Lorsqu’on parle d’éveil ou de nahda du monde musulman notre attention est attirée directement par les révolutions qui ont été entamées dans ces pays et les résultats qui en ont découlé. La nahda désigne étymologiquement un mouvement qui se dresse vers le haut de façon droite. C’est pourquoi toute nahda est précédée comme nous l’avons souligné d’un éveil.
En effet la question qui se pose est la suivante : le monde musulman a-t-il réalisé réellement une évolution dans la croissance, et arrangé ses affaires depuis qu’on a lancé le terme de nahda ? La réponse, hélas, est négative. C’est au XIXème siècle, que les pays d’Islam sont tombés tour à tour sous la coupe du colonialisme, comme des feuilles d’automne fanées puis brûlées par le soleil d’été. Occupation de Algérie en 1830, Tunisie en 1882, Maroc 1912, par le colonialisme français, suivies de celle de la Libye par l’Italie, si on parle uniquement du grand Maghreb.Nous avons connu des humiliations et affronté plusieurs vagues de courant occidental qui a déferlé sur nous imperturbablement. Nous n’avons plus alors notre place dans le concert des nations, et notre nom a perdu toute considération.
Quelle est donc cette nahda, qui a fait de nous des soldats dans les armées d’autrui, notre économie aux mains des monopoles étrangers, entouré nos cités de bidonvilles, désarabisé nos écoles et fait de nous un spectacle folklorique à l’intention des touristes ?
Mais donnons quelques exemples de pays islamiques afin de quitter les abstractions pour retrouver le concert. En Turquie, Mustapha Kemal Atatürk a dirigé la nahda, il était vanté et applaudi par tous les Musulmans, qui y ont vu une purification de toutes les scories.
Celles là même qui se sont accumulées tout au long de la décadence du khalifat et du relâchement des liens de la communauté islamique.Mais bientôt, le kémalisme s’acheva en apostasie sur tous les plans. Laïcisation de l’Etat, qui visait moins à séparer le politique du religieux qu’à rompre carrément avec l’Islam. Quant au pouvoir, il n’a pas réussi à créer une démocratie mais une dictature de type médiocre. Le pouvoir d’Atatürk a glissé vers l’imitation de l’Occident, avec un excès tel, qu’il finit par donner de l’occidentalisation une pire caricature, une pure singerie tout à fait étrangère au progrès.
Les générations montantes sont aujourd’hui en rupture avec leur personnalité historique, parce que leur glorieux patrimoine est écrit, sinon en arabe, du moins en caractères arabes alors que l’école turque emploie aujourd’hui l’alphabet latin.
C’est ce qu’on peut appeler une schizophrénie de la personnalité nationale ou un déracinement historique de la nation. Si Atatürk avait constaté que le peuple turc renonçait de plein gré à l’Islam et que personne ne pût aller contre sa volonté, il nous serait apparu comme un réformateur démocratie, respectueux de la volonté populaire. Mais ce n’est pas le cas, le peuple turc était Musulman à l’époque de Kemal, et l’histoire témoigne qu’il est et demeure toujours Musulman. Il n’y a qu’à voir les universités d’Istanbul et d’Ankara pour s’en rendre compte.
Quant aux mosquées, elles débordent de piété et se distinguent par leur propreté. Certains pourraient croire qu’il s’agit des derniers survivants de la génération d’avant Atatürk. Mais non : la religion est bien prospère surtout parmi les jeunes.