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Ma Jun : «Apple a choisi de continuer à coopérer avec des entreprises qui polluent»
7 Septembre 2011

Ma Jun, directeur de l’Institut des affaires publiques et environnementales (IPE), une ONG pékinoise spécialisée sur les problèmes de pollution des eaux, s’exprime sur "THE OTHER SIDE OF APPLE II". Le rapport publié mercredi 31 août par l’IPE et quatre autres ONG chinoises, fait part des dégâts environnementaux provoqués par les fournisseurs d’Apple en Chine, où la marque américaine fait assembler la majorité de ses gadgets et téléphones.

Pourquoi était-il important de cibler Apple dans le rapport que l’IPE a publié mercredi dernier ?
Ma Jun : En avril 2010, au côté d’autres associations de protection de l’environnement chinoises, nous étions entrés en contact avec 29 marques de l’industrie des technologies de l’information, au sujet des problèmes de pollution le long de leurs chaînes de fournisseurs. Certaines entreprises ont réagi positivement, comme Siemens, Phillips, Vodafone, Nokia, Alcatel. Mais Apple a refusé de participer.
En janvier de cette année, nous avons donc publié un rapport sur les cas de pollution et d’intoxication provoqués par des sous-traitants d’Apple en Chine, et sous la pression de l’opinion publique, la société a dû reconnaître le fait que 137 ouvriers avaient été victimes d’intoxication à des degrés divers. Mais elle n’a pas répondu sur la question de la pollution de l’environnement de la part de ses fournisseurs, ce que nous lui reprochons. Nous avons donc continué d’enquêter pendant 7 mois, avec nos quatre partenaires ONG (Friends of Nature, Green Beagle Envirofriends, Green Stone Environmental Action Network). Ce qui nous a frappés, c’est que les activités de fabrication pour le compte d’Apple se sont étendues très rapidement, car leurs commandes augmentent très vite. Ce qui fait que l’impact environnemental s’est lui aussi élargi. D’après nos recherches, plus de 20 fournisseurs d’Apple, des anciens comme des nouveaux, sont à la source de problèmes de pollution.

Les révélations sur des désastres écologiques se multiplient en Chine. Est-ce que l’état de l’environnement s’aggrave ?
L’environnement en Chine est dans une situation très grave. On l’a encore vu récemment avec les fuites de pétrole de la plate-forme de Conoco Philips (CNOOC) dans la mer de Bohai, ou encore le cas des dépôts de chrome dans le Yunnan. La Chine est confrontée en matière d’environnement, à un défi gigantesque. Nous espérons que les différentes parties prenantes vont collaborer pour s’y attaquer. Mais par exemple, dans le cas d’Apple, on constate qu’ils ne sont pas coopératifs : en réalité, grâce aux progrès de la transparence de l’information sur les questions de l’environnement, on peut par exemple retrouver les historiques de pollution. Mais Apple a choisi de ne pas en tenir compte et de continuer à coopérer avec des entreprises qui polluent. C’est profiter indirectement du fait que le coût juridique d’une violation des lois environnementales est très bas en Chine.
Comment expliquer qu’il y ait tant de violations alors que les normes sont en principe strictes en Chine ?
Le problème est que la Chine produit des marchandises pour elle-même, mais aussi pour le reste du monde. En outre, on trouve chez nous beaucoup d’usines très polluantes. Or, alors que la Chine est le premier pays émetteur de gaz à effets de serre du monde, sa gestion de l’environnement est médiocre. La supervision n’est pas suffisante. L’une des raisons en est que le coût juridique est très faible pour les pollueurs. On l’a vu dans l’affaire de la marée noire de juillet, où la CNOOC n’a écopé que de 200.000 yuans (20.000 euros) d’amende.
Le système judiciaire n’est pas prêt à intervenir plus agressivement dans les affaires environnementales. Les entreprises sont soumises, en matière de réclamations de la part des victimes, à des demandes bien trop faibles. Nombre d’informations continuent à ne pas être publiées, ce qui fait que les gens sont peu et mal informés. En Occident, les industriels ont souvent besoin de beaucoup de temps pour faire accepter une implantation. En Chine, c’est extrêmement rapide. Le coût d’opportunité pour l’entreprise est tout simplement trop faible.


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