Le Midi Libre - Culture - Un patrimoine national précieux à protéger de l’oubli
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Edition du 14 Mai 2011



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Les foggaras
Un patrimoine national précieux à protéger de l’oubli
14 Mai 2011

Pour les touristes, elles sont une ’’curiosité de plus du grand Désert’’, mais pour les oasiens, les foggaras, qui sont menacées de disparition selon les experts, sont l’essence même de la vie communautaire dans les régions du grand sud du pays. Pour beaucoup de spécialistes inquiets de la lente déchéance de ce système plusieurs fois millénaire de partage des eaux qui fait partie du patrimoine national, le désintérêt des jeunes et les pompages excessifs dans la nappe phréatique mettent en danger les foggaras, que l’on ne trouve en Algérie que dans les régions du Touat (Adrar) et du Gourara (Timimoun). Près des portes en bois de palmier des maisons du vieux vieille cité, ombre de pierres et d’argile immuable dans son face à face avec le Grand Erg Occidental, serpente allègrement une eau fraîche qui irrigue à longueur d’année les jardins des palmeraies. A Timimoun, surnommée "l’Oasis rouge" en raison de la couleur ocre de ses maisons basses et repliées sur elles-mêmes, les anciens assistent presque impuissants à la lente agonie des foggaras. Ce système traditionnel de captage et de partage d’une ressource vitale pour la vie dans le grand sud, apprivoise avec ingéniosité une eau rare. La grande cité du Gourara, avec ses petites médinas satellites abritées du vent et des tempêtes de sable par les palmeraies, n’a pendant longtemps pas connu d’autre source d’approvisionnement en eau. L’installation d’un réseau d’alimentation en eau potable à partir de la nappe phréatique, pour les nouvelles cités d’habitations, date des années 90 seulement. Dans les régions mitoyennes du nord du Mali, l’agriculture oasienne a toujours été irriguée à partir de ces canaux. La construction des foggaras, une curiosité locale, remonterait à l’époque de la sédentarisation des tribus qui nomadisaient entre le nord du Mali et le sud-ouest du grand sud algérien. En amont de l’oasis rouge, les premières tribus qui se sont installées dans la région ont creusé une succession de puits, juste au-dessus de la nappe phréatique. L’eau est ainsi aspirée par gravité, à travers les différents puits jusqu’à l’entrée de la cité. Là, commence la grande foggara, un immense bassin, d’où partent des canaux. Chacun d’eux va remplir un petit bassin, généralement creusé au milieu d’un sentier, qui sépare plusieurs jardins. Les entrées et les sorties d’eau de ce bassin sont munies d’anneaux en fonte qui ne s’oxydent pas afin que le trou ne s’agrandisse pas et que le débit reste le même. Un vieil agriculteur montre, juste à l’entrée de sa parcelle, une rigole d’à peine dix centimètres de large qui court le long d’un sentier et alimente un bassin à l’intérieur du jardin. "Le petit bassin que vous voyez près du grand palmier, c’est ce que nous appelons le maajjen’’, dit-il. ’’C’est là que nous stockons notre quota d’eau de la journée, car chaque agriculteur est alimenté à heure fixe chaque jour." Une fois leur quota d’eau stocké, les agriculteurs de Timimoun irriguent ensuite les champs de céréales et de légumes, abrités du vent par l’ombre protectrice des palmiers dattiers. Les locataires de parcelles agricoles ou les propriétaires de petites palmeraies se voient ainsi attribuer, par les sages de la cité, "juste" la quantité d’eau nécessaire à l’irrigation de leurs lopins de terre. Une quantité établie, depuis des temps oubliés car la superficie de la palmeraie, à jamais prisonnière du désert, ne change pas. "Ici l’eau est attribuée selon l’importance ou la superficie de la parcelle agricole", souligne un technicien de l’institut des techniques de vulgarisation agricole (ITMA) de Timimoun. "C’est extraordinaire de voir comment les habitants arrivent à se répartir à travers un incroyable enchevêtrement de petits et grands canaux une eau précieuse, équitablement, pas une goutte de plus ni de moins", fait remarquer de son côté un ancien journaliste, établi à la fin des années 1990 à Timimoun. "Une foggara, c’est une culture, une manière de vivre, un art de composer avec la nature", insiste-t-il, occupé à écrire l’histoire millénaire de la région du Gourara. "Ici, les meilleures palmeraies, celles qui ont de grands jardins avec des palmiers et des arbres fruitiers sont la propriété des nobles de la cité, le reste est soit un bien de la communauté, soit Habbous (Wakf religieux)", précise Saïd. Mais, pour cet homme qui a préféré la sérénité et la douceur de vivre des Oasis aux trépidations urbaines, ce système d’irrigation est irrémédiablement menacé de disparition si les jeunes de la cité continuent à se détourner de la science de l’eau. Le système de partage et d’entretien des foggaras est une science que détient la vieille génération.


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