Belkacem Ouyahia, directeur général Elsecom Véhicules Industriels a bien voulu nous parler du développement de la gamme Daewoo (camions et bus) en Algérie.
Pour lui, le professionnel algérien se distingue par une demande en motorisations toujours plus puissantes mais avec des mécaniques à la technologie classique et simple à la maintenance. Aller vers les normes Euro 4 et Euro 5 est pour lui prématuré pour le marché Algérien. M.Ouyahia qui explique le leadership de Daewoo Trucks dans le segment des Porteurs estime que le renouvellement de sa gamme Tracteur a pour but de mieux de se repositionner pour se rapprocher encore plus de la hiérarchie établie.
Auto-utilitaire.com : Daewoo s’est construit une excellente image et une notoriété notamment avec la gamme de camions Porteurs. Comment expliquez-vous ce succès ?
Belkacem Ouyahia : -Je dirais que c’est le véhicule lui-même qui a bâti cette réputation après 7 années de présence en Algérie. Depuis 2008 année de son lancement en Algérie, cette marque a rapidement occupé le premier rang. Certes, la marque elle-même était déjà connue grâce aux véhicules légers, mais je dirais qu’il ya deux raisons principales qui l’ont mise en première position.
En premier lieu, il faut retenir la simplicité de ce véhicule notamment par son côté mécanique et les clients algériens veulent rester dans la simplicité afin de pouvoir opérer des interventions de réparation et de maintenance facilement. En second lieu, l’atout prix a primé car le rapport qualité/prix de nos camions Daewoo convenait parfaitement aux aspirations des clients. Comme j’ai déjà eu à le signaler, je pense que le produit Daewoo en Algérie est le mieux adéquat technologiquement pour le marché local.
L’investissement dans le secteur du transport de marchandise est lourd et le client Algérien cherche un camion fiable, au prix raisonnable et facile à entretenir et à réparer. Les camions Daewoo ont rempli ces critères et c’est ce qui explique leur leadership.
Si la gamme ’’Porteur’’ est leader sur le marché, quelle incidence a cette position sur les autres segments de la gamme Daewoo ? Avez-vous profité de cette bonne image pour développer les autres segments ?
C’est une question que nous nous posons jusqu’à présent. Sur le segment Tracteur, Daewoo totalisait prés de 4% de parts de marché il y a deux à trois ans et nous avons atteint actuellement 13% (4% en 2009, 9,6% en 2010 et 13% en 2011). Pour nous, la question reste posée, pourquoi le segment ’’Tracteur’’, qui est pourtant de la même marque et avec des prix très abordables par rapport à la concurrence et même par rapport au segment des Porteurs, ne prend pas la même ampleur que sur le segment ’’Porteur’’? Je pense que l’existence d’une forte concurrence européenne avec certaines habitudes du consommateur Algérien par rapports aux marques européennes auxquelles il est fidèle reste une raison valable. C’est à l’image des véhicules particuliers où il n’est pas facile de détrôner les marques européennes de part leur histoire chez nous. Donc en matière de Tracteurs, semi-remorques et grands routiers, il y a une marque qui s’est installée en Algérie depuis longtemps qui détient une grosse part de marché, mais nos véhicules et nos tracteurs n’avaient pas les caractéristiques qui pouvaient se comparer aux camions de cette marque notamment sur le plan de la performance, nous avons opté pour un Tracteur de moindre performance et bien sur de moindre coût, nous nous sommes donc posés cette question, pourquoi les tracteurs n’évoluaient pas comme les porteurs ? Ces derniers avaient une performance qui était à mon avis largement comparable à celle des Porteurs de la concurrence. Dans ce segment, nous assistons à une certaine phobie des clients algériens qui demandent des Tracteurs munis de moteurs puissants de 450ch par exemple et certains d’entre eux veulent mêmes aller jusqu’à 500 ch ! A mon avis notre idée se défend autant que notre stratégie. Nous avons voulu standardiser les équipements et les organes mécaniques (moteur, boîte et pont), ainsi, sur l’ensemble de notre gamme, les moteurs sont tous les mêmes en Tracteur et en Porteur. Après plusieurs années de fonctionnement nous avons décidé de suivre la tendance du marché en important désormais des camions dont la puissance du moteur est plus importante cela à partir du 1er octobre prochain avec l’arrivée d’un tracteur de 415ch. J’espère que nous allons augmenter de manière significative nos parts de marché sur ce segment.
La relance du marché prévue pour fin 2011 ne semble pas venir. Comment gérez-vous cette situation et quel avenir attend ce marché selon vous ?
Ce marché a commencé à baisser depuis presque une année, mais Daewoo, Dieu merci, a réussi à gagner en parts de marché, même si en volume le marché global a régressé. Daewoo a maintenu ses positions. Dans le segment des Porteurs, nous sommes les leaders avec 71% de parts de marché contre 69% l’année dernière. Dans le segment des tracteurs on était à 9.6% en 2010 et aujourd’hui nous sommes à 13% de parts. Le marché n’a pas vu une reprise pour plusieurs raisons, comme les retards cumulés dans le traitement des dossiers Ansej. Nous avons mis en place un business plan pour 2011 ambitieux mais réaliste car on s’attendait à cette situation mais tout de même pas à ce point car 45% de baisse du marché du véhicule industriel est un pourcentage très important. Chez nous avec Daewoo, nous enregistrons une baisse de 38% qui reste largement inférieure à la chute que connaissent certains de nos concurrents.
Daewoo est aussi présente dans le segment des bus. Comment comptez-vous positionner votre gamme et la développer ?
Pour la partie bus, je dirais que depuis la création de cette activité de commercialisation des véhicules Daewoo, Elsecom ne s’est pas réellement donné les moyens pour faire connaitre ce produit, mis à part la participation aux différents appels d’offres. Les ventes directes de bus chez Elsecom sont minimes et 80% de ventes de bus se sont réalisées par le biais des marchés. Elsecom n’a pas essayé de développer ce créneau, d’introduire, de faire connaitre, de promouvoir ce type de véhicules en Algérie contrairement à son engagement pour les camions. Contrairement aux camions chinois qui présentaient un très bon prix mais avec un niveau loin de la moyenne en matière d’équipements technologiques et de service après vente, les bus chinois, au bout de quelques années, ont fait leurs preuves auprès du client algérien à l’image de certaines marques comme Higher, Kinglong qui répondent à certains besoins. Concernant la gamme des bus de luxe issus de marques comme Mercedes ou Hyundai, je pense qu’ils ont réussi leurs paris chez nous. Au milieu de tout cela, nous sommes entrain de bâtir notre stratégie et nous avons choisi l’année 2011 pour nous investir sérieusement dans ce segment. Ainsi, nous avons initié une caravane qui a sillonné certaines villes du pays pour faire connaitre nos bus et nous avons introduit deux nouveaux bus. Le premier interurbain avec un prix acceptable qui est de conception purement cornéenne mais pour la fabrication il fallait sous traiter avec des entreprises chinoises et indiennes pour des considérations de coût de production et nous continuons à négocier avec notre partenaire Daewoo Bus pour pouvoir revoir encore les prix notamment que nous passons par une période où le prix de la matière première a sensiblement augmenté. Je peux ainsi dire que nous sommes optimistes pour Daewoo Bus et nous sommes entrain de faire en sorte que le prix proposé aux professionnels du transport soit à la hauteur de ces attentes.
Vous avez introduit un nouveau camion d’une capacité de charge de 10 tonnes et un tracteur de 415 ch, quels sont vos objectifs avec ces nouveautés ?
En matière de camions comme je le disais tout à fait au départ, notre offre du segment Porteur se positionne bien et alors pourquoi pas notre offre Tracteur ? On devait répondre dans ce segment à des impératifs de performance du moteur qui doit êtres plus puissant et c’est dans cette optique que nous avons introduit ce nouveau Tracteur et ainsi augmenter nos parts de marché. Aujourd’hui, nous avons voulu compléter notre gamme par ce véhicule de 10 tonne de charge utile (réellement 12 tonnes) et avec deux versions : benne plateau et châssis nu. Cette dernière version est là pour offrir aux clients l’opportunité de l’équiper comme ils veulent, notamment avec l’existence en Algérie de carrossiers (frigorifiques notamment, plateau, en benne, benne ménagère…) qui proposent un travail remarquable. Ce type de clients doit savoir que Daewoo veut répondre à leur besoins et développe donc ce type de véhicules de moyen tonnage avec des prix assez concurrentiels. Par contre si on se positionne par rapport aux Chinois, nous sommes naturellement assez chers. Ce véhicule est un peu particulier, chaque fois qu’on descend un petit peu dans le tonnage, le chinois nous rattrape, ils ont rattrapé toutes les grandes marques mondiales surtout sur les petits véhicules de 2 tonnes par exemple. Le produit chinois s’installe de mieux en mieux et si on a décidé de commercialiser un camion de 10t c’est pour montrer au consommateur algérien que Tata-Daewoo a une gamme assez complète qui répond à leurs différents besoins.
Avant de clôturer l’entretien, est-ce qu’on peut détailler les éléments techniques qui différencient vos camions Daewoo de la concurrence ?
J’ai toujours défendu en Algérie la marque Daewoo. Beaucoup de consommateurs ont été induits en erreur quand on leur disait que nos camions sont équipés de moteurs Euro 4 et Euro 5. Je pense que certes il fallait améliorer la puissance de notre offre moteur des Tracteurs pour aller vers les 400 chevaux mais d’introduire une complexité technologique sur nos moteurs je ne suis pas convaincu que c’est une bonne solution pour notre marché car nous ne sommes pas prêts (ni l’algérien ni l’environnement algérien) pour cela.
Tata-Daewoo développe des moteurs allant de l’Euro 1 jusqu’à l’Euro 6, mais je pense que le marché Algérien n’est pas prêt pour recevoir et entretenir des moteurs hautement technologiques, il ne faut pas aller là où on ne sait pas nager. La plupart des véhicules de nos concurrents qui sont de haute technologie causent beaucoup de regrets aux clients notamment lors des opérations de maintenances, donc l’essentiel pour nous est de faciliter cette tâche. Je pense qu’il faudra commercialiser des camions avec des moteurs classiques où l’ancien ’’mécano’’, qu’importe le lieu où il se trouve en Algérie avec son matériel standard, doit pouvoir réparer un moteur Daewoo, c’est cela la force de notre marque ; l’aisance et la facilitation de la maintenance. On a donc opté pour des véhicules sur lesquels on a effectivement augmenté les performances mécaniques mais en gardant la facilité dans la maintenance, il ne faut pas que cela soit compliqué. Vous imaginez qu’il faut un scanner de haute technologie nécessitant une mobilisation énorme, une formation poussée pour pouvoir réparer une petite panne sur une pompe d’injection ! alors que chez Daewoo, tout le monde peut dépanner, nous le savons et nous sommes restés sur cette simplicité technologique du moteur. Tout de même, avec le nouveau camion Tracteur que nous allons commercialiser, nous sommes passés à l’Euro 3, la loi algérienne exige l’euro 2 et c’est ce que nous commercialisons et nous ne voulons pas directement passer à l’euro 5. Nous pouvons importer des camions Euro 5 mais nous ne voulons pas le faire. L’Euro 3 est meilleur sur le plan de l’émission CO2 mais sur le plan technologique, il est resté très basique, et c’est notre force à mon avis.
Pouvez-vous nous retracer la situation du réseau de distribution d’Elsecom véhicules industriels et la partie SAV ?
Le réseau d’Elsecom Véhicules Industriels fonctionnait avec les mêmes agents que le réseau de la SARL Elsecom, le même agent qui distribuait Maruti et Alto s’occupait aussi de Daewoo. Mais depuis 2009, nous avons développé notre propre réseau avec notre propre cahier des charges, et nous avons essayé de créer un réseau propre à notre entreprise. Donc nous sommes aujourd’hui à 9 agents agrées sur tout le territoire national, deux succursales et trois agents qui sont en préparation. Sur le terrain, il est tout à fait clair que certains de nos agents sont mieux organisés et mieux équipés que d’autres, mais nous allons petit à petit créer ce réseau de professionnels.
Le numéro 1 en Algérie reste Renault Trucks Algérie avec ses 12 agents, nous, nous en avons 11 (avec 3 en préparation). Nous avons aussi les agents agrées pour la pièce de rechange qui sont au nombre de 6 agents et on va aller sur 9 agents sur le territoire national. Nous avons des prospecteurs particuliers pour les régions où on n’est pas représenté.
Pour la partie service après vente (SAV), on est parfaitement conscient qu’il faudra bien augmenter nos capacités en pièces de rechange. Il y a des véhicules Daewoo qui ont 9 ans d’âge et qui sont en circulation. Notre objectif est de multiplier par 4 l’approvisionnement en pièces de rechange, et nous sommes entrain de concentrer nos efforts en moyens à mettre en place pour les ateliers de maintenance. Le parc commence à vieillir donc il faut mettre à niveau notre service après vente et les compétences. D’ailleurs, 6 de nos employés sont aujourd’hui en Corée pour 15 jours de formation et nous sommes entrain de mettre le paquet en termes de moyens humains et matériels aux niveaux de nos ateliers.
Donc la concurrence aujourd’hui se joue sur ce point ?
Oui tout à fait, surtout pour le véhicule lourd. S’il est immobilisé et qu’il ne peut pas être pris en charge au niveau de la maintenance, vous voyez bien ce qu’on va dire de nous. Nous sommes conscients de ça, et nous travaillons dessus.
Un dernier mot
Cette année malheureusement nous n’avons pas assez de visibilité, nous sommes dans une année difficile mais j’espère qu’il va y avoir une reprise sur le plan des investissements des chantiers parce que nous sommes liés aux grands projets de l’état pour booster l’activité du véhicule industriel.
Avec les nouveaux produits que nous avons essayé d’introduire en Algérie, notamment camion Tracteur équipé d’un moteur de 415 ch et d’une boite à 16 rapports, nous espérons grignoter des parts de marché dans ce segment devenu de plus en plus imposant au niveau du marché algérien.