adressées par Derrida à plusieurs de ses proches, à différentes époques de sa vie, et notamment quelques extraordinaires correspondances de jeunesse qui éclairent ses années de formation.
www.derridalabiographie.com


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