Le spectacle "Wel moudja welat" (Le retour de la vague) de Slimane Benaïssa, présenté mardi soir à Alger, a, à travers un discours tissé de métaphores, retracé l’histoire de l’Algérie depuis les années 40 jusqu’à l’heure actuelle.
Habillé en "blue jean" et une veste "Shangaï", Boualem, ce personnage symbole, jette un regard rétrospectif sur l’ensemble des évènements historiques, douloureux en majorité, qu’à vécus le peuple algérien depuis la période coloniale en s’arrêtant sur les crises politiques, économiques et sociales.
Le texte de ce spectacle, qui se veut un croisement entre le monologue classique et le montage poétique, dégage un fort attachement à la question identitaire et de l’amazighité.
Ces racines sont, à la fois, une conscience, une douleur et une assurance qui ne disparaîteront jamais, disait-il.
Pendant plus d’une heure de temps, Slimane Benaïssa s’est transformé en goual (le diseur), pour qui le décor, la lumière et la mise en scène deviennent secondaires. Le plus important pour lui, c’est d’être entouré de gens pour écouter et surtout comprendre ce qu’il leur "livre" comme paroles ô combien riches de sens.
Son récit, en arabe dialectal, abordait avec amertume, parfois avec ironie, la souffrance du peuple algérien pendant l’époque coloniale, la situation politique du pays après l’indépendance, la pratique démocratique, le multipartisme, les évènements du 5 octobre 1988, le terrorisme, la bureaucratie, la corruption, l’obscurantisme...
Le spectacle se termine lorsqu’il met face au public une pancarte sur laquelle est écrit "Plus jamais ça!". Un slogan qui donne beaucoup à réfléchir.
"Wel moudja welat", joué en mai dernier aux théâtres régionaux de Béjaïa et Tizi Ouzou et dans la région de Beni Yezguen (Ghardaïa), sera présenté à la salle Sierra-Maestra jusqu’au 17 juin.
Ce travail s’inscrit dans la continuité de ses œuvres, en l’occurrence "Boualem zid el gouddem", "Babour ghraq" et "Rak khouya ou ana chkoune ", sans aucune connotation autobiographique.
Le texte de ce spectacle comprend des extraits des pièces en question qu’il prévoit de monter l’année prochaine dans la version initiale pour célébrer ses 40 années de carrière artistique.
Lors d’une conférence de presse tenue dimanche au siège du quotidien El-Watan, Slimane Benaïssa avait tenu à rappeler que le théâtre est en premier lieu un acte culturel qui s’adresse à l’intelligence du public en lui apportant quelque chose d’agréable et pas un souk.
"Le théâtre est un acte culturel dans le sens où l’on invite les gens à un partage de quelque chose qui est fondamentale et pour le public et pour l’artiste. Le théâtre n’est pas un souk", a-t-il indiqué tout en précisant que les gens, à travers le théâtre, avaient besoin d’entendre ce qui leur correspond, leur parle et parle de leurs maux, de leurs préoccupations. "Notre société a besoin d’exprimer sa douleur. Il es de notre devoir, nous, hommes de théâtre, de dire à la société ce qu’elle ne peut pas se dire. Nous ne pourrons jamais avancer dans le déni de soi et des choses", a-t-il dit.
Né à Guelma en 1944, l’auteur, comédien et metteur en scène, Slimane Benaïssa, est l’un des pionniers du théâtre populaire algérien.
En 1978, il crée sa propre compagnie de théâtre indépendant au sein de laquelle il met en scène "Boualem zid el gouddem", écrit et met en scène "Youm el djem’a" (Le vendredi), "El mahgour" (Le méprisé), "Babour ghraq" (Le bateau coule), qui sera jouée plus de 500 fois en moins de six ans, et "Rak khouya ou ana chkoune ?", (Au delà du voile).
Après plus de vingt années d’activité théâtrale en Algérie, Slimane Benaïssa est contraint en 1993, à l’instar de Sid Ahmed Agoumi, de s’installer en France, après l’assassinat de deux géants du théâtre algérien, Abdelkader Alloula et Azzedine Medjoubi.