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Edition du 17 Janvier 2011



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CELEBRATION DE YENNAYER
Genèse d’une tradition
12 Janvier 2011

Quelle est l’origine de cette fête que célèbrent les paysans maghrébins le 11 janvier au soir de chaque année ? Ici des éléments de réponse...

Chaque année, les paysans, les montagnards et les familles algériennes, qui ont conservé les traditions millénaires du pays, célèbrent l’avènement de Yennayer annonçant la nouvelle année. Cet événement a lieu dans la nuit du 11 au 12 janvier et il est recommandé de l’accueillir avec un plantureux repas. Chaque personne doit manger jusqu’à ne plus pouvoir tenir debout. Cette coutume tient, en fait, de ce que l’on pourrait appeler un rite propitiatoire s’appuyant certainement sur un vieil adage amazigh qui énonce: «Anda yella l’khir iguerennou» (Les richesses se multiplient là où elles se trouvent). On accueille la nouvelle année avec un simulacre d’opulence dans l’espoir que celle-ci se manifeste réellement durant l’année naissante.

L’origine de Yennayer
Nous avons sollicité de nombreuses personnes parmi celles qui ont l’habitude de célébrer cet événement et leur avons demandé si elles connaissaient l’origine de Yennayer. Les vieilles femmes n’y sont pas allées par trente-six mille chemins. La plupart se sont accordé à dire que cette fête a, de tout temps, été célébrée par les habitants restés fidèles aux souvenirs des anciens. Sans plus. Ceux plus «instruits» sont divisés en deux catégories : ceux qui voient en cette fête les vestiges d’une époque païenne et ceux qui affirment, sans la moindre hésitation, qu’il s’agit là de la commémoration d’un événement amazigh, tout en ajoutant que le 12 janvier de cette année coïncide avec le 1er jour de Yennayer de l’an 2961. A quoi correspond ce calendrier? Et pourquoi cette avance de 950 ans sur l’année grégorienne ? Là, point de réponse. S’agit-il vraiment d’un calendrier berbère? (1)
Difficile d’être affirmatif lorsqu’on sait que du point de vue phonétique, les mois de ce calendrier ressemblent beaucoup à ceux que nous avons l’habitude d’utiliser dans la vie de tous les jours, comme nous le constaterons ci-après: yennayer, fourar, maghrès, yavril, magou, younyou, youlyouz, ghocht, chtember, touber, voujamber, doujamber.
Dans cette liste, seuls deux mois sont différents phonétiquement : yennayer et ghocht. Mais il suffit de consulter un dictionnaire étymologique pour apprendre qu’ils ont une origine... latine. On apprend que janvier dérive de januarius - qui donne janvier - et ghocht de augustus qui donnera août. (2)
L’histoire de l’humanité nous apprend que le calendrier actuel «descend» d’un autre qu’il a fallu corriger en raison des erreurs qu’il comportait.
L’actuel est connu sous l’appellation de calendrier grégorien parce qu’il est l’œuvre du pape Grégoire XIII.
Auparavant, il y avait le calendrier julien, appelé ainsi parce qu’il a été l’œuvre de Jules César. Celui-ci, ayant constaté le désordre dans lequel se trouvaient les jours, les mois et les saisons, en raison de l’alignement de la mesure du temps sur les mouvements de la lune, avait fait appel à Sosigène, un astronome égyptien dispensant son savoir à Athènes. Il lui commanda un calendrier qui s’appuierait sur le soleil et mettrait un terme au décalage existant entre les mois et les saisons. Du temps de Jules César, il est arrivé qu’il fasse froid en juillet et chaud en janvier. C’est le même problème que nous rencontrons de nos jours avec le calendrier hégirien. Cette année, le mois de Ramadhan a coïncidé avec la fin de l’automne et le début de l’hiver, alors qu’il y a une vingtaine d’années, il avait coïncidé avec l’été.
Sosigène avait divisé l’année en 365 jours et 5 heures. Pour ne pas s’encombrer de calculs fastidieux, il fut décidé de regrouper ces 5 heures tous les 4 ans et d’ajouter 1 jour au mois de février qui comportera alors 29 jours. C’est ainsi qu’a été instaurée l’année bissextile.
Pendant des années, tout fonctionna convenablement et le désordre temporel, qui avait cours lorsque le calendrier lunaire était usité, avait disparu. Mais au fil des siècles, un défaut très sérieux était apparu. Il était lié à un détail qui avait échappé à Sosigène et Jules César.
En réalité, l’année se divise en 365 jours, 5 heures et... 49 minutes. Sur des années, ces minutes sont insignifiantes, mais ont leur importance quand elles sont étalées sur des siècles. Ces désagréments ne manquèrent pas de désorienter les astronomes. C’est ainsi que l’équinoxe du printemps, que le calendrier Julien avait prévu pour le 21 mars de chaque année, était tombé un 11 mars en 1582. Il y avait un retard de 10 jours sur le temps réel. Comment faire pour réparer cette anomalie ?

La nuit du 4 au... 15 octobre
Après concertation avec ses conseillers et un certain nombre d’astronomes, le pape Grégoire XIII a décidé le rajout de 10 jours au calendrier Julien. C’est ainsi que le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 ne fut pas le 5 octobre, mais le 15.
Cette année-là, l’année n’avait eu que 355 jours. Cela avait choqué les Européens et cette réforme avait rencontré quelques résistances un peu partout dans le monde chrétien. L’année suivante, l’équinoxe de printemps tomba un 21 mars. Cette réforme valait donc la peine. C’est ainsi qu’était né le calendrier grégorien. Il y a lieu de remarquer que lorsque Jules César avait instauré son calendrier, l’Afrique du Nord était sous domination romaine.
Nos ancêtres étaient donc concernés directement par cet événement. Mais lorsque le pape Grégoire XIII l’avait réformé, nos aïeux étaient devenus musulmans et avaient leur propre calendrier.
La réforme du pape ne les avait donc pas touchés. Et ils ont continué à compter le temps suivant le calendrier de l’ancien colonisateur romain qui, faut-il le rappeler, est resté cinq siècles en Afrique du Nord.
Mais il y a un autre problème. Le calendrier julien a accusé un retard de 10 jours sur le grégorien, or aujourd’hui, ce retard est de 12 jours. D’où sont venus les deux autres jours supplémentaires ? La réponse est déroutante. Le pape Grégoire a prévu encore de retrancher 3 jours supplémentaires sur les 400 ans après sa réforme. Il avait prévu aussi que, sur les années que Jules César avait prévues d’être bissextiles (les années 1600, 1700, 1800, 1900, 2000, 2100), seules 1600 et 2000 le seraient.
A ce jour, ce réformiste «a récupéré», à titre posthume, 2 jours... ce qui fait un total de 12 jours de différence par rapport à l’année julienne. Et, précisément, le calendrier biologique de nos montagnards a comptabilisé ces deux jours. Comment ? Tout le mystère est là! Un mystère qui ne sera, peut-être, jamais résolu. Tant que les historiens algériens n’auront pas abordé l’histoire culturelle de notre pays..

Notes :
(1) En vérité, le calendrier de nos ancêtres n’a pas de date. La date qu’on lui attribue remonte à 950 avant J.-C. lorsqu’un souverain libyen SheShong Ier a fondé la 22e dynastie égyptienne. S’appuyant sur le rythme immuable des saisons, nos ancêtres n’ont jamais éprouvé le besoin de le dater.
(2) L’explication de Yennayer, très répandue depuis quelques années, et qui consiste à affirmer que Yennayer se compose de deux mots berbères (Yen = «un» et ayer = «mois») est probablement l’œuvre d’un poète trop rêveur !

Par : Nacer Mouzaoui

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