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Edition du 6 Juillet 2011



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Mendicité, vols, prostitution...
La protection des enfants sur la sellette
5 Juin 2011

Journée mondiale de l’enfance... journée de l’espoir, une journée suffit-elle pour redonner le sourire de l’innocence et de l’insouciance aux enfants des rues alors que tous les jours devraient être leur fête. La mobilisation de tous est fondamentale pour que la rue ne soit plus jamais l’avenir de milliers d’enfants.

Dès que vous mettez un pied dehors, c‘est une forêt de mains qui se tendent vers vous quémandant, qui une pièce, qui un quignon de pain, qui du lait pour un nourisson famélique... Les mendiants sont partout, ils envahissent les villes fuyant les campagnes et la précarité de la vie rurale ou simplement attirés par le leurre des lumières de la capitane. Qu‘est-ce que la mendicité ? « Un mendiant est une personne qui vit matériellement d‘aumône, de l‘argent ou de la nourriture donnés par charité », nous apprend-on. Cette définition est bien révolue, laissant place à un véritable métier basé sur de nombreuses stratégies auxqueles des milliers de personnes ont de plus en plus recours pour se faire de l‘argent facile exploitant la "sensiblerie" des passants. Aujourd‘hui on en est arrivé à nous demander, parmi toute cette faune, qui est véritablement nécessiteux et qui nous exploite sans vergogne.

L‘enfance sacrifiée sur l‘autel de la mendicité
Aujourd‘hui plusieurs villes du pays, pour ne pas dire la totalité, sont en proie au phénomène de la mendicité, les rues sont devenues leur fief incontesté. Les plus débrouillards, donc les plus forts, accaparent les lieux très fréquentés à l‘instar des gares routières et proximité de grands commerces où ils finissent par faire partie intégrante d‘un décor planté. La mendicité est un fait qui ne peut être, en lui-même, condamnable ou condamné, du moins pour ceux qui y ont recours en désespoir de cause, mais là où on est révolté et où cela devient inadmissible, c‘est quand on y implique des enfants. La réalité nous oblige pourtant à dire que la mendicité est incontestablement devenue une nouvelle forme d‘esclavagisme du moment que le choix n‘est, à aucun moment, laissé à l‘enfant.
La misère, le chômage, la violence conjugale et les divorces sont les principaux facteurs, poussant les enfants vers la rue et donc à la mendicité. Mais il y a des « géniteurs » qui mettent en avant leurs enfants. Ces parents indignes sont de plus en plus nombreux, la sonnette d‘alarme est tirée et il est plus que temps de mettre un terme à l‘exploitation de ces êtres vulnérables et sans défense. Justifier la mendicité des enfants, c‘est oublier qu‘ils sont instrumentalisés et soumis à la violence quotidienne d‘une rue soumise à tous les vices et qui les expose à un supplice moral et corporel ; sans oublier que cette exploitation dont font l‘objet les enfants issus de milieux défavorisés fait que la délinquance des mineurs est en nette augmentation.

Les droits de l‘enfant... juste sur papier
Une vision des droits de l‘Enfant est véhiculée par la Convention internationale des droits de l‘Enfant du 20 novembre 1989. Elle met en avant les droits fondamentaux dont tout enfant doit jouir, tout comme elle oblige les états signataires à prendre des dispositions afin de rendre effectives les règles fixées par le texte. Des États ont œuvré afin que leurs législations s‘adaptent à la Convention. L‘Algérie a ratifié cette convention le 19 décembre 1992 et elle est entré en vigueur le 16 mai 1993 ainsi, comme tout état signataire, et pour une modernité sociale digne d‘une République démocratique et populaire. L‘Algérie a mis en œuvre plusieurs projets de loi pour la protection de l‘enfance mais qui sont restés inefficaces. Elle s‘est fixée une nouvelle mission à travers un nouveau projet élaboré par le ministre de la Solidarité nationale et de la Famille, Saïd Barkat, en décembre 2010. Le texte de loi en question a pour objectif de lutter contre les réseaux de mendicité qui vont jusqu‘à exploiter des bébés et des personnes handicapées en guise de leurre pour toucher la sensibilité des gens. La réalité nous oblige malheureusement à confirmer que ce texte de loi a prouvé, comme les précédents, son incapacité à mettre fin au supplice d‘enfants qui ne sont même pas en âge de choisir. La vision de la mendicité véhiculé et alimentée par les faux mendiants et les différents réseaux qui ne cessent de prendre de l‘ampleur condamne les personnes qui ont véritablement besoin d‘aumône pour vivre.

Un air de banjo contre quelques dinars
Qui ne connaît pas l‘homme au banjo, dont la mélodie mélancolique attire les personnes passant par le passage souterrain de la place Audin. Cet homme, aveugle, offre ces mélodies jouées sur son banjo pour pouvoir survivre. Il ne tend pas la main, il se contente de jouer sans interruption, plongé dans son monde et loin des vicissitudes de son triste quotidien. Les rares personnes qui ne le connaissent pas, attirées par les sons mélodieux s‘échappant du passage, ne peuvent s‘empêcher de s‘y engouffrer pour découvrir le musicien à l‘origine de ces notes émouvantes traduisant à la fois génie et souffrances. Ce vieillard mérite, ô combien les quelques pièces déposées dans la sebile posée devant son siège. Ainsi de vrais nécessiteux tentent de mériter les pièces offertes, à l‘instar de la jeune femme au niveau de la rue Didouche-Mourad qui au lieu de tendre la main proposent aux passants de croquer leurs portraits ou effectuer des portraits au fusain à partir de photos.

Nacéra, une mère courage
Nous sommes allés à la rencontre d‘une jeune mendiante accompagnée de ses quatre enfants. Elle nous explique qu‘elle s‘est trouvée dans la nécessité de tendre la main pour subvenir aux besoins de ses enfants. La prénommée Nacéra a été abandonné par un premier mari qui n‘a pas eu de mal à s‘en « débarrasser » vu que leur mariage n‘était que religieux « sans acte »- Une pratique qui perdure malgré les innombrables dégâts qu‘elle cause - alors qu‘elle était enceinte d‘un garçon qui a aujourd‘hui six ans et qui n‘est toujours pas reconnu par son père. Elle s‘est estimé heureuse de trouver un homme qui prêt à épouser une divorcée mère d‘un enfant non reconnu, elle se retrouve rejetée par sa belle-famille. Aujourd‘hui elle est mère de trois enfants et son mari est sans travail. La dure réalité l‘a obligé à mendier en passant par Chlef -la ville natale de son mari - Bousâada pour atterrir dans la capitale dans l‘espoir que sa détresse trouve enfin une oreille attentive.
Depuis son arrivée dans la capitale elle ne cesse de frapper aux portes des associations pour la protection des femmes et des enfants. Elle n‘a pas hésité à se présenter au ministère de la Solidarité, mais nous dit-elle avec amertume « qui peut écouter une mendiante avec quatre enfants à charge et un mari pratiquement absent. Qu‘est ce qui prouve que je ne joue pas la comédie comme bon nombre de mendiantes ». En dépit de toute cette misère, elle ne veur pas baisser les bras et affiche un courage sans faille. « Je dois me battre pour mes enfants, pour leur permettre de connaître un sort meilleur que le mien. Je ne demande qu‘à avoir un toit décent et sauver mes enfants de la rue, que mon mari puisse avoir du travail » plaide-t-elle. Cette mère est certes confrontée à un quotidien pénible mais pas autant que les jeunes enfants qui l‘accompagnent et dont le plus jeune n‘est âgé que de sept mois. Une implication générale pourrait être la solution pour mettre fin à la détresse et déchéance que connaissent des milliers d‘enfants.

Nécessité de l‘implication de la société civile
Une coordination entre les institutions de l‘État et la société civile est fondamentale et urgente pour arriver à des résultats concrets. Il n‘est plus question de parler uniquement de la criminalisation de l‘exploitation des enfant mais d‘agir et rapidement afin de mettre fin à leurs tourments et leur offrir l‘opportunité d‘accès à une éducation et pouvoir jouir de leurs droits légitimes. Voir des enfants ou des personnes handicapées mendier ne doit plus être perçu comme une chose naturelle. Ce phénomène ne doit plus jamais être alimenté par la banalisation de cette pratique.

Mendicité, vols, prostitution... des chiffres qui font froid dans le dos
Il est à rappeler qu‘il est difficile de répondre avec exactitude quant au nombre exact des enfants qui vivent dans les rues vu qu‘il n‘existe pas d‘étude approfondie pour en recenser le nombre, mais on peut se référer à celle réalisée en 2006 par la Fondation nationale de promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem).
D‘après les chiffres recensés par cette étude, jusqu‘en 2006, on a compté 20.000 enfants errant à travers les rues de différentes villes d‘Algérie, particulièrement au nord du pays. Leur âge est en moyenne entre 5 et 16 ans et les conflits familiaux et le bas niveau de vie, restent les principales causes de ce fléeau. Une enquête nationale sur les enfants de la rue réalisée en 2006 par l‘Observatoire des droits de l‘enfant (ODE) dévoile que « 61% de ces jeunes vivent de mendicité, 15% de vols et 2% de prostitution.» Cette enquête affirme que « Quelque 60% de ces enfants passent la nuit dans la rue ou dans les jardins publics à travers l‘Algérie, 29% sous des tentes ou dans des baraques de fortune et 6% squattent les gares routières », d‘après la même enquête «  63% des enfants disent regretter le foyer familial et 57% veulent aller dans un foyer de substitution ». Ces chiffres restent le résultat d‘une enquête menés en 2006, et même avec l‘absence d‘une enquête actuelle du nombre exact des enfants des rues en Algérie, il n‘en demeure pas moins que ce phénomène n‘arrête pas d‘augmenter. La rue doit cesser d‘être le foyer de nos enfants et des handicapés. Nous sommes tous interpellés, nul n‘a le droit de se prétendre non concerné...

Par : Noura Kedjar

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