Le Midi Libre - Société - Entre marginalisation et médiocrité
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Edition du 18 Janvier 2011



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Littérature pour enfants en Algérie
Entre marginalisation et médiocrité
17 Janvier 2011

La littérature pour enfants en Algérie en est à ses premiers balbutiements et peine à mûrir, en raison de diverses entraves qui la dévient de sa véritable vocation: écrire pour l’enfant avant d’écrire sur l’enfant. Si la littérature pour enfants, aussi complexe soit-elle, a réussi à sortir de l’état de marginalisation, elle n’arrive toujours pas à atteindre l’âge de maturité en Algérie, alors que dans d’autres pays, elle est à son apogée, estiment des éditeurs et des auteurs spécialisés. A ce propos, Mustapha Madhi, directeur des éditions Casbah a affirmé que l’écriture littéraire pour enfant "n’est pas développée" dans le monde arabe, notamment en Algérie. Elle est "quasi-inexistante", car nécessitant "des compétences et des écrivains qualifiés", a-t-il estimé, soulignant que la majorité des écrivains de ce genre littéraire "ne sont pas spécialisés", au moment où le livre pour enfants est considéré comme une industrie à part entière dans les pays développés. Ce genre de littérature doit répondre à des critères spécifiques à même de développer l’amour de la lecture chez l’enfant, ce qui fait défaut dans le livre algérien pour enfant, a rappelé M. Madhi. Le facteur de l’attrait, essentiel pour l’ancrage de la culture de la lecture chez l’enfant, manque incontestablement dans une grande partie des livres destinés à l’enfant en Algérie, a de son côté souligné Firas El-Djahmani, responsable des éditions Atfalouna(nos enfants). Certes, "il y a une riche production de livres pour enfants", mais celle-ci "est en deçà du niveau de la littérature pour enfants des points de vue cognitif et perceptif", a-t-il affirmé, reprochant à ces écrivains le fait de ne pas tenir compte des caractéristiques géographiques, étant donné que livres pour enfants vendus aux nord sont les mêmes vendus au sud du pays.

"Une noble mission avant d’être une transaction lucrative"
La littérature pour enfants est "une noble mission avant d’être une transaction commerciale lucrative", ont déclaré plusieurs libraires interrogés par l’APS, précisant que l’enfant ressemble à une page blanche sur laquelle les différentes idées peuvent être inscrites et sauvegardées dans sa mémoire et contribuer indirectement à la formation de sa personnalité. Cependant, les avis des parents divergent sur la réalité du livre pour enfants en Algérie mais ils s’accordent tous à dire que "les prix" des livres demeurent "un frein" et les incitent à se tourner vers les CD, moins coûteux. Ils ont souligné la nécessité d’habituer l’enfant à la lecture dès son tendre âge pour développer son imaginaire, à travers les images contenues dans le livre et que le CD ne peut égaler, appelant les écrivains à tenir compte des aspects socioculturels de l’enfant algérien lors de l’écriture, d’autant que le livre joue le rôle d’"éducateur" aux côtés du maître d’école et de la famille. Ils ont imputé la responsabilité du recul de la lecture infantile à la famille qui a négligé cette importante activité, à la faveur de la généralisation de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication et des CD interactifs qui ont détrôné les livres. Des écrivains spécialisés dans le livre pour enfants ont reconnu faire face à plusieurs entraves en matière de publication de leurs ouvrages, contrairement à d’autres styles littéraires. Le livre pour enfants est "très coûteux", estiment certains éditeurs, par rapport aux autres publications destinées aux adultes, en raison des illustrations nécessitant la maîtrise des techniques et des couleurs, ce qui a mené à la marginalisation des écrivains de livres pour enfants dont le nombre s’amenuise de jour en jour. M. El-Djahmani a estimé nécessaire de comprendre l’éditeur qui cherche à préserver ses intérêts avant tout, d’autant que les libraires sont ses principaux clients, précisant que l’éditeur "est un investisseur dans le domaine de la culture" et a le droit d’investir dans les publications très prisées sur le marché. Il a mis l’accent sur "l’absence d’une institution spécialisée dans la distribution des livres" notamment pour enfants. L’écrivain et journaliste Tahar Yahiaoui, responsable des Editions El Awtan a estimé que la littérature enfantine en Algérie est encore "anarchique et n’a aucune base scientifique", un avis partagé par M. Madhi qui affirme que les éditions Casbah procèdent actuellement à l’achat des droits de traduction auprès des maisons d’édition étrangères. Les livres traduits sont sociologiquement adaptés à la réalité culturelle algérienne, a-t-il précisé. Le directeur adjoint du livre au ministère de la Culture, Yasser Arafat refuse, quant à lui, le terme "anarchique" soulignant que la littérature pour enfants dans notre pays n’est pas aussi développée que la littérature pour adultes. Elle est débutante et évolue lentement, selon lui. L’orateur a précisé en outre que "le ministère n’impose aucune censure aux maisons d’édition en matière de livres pour enfants", affirmant que l’éditeur "est le premier responsable" de ses publications et le lecteur "en est le seul juge". M. Madhi a indiqué que les éditions Casbah pratiquaient une "véritable censure" et n’autorisaient pas la publication d’"ouvrages obscurantistes ou qui incitent à la violence" ou encore des livres dévalorisant la femme et l’enfant ou portant atteinte aux symboles nationaux. M. Yahiaoui a soutenu de son côté que "nous sommes à l’ère de l’ouverture et de la liberté d’écrire et d’édition et il est difficile de contrôler tout ce qui est proposé dans les librairies" notamment avec la quantité innombrable de livres dont la plupart ne sont pas utiles. Par conséquent, affirme l’éditeur, il est important d’avoir des études spécialisées définissant les critères psychologiques et sociologiques de l’enfant et permettant d’aboutir à un produit intellectuel efficace. Bien que les idées et les avis divergent sur la réalité de la littérature enfantine en Algérie, ils confirment toutefois que celle-ci est marginalisée tout comme l’enfant algérien tourné vers les jeux vidéos et les DVD car on n’a pas su cultiver chez lui le désir de lire.


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