Le Midi Libre - Culture - Des textes et des images contre l’oubli
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Edition du 3 Mai 2011



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"A fleur de silence" et "Apprendre à vivre ensemble"
Des textes et des images contre l’oubli
3 Mai 2011

"A fleur de silence" et "Apprendre à vivre ensemble", deux ouvrages parus chez Barzakh à la mémoire des victimes du terrorisme pour dire le traumatisme et ses séquelles chez de nombreux Algériens ayant vécu l’innommable et qui restent, depuis, murés dans le silence.

Conçus à la demande du Cisp (Comitato Internazionale per lo Sviloppo dei Popoli- Comité international pour le développement des peuples), une Ong italienne installée en Algérie depuis 1999, les deux publications se veulent un hommage aux personnes disparues, assassinées par les terroristes et s’inscrivent dans un "processus de mémoire afin de prévenir contre le danger de l’amnésie".
Comment guérir des blessures causées par la violence terroriste ? Comment rétablir la cohésion au sein d’une société meurtrie ? Comment se reconstruire, "se réconcilier" et pouvoir enfin dépasser ses traumatismes, après de telles épreuves ? Les deux livres tentent d’apporter des réponses à tous ces questionnements, à travers des photographies, des témoignages et des analyses sur l’ "après-terrorisme".
Alger, Blida, Boumerdès et d’autres régions de la Mitidja où des massacres collectifs, des assassinats ciblés et des attentats à la bombe ont été perpétrés contre des civils, sont les principales régions re(visitées) à l’occasion de l’élaboration de ces ouvrages, conçus pour "laisser une trace par l’image, le témoignage et rendre compte d’évènements terribles, censés pourtant échapper à tout récit, à toute narration", selon l’Ong italienne.
A fleur de silence, un recueil de photographies réalisées par Anaïs Pachabézian, photographe indépendante qui vit et travaille à Paris, montre des personnes qui ont vécu d’une manière intime la tragédie en fixant l’objectif sur les conditions de vie très modestes, voire précaires, des rescapés de la terreur.
Les personnes photographiées dans cet ouvrage, préfacé par l’écrivaine Maïssa Bey, affichent toutes une mine mélancolique : des visages prématurément ridés par la terreur, des regards évasifs, et irrémédiablement tristes. Elles relatent brièvement leur malheur. L’indicible. "C’était en 1996. Ils ont égorgé mon neveu et mon frère. Nous habitions dans la montagne, près de Si Mustapha" (Ahmed, Boumerdès), "Mon mari a été assassiné le jour du mariage de ma fille. Il allait chez le voisin et une bombe a explosé" (Bakhta, Blida), "Le 23 janvier 2003, à 17h00, ils ont abattu mon mari pendant qu’il garait la voiture" (Mme Hirèche, épouse d’un patriote à Boumerdès), sont les quelques extraits de témoignages, parmi tant d’autres, qui accompagnent les photographies.
Dans sa préface, intitulée "L’inquiétante banalité du tragique", Maissa Bey a salué le courage des personnes ayant accepté de sortir de leur silence et de se mettre face à l’objectif de la photographe, qui est aussi allée à leur rencontre pour les écouter.
"Parce qu’il faut photographier l’absent. C’est même la seule raison de notre intrusion chez eux, dans leur intimité. Ils le savent. Photos d’identité en couleurs ou en noir et blanc. Photos posées sur une table recouverte d’une nappe de dentelle, près d’un bouquet de roses de plastique. Photos agrandies, encadrées ou simplement tenues par des mains qui n’osent même pas se tendre. Les absents sont là. Face à nous. Avec eux. Ils posent. Elles posent", a-t-elle écrit. A propos de la photographe et ses "sujets", elle dira : "Une femme est venue les écouter. Les prendre en photo. Quel sens, quelle force à ce verbe «prendre» ici et maintenant ! (...) Ils sont là, face à elle, eux, les oubliés.
Eux, les victimes d’une double peine: le deuil et le silence ". Et d’ajouter :
"Oui, ils ont parlé. Ils ont raconté la détresse et l’impuissance ordinaires de ceux qui ne savent pas pourquoi le destin s’est acharné sur eux".
Le second livre Apprendre à vivre ensemble, réalisé sous la direction de Ghania Mouffok, journaliste, présente les processus de réconciliation mis en œuvre dans des pays d’Afrique (Afrique du Sud, Rwanda...), pour garantir le "vivre ensemble" après des années de "violences internes".
Cet ouvrage se termine par un entretien avec Cherifa Kheddar, présidente de "Djazaïrouna", une association de soutien aux familles victimes du terrorisme dans la Mitidja, et par un portrait à Nacer Meghmine, fondateur de l’association culturelle "SOS-Culture Bab El-Oued" en 1995, au cœur de ce quartier populaire d’Alger, devenu dans ces années, l’un des fiefs de l’intégrisme et de la subversion.


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