Le Midi Libre - Supplément Magazine - «Tamazight est le bien de tous les Algériens, berbérophones et arabophones»
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Edition du 23 Fevrier 2011



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M. A. Haddadou, écrivain, professeur de linguistique berbère, au Midi Libre
«Tamazight est le bien de tous les Algériens, berbérophones et arabophones»
23 Fevrier 2011

Mohand Akli Haddadou est l’auteur de plusieurs ouvrages qui traitent de la culture algérienne en général et de la culture berbère en particulier. Professeur de linguistique berbère, nous l’avons contacté en cette Journée mondiale de la langue maternelle. Il a eu l’amabilité de répondre à nos questions relatives à la langue maternelle.

Midi Libre : La langue maternelle est le premier héritage que reçoit l’enfant, c’est dire que c’est aussi important que le sein ; qu’en pensez-vous ?
M. A. Haddadou : Oui. C’est avec la langue que l’homme acquiert sa qualité d’humain ; elle est au centre de l’activité intellectuelle, sociale et bien sûr affective. Si la langue maternelle est si importante, c’est parce que c’est la première langue que l’on apprend. C’est aussi dans son moule que l’on voit le monde. Bien sûr, dans les sociétés comme les nôtres, qui sont ouvertes sur les autres cultures, l’enfant apprendra d’autres langues, mais la langue maternelle l’influencera toujours, non seulement par l’accent, mais aussi dans la façon de concevoir les choses, ou comme disent les ethnolinguistes, par la façon de découper la réalité. Ainsi, un berbérophone hésitera à traduire azegzaw par ’’bleu’’, c’est l’un de ses sens, parce que ce mot, en berbère, signifie aussi vert. Le spectre des couleurs est le même pour tout le monde, mais les langues en font, chacune, un découpage particulier. C’est bien Jean El Mouhoub Amrouche qui disait : ’’Je ne sais pleurer qu’en berbère.’’ !

Peut-on dire que la langue maternelle est plus importante dans les sociétés à tradition orale qu’ailleurs ?
Dans une mesure oui, puisque l’oralité l’emporte sur l’écrit, mais la langue maternelle est importante partout. Seulement, dans les pays où la langue maternelle est la langue officielle, on ne fait pas beaucoup attention à elle, puisqu’elle dispose de tous les droits.

Avec les moyens technologiques d’aujourd’hui, les langues minorisées peuvent-elles échapper au sort des langues maya ou aztèque ?
Oui, mais il ne s’agit pas seulement de moyens technologiques. L’avenir de ces langues est lié à deux éléments : le sentiment identitaire qui fait que ces langues résistent à la disparition et la volonté politique des autorités de les sauver.

Que peut-on dire actuellement de notre langue qu’est le tamazight ?
Des langues de grandes civilisations, comme l’égyptien, le phénicien ou le babylonien, qui ont le même âge que tamazight, se sont éteintes. Tamazight, elle, est restée. Après des siècles de déclin, elle a pu, grâce au long combat des siens, résister et, aujourd’hui, elle a acquis des droits qui lui permettent de se renouveler. En Algérie, après des années de répression, elle a pu, ces dix dernières années, réaliser une avancée appréciable, en entrant justement dans le circuit éducatif et en acquérant le statut de langue nationale. Beaucoup de choses restent à faire, et il faut garder l’espoir de nouvelles conquêtes. Tamazight est le bien de tous les Algériens, berbérophones et arabophones. Elle fait partie de notre identité et de notre histoire. Nous devons tous œuvrer à sa sauvegarde et à sa promotion.
O. A. A.

Par : Ourida Ait Ali

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