Le Midi Libre - Société - L’art féminin menacé par l’industrialisation
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Edition du 29 Mars 2011



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Tapis traditionnel
L’art féminin menacé par l’industrialisation
24 Mars 2011

Œuvre artistique et anthologie de l’art féminin de l’Algérie profonde, le tapis de laine pure, produit artisanal du génie familial, est menacé par l’obsolescence des moyens techniques de base utilisés pour sa fabrication et la concurrence déloyale de l’industrialisation du produit. Les signes révélateurs de cette menace sont visibles chez les marchands de tapis traditionnels du souk de Ghardaïa, désertés par les acheteurs, notamment nationaux, qui préfèrent les tapis industriels synthétiques cédés à des prix imbattables. ’’Le tapis et autre produits traditionnels se portent mal en l’absence d’acheteurs connaisseurs et souffrent de la concurrence du tapis industriel vendu beaucoup moins cher", confie M. Benzait, marchand de tapis au souk de Ghardaïa. "Le tapis traditionnel confectionné par les tisserandes de Ghardaïa ne trouve plus acquéreur et ne s’écoule pas bien, compte tenu de son prix jugé cher par rapport à celui du tapis synthétique industriel", a-t-il expliqué. Les dernières mesures prises par les pouvoirs publics relatives à la baisse des taux d’imposition décidées en faveur des artisans, l’octroi de crédits sans intérêts pour l’acquisition et le renouvellement des équipements utilisés dans les activités artisanales menacées de disparition, sont de nature à aider les artisans à "aplanir le problème de la hausse du coût du matériel d’artisan", a estimé, par ailleurs, M. Benzait. Pratiquement, chaque famille ghardaouie possède un métier à tisser faisant partie des équipements domestiques ordinaires, d’où l’existence de quelque 15.000 femmes artisanes travaillant seules à domicile, ou en coopératives, notamment à El Menea et Beni Isguen, a-t-il fait savoir. La fabrication du tapis artisanal, métier réservé par excellence aux femmes, revêt, outre un aspect économique, une dimension culturelle qui colporte l’imaginaire social et la tradition orale du milieu sociologique dont sont issues les tisseuses et tisserandes. A travers les symboles et les motifs ainsi que le langage abstrait et géométrique fidèlement transmis, en plus avec raffinement et savoir-faire, un néophyte peut aisément déterminer avec exactitude l’origine du milieu de fabrication de la ‘’Zarbia’’ (tapis). Considéré généralement comme une œuvre ornementale pour égayer et décorer l’intérieur d’une demeure, le tapis transmet également des messages reflétant une culture millénaire riche et variée que seul le génie féminin a pu préserver et transmettre entre générations. Ces tapisseries traditionnelles, fabriquées et confectionnées par le génie familial, expriment fidèlement, par des caractères distincts, l’appartenance à chaque milieu social d’une région de l’Algérie profonde et l’enracinement aux us et culture ancestrale. Ainsi, chaque région possède son propre répertoire de dessins, de symboles et de décorations, représentés par des motifs géométriques tels les triangles et les losanges ainsi que des paillettes et franges typiques. Parmi les régions du pays qui excellent dans la symbolique artistique, véritable ancrage culturel et identitaire, figurent les régions de Kabylie, des Aurès, du M’zab, de Tlemcen, des Hauts-Plateaux et du Djebel Amour. Du tapis d’Ath Hichem à celui de Beni-Isguen, en passant par les tapis de Nememcha , de Ksar Chellala , d’Aflou et de Laghouat, l’expression artistique et symbolique propre à chaque région se manifeste à travers les dessins et motifs reproduits et exécutés magistralement par des tisserandes dans les œuvres demandent beaucoup de patience. Chaque région se reconnaît à travers des représentations atypiques et styles géométriques assortis de couleurs soigneusement choisies par les artisanes. A titre d’illustration, les tapis des régions de Djebel Amour de Nador en allant vers Souguer, Aflou, El Bayadh et Laghouat, se distinguent par le mariage des couleurs rouge, noire et blanche. Chacun des symboles et couleurs que renferme le tapis artisanal, confectionné avec amour, témoigne d’une pratique sociale, d’un mode de vie propre à une région et d’une entité culturelle inspirée du vécu quotidien et de l’imaginaire sociologique. Dans cette perspective, la capitale du M’Zab (Ghardaia) reconstituera, à l’occasion de la 44e édition de la fête du tapis qui débutera samedi prochain, la diversité culturelle du pays et se penchera sur une stratégie de promotion et de valorisation du produit artisanal menacé par la concurrence du tapis industriel souvent importé.


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