De plus en plus nombreux sont ces Algériens qui y trouvent refuge pour parler de leurs soucis, leurs problèmes et simplement leurs vies. Chauffeurs de taxi ou usagers, ils partagent tous cette envie de communiquer.
Qui parmi nous n’a jamais été contraint de suivre les détails de la vie d’une personne - qu’il ne connait ni d’Eve ni d’Adam -, dans un bus, train, ou encore taxi ? Tous j’imagine... Les moyens de transport, surtout les taxis, sont devenus des lieux d’expression, de communication et même de rencontres. De plus en plus nombreux sont ces Algériens qui y trouvent refuge pour parler de leurs soucis, leurs problèmes et simplement leurs vies.
Chauffeurs de taxi ou usagers, ils partagent tous cette envie de communiquer. Partager des histoires du quotidien ou entrer même dans des détails très personnels est une manie dont un grand nombre de personnes n’arrive pas à se débarrasser. « Personnellement, j’ai entendu et même partager les soucis de très nombreuses personnes dans les différents moyens de transport. Amour, déception, politique, cherté de vie, et surtout critique des autres !!», nous dira un jeune homme. Il faut dire que cela soit un long trajet ou une plus petite distance, les passagers ou les chauffeurs de taxi trouvent toujours quelque chose à dire.
Ça commence généralement par des remarques banales à propos de la circulation, un événement particulier, les accidents de la route, etc., et ça démarre, une discussion sans fin jusqu’à entrer dans les détails de la vie personnelle. Très souvent, ces personnes veulent juste impressionner, exposer leur soi-disant savoir devant les autres et c’est d’ailleurs pour cela qu’ils cherchent à entamer une discussion à la moindre occasion qui se présente. D’autres par contre osent parler de leurs vies et de leurs problèmes juste parce que les autres passagers ne les connaissent pas.
Le besoin de vider le trop plein
On exprime donc une incroyable volonté d’extérioriser ses soucis devant des inconnus. « Des inconnus qui n’auraient pas à les juger plus tard ou avoir une mauvaise idée sur eux, tout simplement parce que ce sont des gens qu’ils ne risquent pas de revoir un autre jour », nous a expliqué M. Maâmmeri, psychologue qui explique : « L’Algérien, et particulièrement le citadin vit dans un milieu bruyant, plein de soucis et de problèmes de tous les jours, mais en contre partie la communication est hélas très faible au sein de la famille algérienne étant le première entité de la société.
Et encore à l’ère des nouvelles technologies, les canaux de communication verbale deviennent très restreints entre les membre d’une même familles, entre les amis et entre les proches, ce qui développe un isolement intellectuel puisque le besoin de communication se base sur l’expression d’un savoir, d’une émotion, d’une information et surtout le partage. La communication, dans le sens humain de langage, est la mise en commun du sens entre plusieurs sujets, de telle manière que s’effectue entre eux un partage sous la condition réalisée d’une compréhension mutuelle, dont la réciprocité ne fait jamais défaut. Communiquer est bien plus qu’informer. S’informer veut dire acquérir un savoir, l’information est reçue et elle est plus ou moins bien comprise et assimilée.
La communication suppose non seulement le fait de transmettre une information, mais encore de l’avoir si bien intégrée, que nous devenons capables de la commenter, de la discuter et de retourner à un interlocuteur un avis intelligent. La communication donne lieu à un échange vivant de point de vue. Tant que la communication est là, chacun tire de l’échange un enrichissement intellectuel, puisqu’il peut accéder à un point de vue différent du sien, susceptible de l’étendre et de le compléter. Non seulement cela, mais la communication n’est pas seulement un processus intellectuel.
Elle est aussi et avant tout une relation affective. La communication suppose une unité. En communiquant, nous ne faisons pas que partager des idées, nous partageons aussi des émotions et des sentiments, nous partageons une commune présence».
Juste pour se sentir important
Tout cela, l’Algérien ne le trouve hélas et souvent qu’au milieu de gens qu’il ne connait pas puisque dans le cas contraire, il sera probablement ridiculisé ou tout simplement ignoré. Mais le problème est aggravé avec ces perssonnes qui parlent sans arrêt, racontent leurs vie partout et à la moindre occasion qui se présente juste pour se sentir vivant, attirant, important, aimé (surtout pour les femmes) ou tout simplement pour se sentir vivant.
Le problème est que l’Algérien aujourd’hui retire beaucoup de plaisir à parler et à partager ses pensées et ses émotions, notamment dans les moyens de transport, non pas pour résoudre un problème, mais tout simplement pour être en relation. « Parfois on est fatigué après une longue journée de labeur et l’on aspire au repos et au silence. Subir le bavardage de ce genre de personnes - que ça soit chauffeur de taxi ou client-, cela me rend tout simplement malade », nous dit une jeune femme.
Il reste à déterminer et comprendre si ce phénomène, qui ne cesse de prendre de grandes proportions, relève vraiment d’une révolte contre l’ostracisme frappant ces personnes muselées par une société ployant sous les tabous et les traditions ou simplement une manie entrée dans nos mœurs d’aujourd’hui.
C. K.