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Edition du 16 Fevrier 2011



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Gallimard
Une saga familiale et littéraire depuis cent ans
16 Fevrier 2011

Pluie de Nobel, 35 Goncourt, 40.000 titres : fondé voici cent ans, Gallimard publie Claudel en 1911, refuse puis récupère Proust, soutient l’avant-garde, engrange une fortune avec Harry Potter et se confond avec l’histoire de la littérature.
Au côté de la célèbre couverture blanche siglée NRF, se retrouvent de multiples collections, de la Pléiade à la Série noire, du livre pour enfants aux sciences humaines. Tout commence le 31 mai 1911, quand Gaston Gallimard, André Gide et Jean Schlumberger, deux des fondateurs de la Nouvelle revue française (NRF), créent un "comptoir" baptisé Editions de la Nouvelle revue française. Chacun apporte 3.000 francs à l’association. Les éditions ne porteront le nom de Librairie Gallimard que huit ans plus tard. Une personnalisation qui marque le début d’une incroyable aventure industrielle et intellectuelle. L’aube d’une dynastie aussi, jusqu’à Antoine Gallimard, fils de Claude et petit-fils de Gaston, P-DG aujourd’hui du plus grand éditeur indépendant français, après la mort de son père et un conflit familial. En 1913, quand Marcel Proust soumet "La recherche du temps perdu" à Gallimard, Gide rejette le manuscrit. "Trop de duchesses et de comtesses, ce n’est pas pour nous...", estime-t-il. "Refuser ce livre restera l’un des remords les plus cuisants de ma vie", écrira Gide à Proust. Dès le deuxième, il s’était néanmoins rendu compte de son erreur. "A l’ombre des jeunes filles en fleurs", revenu dans le giron de Gallimard, décroche le Goncourt en 1919.Peu avant, la Première Guerre mondiale voit partir au front les membres du comité de lecture et de nombreux écrivains. Gaston Gallimard, lui, "se planque et simule la folie pour échapper aux tranchées", raconte Pierre Assouline. Quand les autres mourraient, il dînait chez Maxim’s, ajoute l’écrivain.
En 1932, "L’amant de Lady Chatterley" devient un best-seller. Pendant la Seconde Guerre mondiale, et l’Occupation, l’attitude de Gaston reste ambiguë. Il cède la direction de la NRF à Drieu La Rochelle, parle de "maison aryenne à capitaux aryens" et accepte la censure. Dans le même temps, il accueille des réunions clandestines, refuse des pamphlets antisémites. A la Libération, le soutien sans faille d’écrivains résistants permet de protéger Gallimard de l’épuration. La revue NRF, interdite, reparaîtra en 1953, pour un hommage à Gide qui vient de mourir. La maison publie aussi après-guerre "Hiroshima mon amour" de Marguerite Duras, Amos Oz, Robert Antelme, de retour des camps, et bien d’autres. Gaston Gallimard prend aussi sous son aile le sulfureux Céline dont il devient l’éditeur... et le banquier. Il publiera aussi Jean Genet. En 1957, Albert Camus, auteur Gallimard, est couronné par le Nobel de Littérature. L’écrivain se tuera en voiture avec Michel Gallimard, en janvier 1960. Les Nobel se ramassent ensuite à la pelle : Saint-John Perse en 1960, Sartre, qui le refusera, en 1964, Pablo Neruda en 1971, puis plusieurs autres dont Orhan Pamuk en 2006, J.M.G Le Clézio en 2008 ou Vargos Llosa l’an dernier. Pour l’éditeur, la littérature, c’est aussi la liberté de penser. Claude Gallimard, P-DG en 1975, rend plusieurs fois visite à "ses" auteurs derrière le rideau de fer. Milan Kundera raconte comment après avoir édité "La plaisanterie" en 1968, il l’avait encouragé à émigrer. L’histoire de Gallimard passe aussi par des Goncourt : "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell en 2006 ou "Trois femmes puissantes" de Marie Ndiaye en 2009. Sans oublier le jackpot des sept tomes d’Harry Potter de J.K. Rowling, aux ventes colossales.


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