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Cheikh M’hamed El-Kourd… l’artiste aux doigts d’or
25 Août 2011

Un grand nombre de mélomanes continuent de nos jours à puiser dans son riche répertoire et à vouer au grand maître disparu un véritable culte. Cheikh M’hamed El- Kourd fut un virtuose du malouf. Ses compagnons de musique et les mélomanes l’avaient surnommé "les doigts d’or".

Célèbre compositeur et musicien multi-instrumentiste de musique orientale, Cheikh M’hamed El-Kourd, de son vrai nom Mohamed Benamara, est né dans la Vieille Ville d’Annaba le 2 août 1895. Cet enfant de Bouna manifesta très tôt sa passion pour la musique et adopta le târ persan (luth à long manche) pour accompagner ses mélodies. Pendant la Première Guerre mondiale, il est mobilisé en Allemagne où il continue à pratiquer son art. Durant son périple à travers les pays d’Europe et d’Orient, il fréquenta des grands maîtres de la musique arabe de Syrie, d’Egypte, de Tunisie, de Turquie et notamment du Kurdistan où il fit connaissance avec la musique kurde et où il hérita par la même occasion du surnom "d’El-Kourd" (le Kurde) qui deviendra à jamais son pseudonyme d’artiste. Son parcours initiatique inspiré d’une musique universelle lui permit de développer sa création musicale au rythme des notes de son nouveau compagnon de musique, le piano.
C’est avec ce dernier, instrument dont il devient un virtuose, qu’il acquière la notoriété en l’intégrant pour la première fois dans un orchestre de malouf (musique classique arabo-andalouse spécifique de l’est algérien). Ses compagnons de musique et les mélomanes l’avaient surnommé "les doigts d’or". Ses doigts agiles palpaient, caressaient et interrogeaient, disaient-ils, les touches de son piano comme s’il s’agissait de les mettre en condition avant de lancer ses premières notes. L’œuvre de Cheikh M’hamed El-Kourd compilée sur près d’une cinquantaine d’opus démontre remarquablement la contribution du maître à la musique classique algérienne. Il prendra conscience très tôt de la nécessité de pérenniser un art millénaire transmis jusque-là uniquement par voix orale.
C’est ainsi que Cheikh El-Kourd commencera très vite à consigner des pièces rares de cette musique arabo-andalouse dans une maison d’édition parisienne Beidaphone où il enregistre "Man frag ghzali", "Salah Bey", " Haramt bik nouâssi", "Farakouni" et "Âynine lahbara", les premières chansons à être reproduites sur le support le plus en vogue à l’époque, le disque "78 tours", qui venait à peine de remplacer le gramophone. Après avoir gravé ces mélodies immémoriales, El- Kourd s’intéresse davantage à la notation musicale, à l’écriture du solfège et surtout à la transcription de ce patrimoine lyrique sur partitions. Il participe ainsi en 1932 au fameux Congrès du Caire en tant que représentant de la musique algérienne aux côtés de Larbi Bensari, le Cheikh de Tlemcen. Cette rencontre scientifique, première du genre, s’était tenue à l’initiative du richissime baron anglais Rudolph d’Erlanger, un mécène auprès duquel Cheikh El-Kourd venait souvent jouer dans son magnifique palais d’El- Marsa, dans la banlieue nord de Tunis. Par ailleurs, l’évocation de Cheikh El- Kourd aujourd’hui ne va pas sans rappeler le contexte dans lequel surgissait la notoriété de cet artiste hors pair : le colonialisme en Algérie était alors à son apogée. On s’apprêtait même à en commémorer en grande pompe le centenaire (1830-1930).
Le retour de Cheikh El-Kourd à Annaba coïncide avec la disparition de son maître Cheikh Mustapha Ben Khammar qui, dit-on, aurait eu pour autre disciple illustre le célèbre compositeur français de musique classique, Camille Saint-Saëns. Annaba, l’ex-Bône des années folles, ville ouverte sur la mer, s’encanaillait souvent le soir venu sur les airs du Malouf. Les plus anciens évoquaient le souvenir d’une foule cosmopolite qui sortait, chaque soir, pour écouter Cheikh El-Kourd. Qu’ils soient Juifs, Italiens, Espagnols ou Maltais, beaucoup apprécieront la compagnie de l’artiste, sa volubilité légendaire et son art de vivre. Le 10 octobre 1951, la voix du Cheikh El-Kourd et son vieux piano s’éteignirent définitivement. Un grand nombre de mélomanes continuent de nos jours à puiser dans son riche répertoire et à vouer au grand maître disparu un véritable culte, notamment feu Hassen El- Annabi, Layachi Dib, son neveu Hamdi Benani et beaucoup d’autres chanteurs et musiciens annabis. L’association musicale "El-Kourdia" tente de pérenniser et d’honorer la mémoire du maître aux "doigts d’or".

Par : Kahina Hammoudi

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