Depuis ces deux dernières décennies, la société algérienne a été bouleversée par de nombreux changements économiques, politiques, sociaux mais aussi culturels.
Influencée par la mondialisation accentuée davantage par la vulgarisation des nouvelles technologie dans le milieu social, notre société a, avouons-le, beaucoup perdu de ces principes et ces notions de solidarité, d’union et de fraternité, cédant ainsi la place à l’individualisme. Au sens courant, l’individualisme désigne l’égoïsme, l’individualiste ne pensant qu’à lui sans se préoccuper des autres. Mais selon des spécialistes, l’individualisme a divers sens selon le domaine, économique, social, religieux. L’individualisme est considéré comme « un processus au cours duquel l’individu se libère de plus en plus des règles et des valeurs issues de la conscience collective». Au sens sociologique, l’accent est mis «sur l’autonomie de l’individu par rapport aux règles collectives, l’individu s’affranchit de ces normes imposées par d’autres, des tutelles traditionnelles qui pèsent sur son destin : en ce sens, l’individualisme est un processus d’émancipation à l’image du féminisme au cours du XXe siècle». Toutes les cultures et les régimes économiques souffrent de nos jours de cette aspect qui, excessivement présent, peut devenir un réel danger. D’ailleurs, les sociétés occidentales voient l’individualisme comme «un repli sur la sphère privée et un abandon de la sphère publique, de la participation à la vie de la cité. Ce repli pourrait laisser la place libre à une "tyrannie douce" dans laquelle les individus sont pris en charge et n’exercent plus leurs pouvoirs» donc il sera dans ce cas là un danger sur la démocratie, il y aura une sorte de monopolisation de la parole et du pouvoir. Mais d’un point de vue social, l’individualisme représente un réel danger sur la cohésion sociale parce que «l’individualisme conduit au non respect des valeurs et des normes communes, le risque de rejet de ce qui est imposé par d’autres, du refus de toute entrave au choix personnel et individuel», nous a expliqué Mlle Haouès, sociologue. Cette individualisme qui connaît une grave montée dans notre société, notamment depuis ces dernières années est, selon la jeunes sociologue, souvent mal interprété par notre société notamment par les jeunes qui cherchent à se libérer des traditions, des obligations et des limites aussi. Il est considéré comme une «conception sociale et morale qui tend à privilégier les droits, les intérêts et la valeur des individus par rapport à ceux du groupe. Il prône l’autonomie individuelle face aux diverses institutions sociales et politiques (la famille, le clan, la corporation, la caste...) qui exercent sur lui certaines règles. Il s’oppose ainsi à l’obligation du groupe envers lequel l’individu a des devoirs». Quand on parle à un jeune Algérien de l’individualisme, il répond directement par «chacun pour soi et Dieu pour tous», «tag ala men tag» (chacun doit se débrouiller seul), nous diront des jeunes Algérois. Pourtant, il est très important de faire la différence entre l’égoïsme et individualisme car «si l’égoïste ne considère que ses intérêts personnels, l’individualiste considère l’intérêt des individus et non le sien uniquement». Parce que individualiste peut bien présenter un groupe de personnes constituant une organisation individualiste. Et c’est justement ça le problème dans notre société, c’est que l’individualisme devient synonyme d’égoïsme, on fait passer soit avant tous jusqu’à devenir insensible au besoin de l’autre, négligeant ainsi les sens de la solidarité sociale et l’union du groupe et les valeurs de l’action collective. L’individualisme est donc dans ce cas là aussi «synonyme d’injustice parce que l’individu peut utiliser tous les moyens dont éliminer tout autre individu qui constitue un obstacle pour arriver à ces fins». Pourtant, l’individualisme dans son sens global n’est pas aussi négatif parce que prouver l’individualité peut même arranger le groupe social, «l’affirmation de l’individu peut être considérée, selon les spécialistes comme un moyen de mettre en valeur les talents individuels pour construire une organisation collective viable. Opposer individualisme et collectivité est donc une erreur», expliquera Mlle Haouès. Il faut savoir que le principe de l’individualisme tel conçu par les sociétés modernes notamment la nôtre, influencée bien sûr par le mode de vie occidental, rencontre beaucoup d’objection, simplement parce que «tout individu dépend pour sa survie d’une société, donc d’un groupe envers lequel il a naturellement des devoirs : la société lui permet de vivre». «L’idéal individualiste est donc dans son principe un reniement des conditions de vie de l’individu. Ainsi les principes de nationalisme, voire dans certains cas de démocratie (l’individu doit se plier à la volonté de la majorité». Il reste à dire que que l’individualisme peut, si il est mal interprété et donc mal utilisé, produire une crise sociale puisqu’il augmentera les incivilités, puisque chacun fera sa propre loi, une crise de l’action collective puisque l’individualisme n’est pas un simple isolement ou ne relève pas que de l’intérêt individuel, il est aussi le moteur de mouvements sociaux, quand chaque unité donne au groupe une idée. Il est important aussi de signaler que l’individualisme «occidental» a créé aujourd’hui ce qu’on appelle «la crise de l’être moderne», où il est constaté «la montée du stress, des troubles psychologiques, de la dépression». Parce que «l’individu gagne en liberté mais il perd en solidité et en certitude ; sa responsabilité dans la construction de sa vie le rend fragile et inquiet». L’être humain est sociable de nature et comme a dit Rousseau : « Personne ne doit rien à quiconque prétend ne rien devoir à personne ». Ainsi, rompre avec l’autre peut simplement mener à ce qu’on soit abandonné le jour où on fera face aux aléas de la vie, maladie, difficultés financières et on aura besoin de cet autre qui aura appris la leçon et nous ne tendra jamais la main.