Il est rare qu’on célèbre chez nous les anniversaires de gens qui, plus est, ne sont plus de ce monde. Pourtant hier le réseau social facebook ainsi que Youtube, le leader de la vidéo on-line, se sont faits l’écho de l’anniversaire de naissance du Rebelle.
Mais c’est aussi hier que devait paraître chez les éditions Mehdi de Tizi-Ouzou, le plus volumineux livre jamais écrit sur Matoub Lounès, à savoir « Tafat n wurghu » (La lumière de la brûlure), 700 pages. Des organismes culturels y ont mis aussi du leur en répercutant sur facebook leur contribution respective. Il en est ainsi des émissions kabyles de Radio plurielle, basée en France qui ont demandé à cette occasion à tous les fans de Matoub Lounes de mettre dans leur profil la photo du chanteur berbère. Mais la somme des contributions individuelles s’est révélée encore plus phénoménale. La Toile a reçu un nombre incalculable d’envois de vidéos de la part d’internautes qui ont su faire preuve de beaucoup d’imagination. Sur l’un des envois, on peut lire « 24 janvier 1956-24 janvier 2011, Matoub aurait eu 55 ans ». Avec toutes ces contributions, il est loisible de reconstituer toute la filmothèque qui a été réalisée sur le Rebelle. Beaucoup ont réalisé des montages vidéo, en y mettant des messages et en tentant de reconstituer les principales étapes de la vie du disparu. Chansons, amis, les lieux fréquentés, interviews, reportages, tout y passe. Le chanteur est resté une légende partout en Algérie et même ailleurs. En France, du fait de la forte présence de la communauté algérienne, nombre de rues portent le nom de Matoub. Le nouveau livre sur le Rebelle comporte 145 de ses poèmes en kabyle et leur traduction en français. Il est signé par le chercheur Rachida Fitas, qui est en passe de préparer une thèse de magister sur le même personnage au département de langue et culture amazighe de Tizi-Ouzou. Né le 24 janvier 1956 à Taourirt Moussa, Matoub Lounès est mort assassiné en Kabylie le 25 juin 1998. Il aurait hier bouclé 55 ans et Matoub serait retourné visiter les siens au village de Taourirt Moussa qui l’a vu naître. Il incarne aux yeux des Algériens et même aux yeux de ceux qui ne connaissent pas la langue kabyle le libre-penseur subversif, l’homme libre chez lui, pouvant rester digne en toutes circonstances. C’est le chanteur Idir, alors au sommet de la gloire, qui le découvre en 1978, Matoub Lounès, enregistre pour la première fois dans sa maison d’édition à Paris. Matoub avait alors que vingt-deux ans. Il fut l’un des rares artistes kabyles à n’avoir pas bénéficié des faveurs de l’émission « les chanteurs de demain » de la chaîne 2 de la radio nationale. Ses différentes tentatives pour se produire sur le plateau de cette émission se sont avérées toutes infructueuses. L’animateur aurait dit : «Je ne veux plus voir ce nom sur la liste des candidats». Mais dès que l’artiste a sorti son premier album, c’est le boom. Une nouvelle vedette de la chanson kabyle était née. Sa vie d’artiste a été de tout temps mêlée à sa vie de militant berbériste. Le chanteur avait reçu des balles de la part des gendarmes pendant les événements d’octobre en 1988 et on le croisait dans les marches appelant à la reconnaissance de tamazight. Il en sort de cette épisode qui l’avait forcé du reste à une longue hospitalisation avec cette chanson « ma d rrsas i gneqqen aqli ur mutgh ara » (si les balles tuent, moi, j’en suis pas mort). Mais il mourra le 25 juin 1998, après avoir réchappé à un premier enlèvement en 1994 dans un attentat perpétré par un groupe armé sur la route menant de Tizi-Ouzou à Aït Douala en Kabylie à quelques encablures de son village natal.