Le Midi Libre - Société - Chant et musique de chez nous
Logo midi libre
Edition du 16 Janvier 2011



Le Mi-Dit

Caricature Sidou


Archives Archives

Contactez-nous Contacts




Culture
Chant et musique de chez nous
16 Janvier 2011

Dans les pays du Maghreb, et ce, à l’instar des autres pays de la planète, le chant et la musique ont toujours accompagné les actes de la vie sociale. Qu’il s’agisse de cérémonies en l’honneur d’invités, de célébrations, d’évènements heureux ou encore de fêtes religieuses ou publiques, la musique a toujours fait partie du programme.

La musique est à l’honneur chez les riches, comme chez les démunis, chez les citadins, à la campagne et même dans les contrées les plus reculées des grandes agglomérations. Au fait, ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs ? Le regretté El Boudali Safir qui fut non seulement un intellectuel de talent, mais aussi un amoureux de la musique avait dit un jour : « La musique est associée à la vie de chacun de nous, comme un besoin, un adjuvant du plaisir ou encore comme un baume sur les cœurs pleins de souffrance ». Les études réalisées dans le passé par des historiens ou encore par des musicologues ont toutes souligné que malgré les différentes péripéties que les arabes en général et les habitants du Maghreb en particulier ont connues, leur musique a pu être préservée et, par un phénomène de cristallisation, elle est restée en eux sauvée de toute altération telle qu’ils l’ont pieusement reçue des siècles auparavant d’Abderahmane ou de Haroun Errachid. Certains estiment que la musique pousse les soldats à braver l’ennemi, augmente l’activité et encourage les travailleurs dans leurs pénibles labeurs, elle dissipe les effets de la colère et fait naîre au cœur des hommes le désir de la vie sociale et la tendance à la fraternité. C’est ainsi que des auteurs soulignent que dans le passé, deux hommes séparés depuis longtemps par une haine et une jalousie irréductible, se sont retrouvés dans un café ou chaque soir la musique agrémente le lieu. A leur regard chargé de colère les deux hommes étaient prêts à se jeter l’un sur l’autre, mais la présence d’un musicien qui connaissait leur discorde, et craignant que la réunion ne soit troublée par une rixe s’est mis à jouer un air préféré par les deux antagonistes. D’ailleurs, de cette initiative naquit l’amitié entre eux, ce qui n’a pu les empêcher d’aller l’un vers l’autre pour s’embrasser comme de vieux amis qui n’avaient cessé de s’aimer.

La musique adoucit les mœurs
Dans «Frères sincères» de Mohamed Derouiche on relève que la musique est très apte à exciter la colère, comme elle peut attendrir les relations. Plus loin on peut lire également: « le chant sert tout, il est même usité dans les lieux de prière ». On dit même que la musique et le chant ont pour effet d’attendrir les cœurs, de subjuguer l’âme et de la remplir de respect. D’autres auteurs affirment, de leur côté, que le chant a été la cause d’une guerre durant  deux années entre deux tribus. Il est une autre légende qui tend à prouver que la musique a les pouvoirs les plus actifs et les plus divers sur l’âme humaine. Dans ce même ordre d’idées, une légende est adaptée selon les pays, mais qui en fait concernerait le célèbre El Farabi qui avait appris la musique dans une des écoles fondées en Andalousie par les Califes de Cordoue et dont la renommée du musicien s’est portée jusqu’en Asie. Ayant été informé de cette réputation, le sultan Fakr-Edoula lui adressa plusieurs fois des messagers porteurs de présents et chargés de l’inviter à se produire dans son palais. Tout en acceptant ces invitations, il craignait qu’une fois là bas, il ne serait pas autorisé à réintégrer sa patrie ce qui d’ailleurs le fit longtemps résister aux offres du souverain. Puis un jour, vaincu par les insistances et les prodigalités, il prend son courage à deux mains et se présenta incognito au palais. Vétu pauvrement, portant un instrument de musique à la main, sa présence intrigua quelque peu le garde qui a longtemps hésité avant de le laisser entrer. Une fois dans une salle du palais, il se trouva en présence d’un concert qui se déroulait devant le sultan et ses nombreux invités. Tout en préservant son anonymat le plus complet, il prit place aux côtés d’autres musiciens et chanteurs sans que personne ne se doute de sa célébrité. Une fois son tour arriva, il interpréta un mode qui suscita un accès de fou rire difficile à réprimer en dépit de la présence du souverain. Mais, aussitôt après, il changea de rythme ce qui permit à la tristesse, aux gémissements et aux pleurs de succéder au rire puis avant de plonger l’auditoire dans la querelle, il opta pour un rythme particulier qui calma tout le palais avant de s’éclipser satisfait des merveilleux effets de sa musique.

Une influence sur le corps
et l’esprit
On constate ainsi que la musique a une influence reconnue sur le psychisme et son pouvoir s’étend même au corps et à la santé. On se rappelle que vers la fin des années 50, l’arrivée du Dr. Frantz Fanon à l’hôpital psychiatrique de Blida a permis un changement complet des habitudes et aussi des moyens thérapeutiques. Fanon révolutionnaire de son état a voulu éliminer cette vision de prison qui caractérisait cet hôpital qui accueillait des malades de différents pays du continent. L’un de ses jeunes collaborateurs, en l’occurrence Dahmane Mokhtar se rappelle plusieurs années après de l’ambiance que Fanon avait créée non seulement au niveau de son service, mais à travers tout l’hôpital. « Il avait en effet introduit un état d’esprit nouveau dans son service qui regroupait trois pavillons pour hommes et un pavillon pour femmes », dira t-il avant de préciser que sa technique était l’application de l’ergothérapie en tant que soins pour ses pensionnaires. Il faut souligner que non seulement ses responsables n’acceptaient pas cette nouvelle technique, mais aussi certains de ses collègues le prenaient pour un malade. Cependant, chaque jour ses collaborateurs, tels Makhlouf Longo et Charef Abdelkader qui furent pour lui de véritables amis, relevaient des satisfactions. Au vu des résultats qui commençaient à faire tache d’huile, les malades des autres services ont demandé l’introduction de cette donne qui consistait à libérer les malades de leurs chaînes tout en leur permettant de s’initier à leurs hobbys préférés et, à découvrir leur personnalité, aspect qui l’incita à lancer des activités culturelles. C’est là qu’il fera appel à Abderrahmane Azziz qui travaillait au cachet à Radio Alger et lui proposa d’intégrer l’équipe. Une fois installé, Abderrahmane Azziz s’entoura de musiciens, de chanteurs et plus tard de poètes, d’hommes de théâtre et même d’artistes peintres avec pour seul objectif de tester le comportement de chaque malade.
D’ailleurs, cette technique médicale fut en effet bénéfique pour de nombreux malades dont bon nombre ont pu être reconnus socialement. Il faut souligner que cette méthode est toujours appliquée au niveau de cet hôpital, qui porte le nom de Frantz Fanon. Il est dit que la musique satisfait l’ouie, impose à l’âme l’enthousiasme et réjouit le cœur. Elle est la compagne du solitaire et l’aliment du cavalier et, tout cela grâce aux magnifiques effets que peut produire chez les hommes et même chez les femmes une chanson interprétée par une voix mélodieuse.

Une action bénéfique
sur le développement des peuples
Sur ce même propos, on rapporte qu’à la fin du XVIIIe siècle, une personnalité tunisienne du nom d’Ahmed Brehmat, qui visitait un hôpital de son pays, avait demandé si on arrivait à rendre la raison aux malades. L’interne de service lui répondit que les guérisons seraient nombreuses si l’on pouvait leur faire un peu de musique comme autrefois. A l’appui de cette opinion on lui montra le testament de la dame Baya Athamna, décédée deux siècles plus tôt qui avait légué une somme importante afin qu’on fasse de la musique une fois par semaine aux malades de l’hôpital. Au Maghreb, la musique, surtout celle ayant un cachet religieux, a échappé aux influences étrangères qui ont marqué le temps. La plupart des écrits de l’époque ancienne soulignent sa constance et ses origines pour lesquelles elle est restée plus près  et plus semblable à elle même, par le fait qu’elle a préservé l’art qui touche à sa foi. Elle est restée surtout vocale, bien que des retouches lui ont été apportées tout au long du dernier siècle. Dans ces mêmes études on trouve dans ce Maghreb une musique au sens simpliste certes, mais diversifié. Dans chaque mosquée, le chant religieux (med’h ) transmis de père en fils a été préservé de toute atteinte et surtout de la trahison des interprètes. A l’instar de la langue du coran, le med’h a bénéficié d’un puritanisme rigoureux. Si le style architectural des mosquées a connu des aménagements dans la coupole d’abord, puis dans les colonnes qui ont été reliées à des arceaux élégants et à des minarets qui se dressent vers le ciel, adoptées sur l’imagination des Califes de Baghdad et de Damas ou à celles des sultans ayant survécus aux différentes conquêtes, la prière, par contre, est restée immuable. Il est donc logique et naturel que le chant religieux associé à la prière soit préservés comme elle des atteintes du temps. Aux dires de quelques historiens de l’époque ancienne, une certaine tolérance permettant au chant de la poésie religieuse sur des airs empruntés à la musique profane a été remarquée dans les maisons de Dieu. Ceux là même affirment que cette tolérance remonte à l’époque andalouse où les imams avaient cru nécessaire et utile d’attirer les fidèles dans les mosquées en autorisant le chant qui dehors avait atteint l’apogée de sa floraison sous la forme du med’h. Le chant et la musique ont servi le développement intellectuel des peuples et nous estimons que ce parallélisme demeure encore assez évident pour avoir créé dans le Monde arabe et au Maghreb en particulier des arts musicaux différents d’une région à une autre.

Par : M. Hichem

L'édition du jour
en PDF
Le Journal en PDF
Archives PDF

El Djadel en PDF
El-Djadel en PDF

Copyright © 2007 Midilibre. All rights reserved.Archives
Conception et réalisation Alstel