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Edition du 6 Avril 2011



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Nouvelle vocation pour la région de Grarem
Ecotourisme et culture "bio"à l’affiche
6 Avril 2011

Le barrage de Beni-Haroun, plus grand ouvrage hydraulique d’Algérie avec 120 m de haut et une capacité de retenue de 960 millions de m3, est en passe de transformer de manière radicale la région de Grarem-Gouga, dans la wilaya de Mila.

Cette zone située non loin du barrage, sur l’axe Constantine-Jijel, est, en effet, passée de la céréaliculture vivrière traditionnelle et du petit élevage à une agriculture moderne qui s’oriente désormais vers la culture "bio" en s’ouvrant sur un écotourisme qui pourrait bien constituer, ici, une autre ressource non négligeable. Selon nombre d’observateurs, le paradoxe de cette métamorphose réside dans le fait que l’agriculture de cette région, en aval du bassin versant du barrage, devra nécessairement se dispenser du recours à toutes les formes d’engrais (pesticides et nitrates) pour protéger le lac qui fournit en eau potable une grande partie de la population de l’Est du pays.
Mais l’impact de l’ouvrage de Beni-Haroun, rempli depuis seulement cinq à six ans, se mesure d’abord par rapport au paysage qui offre aujourd’hui un panorama grandiose, rehaussé par un lac artificiel, scintillant majestueusement, qui s’étale entre les limites des wilayas de Jijel et de Constantine.

Mettre en valeur les arguments touristiques
L’écotourisme nécessite l’appel à de jeunes pionniers de l’investissement dans ce secteur, l’introduction de nouvelles mentalités, la promotion d’une culture environnementale et écologique nouvelle, des opérateurs sachant valoriser le patrimoine culturel local et mettre en valeur des arguments touristiques qui ont déjà fait la renommée de la région (brochettes de Grarem, gastronomie du terroir, produits naturels, développement des activités de plein air, randonnées de découverte, sports de montagne, concours de pêche…). Au plan de l’agriculture, hormis la céréaliculture qui nécessite l’usage d’engrais et de désherbants, toutes les autres cultures pratiquées dans la région sont naturelles et peuvent être étiquetées "bio".La production arboricole et maraîchère nécessitera, cependant, d’être organisée et intensifiée dans les normes bio afin de pouvoir répondre à un marché plus exigeant, estime un cadre de l’agriculture à la retraite, agriculteur lui-même. Selon M. Bachir Kerkatou, directeur des services agricoles (DSA) de la wilaya de Mila, les programmes de renouveau économique agricole et rural ont déjà donné des résultants "probants", notamment dans les filières traditionnelles de la partie nord de la wilaya, comme les légumes secs (fèves, petits-pois, lentilles), dont la culture n’a jamais connu de rupture dans la région de Grarem à une époque où ces légumineuses ont été abandonnées ailleurs.
M. Kerkatou, qui précise qu’un programme de 3.000 hectares de lentilles a été arrêté pour la wilaya, signale aussi que les autres filières se développent rapidement, notamment le lait qui a connu un "boom" matérialisé par une production de 1,5 million de litres en 2000 qui est passée à 15 millions de litres en 2010.

Sortir du "carcan" de l’indivision
Pour le DSA de Mila, la modernisation des activités agricoles, fortement appuyée par les aides accordées par l’Etat et les politiques de soutien et d’accompagnement, connaîtra une avancée décisive, avec la mise en place de coopératives animées par les producteurs pour chaque filière. Cette organisation nécessaire pour rationaliser la production, la mécanisation, les approvisionnements et la commercialisation, ne peut se mettre en place durablement sans les solutions qu’appelle le foncier qui doit sortir du carcan de l’indivision, pour constituer un marché organisé dans le cadre de la loi, souligne le même responsable. Sur le versant sud du mont M’cid Aïcha et en amont du sommet de Bounaâdja, au nord de Grarem, ce sont une multitude de vallées que l’on découvre avec leur habitat dispersé, des enclos de jardins, des parcelles céréalières, des hangars d’aviculteurs, des maisons en dur à un niveau, parfois à deux étages. Elles ont été construites grâce à la route qui va de plus en plus loin, mais aussi grâce à l’apport de l’émigration.
Cependant, certains petits producteurs se plaignent que l’Etat, qui a fait "l’effort inespéré pendant longtemps" de construire des routes coûteuses jusque dans des mechtas enclavées, ne veille pas à "parachever" ces réalisations essentielles pour le retour à la vie des terroirs de la région. Ils préconisent dans ce contexte "un complément de programme qui facilite le transport des marchandises et des personnes, ici un tronçon de quelques centaines de mètres de route, là un pont pour enjamber une rivière qui isole de la route de nombreuses mechtas avec leurs vergers et leur production, rarement mise sur le marché, faute d’accessibilité". En quittant Grarem vers Constantine, la route épouse la rive droite du lac du barrage et de l’oued Rhumel, appelé ici l’oued El-Kébir. Pour grimper jusqu’au sommet de Bounaâdja, on prend à gauche par Segdal, jusqu’à Berrak où la route, neuve et large, s’arrête devant la garnison des gardes communaux. D’ici, l’on peut encore admirer le spectacle du lac, étendue bleue au milieu de prairies vertes, frappée de larges taches de fleurs de toutes les couleurs.

"S’il y avait la route, je ne serais pas maçon, mais agriculteur"
Les quelques habitants que l’on trouve sur place sont heureux de rencontrer des journalistes. On voit d’ici, sur une colline à l’Ouest, le dôme d’un saint. C’est la "Qarraba", le tombeau de l’ancêtre des Nemouchi, installés ici depuis des siècles, explique Saïd Nemouchi. "Le douar de N’chem comptait une vingtaine de familles, mais tous, ou presque, sont partis parce qu’il n’y pas la route." "Pourquoi toutes les localités ont maintenant la route, sauf cet endroit qui fut une zone interdite durant la guerre d’indépendance?", s’interroge Saïd Nemouchi qui ajoute que s’il y avait la route, "je ne serais pas maçon, je retournerais travailler la terre. Ici il y a des millions d’oliviers abandonnés, c’est un patrimoine qui ne mérite pas ce sort".


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