Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a décidé, vendredi 31 décembre, de ne pas extrader vers l’Italie l’ex-militant d’extrême gauche Cesare Battisti, réclamé pour meurtres et emprisonné au Brésil depuis 2007.
L’Italie a néanmoins réagi au quart de tour : le président du conseil Silvio Berlusconi s’est engagé à poursuivre la "bataille" pour l’extradition. Quant au ministre de la Défense, Ignazio La Ruzza, il a jugé "injuste et gravement offensante" la décision du président brésilien. Le pays "tentera absolument tout" pour obtenir l’extradition de Cesare Battisti, a-t-il affirmé. L’Italie a également annoncé qu’elle rappelait pour consultation son ambassadeur au Brésil. La grande majorité des partis politiques, aussi bien de la droite au pouvoir que de l’opposition de gauche, ont fustigé la décision de Lula. Du côté des familles des victimes des quatre meurtres pour lesquels Battisti a été condamné en Italie par contumace à la prison à perpétuité, la déception et la colère étaient patentes.
"Sagesse du président Lula"
En France, au contraire, les réactions positives affluent. Un avocat français de l’ex-militant a salué pour sa part "la très belle décision" du président brésilien Lula. "Je me réjouis de la sagesse du président Lula", écrit de son côté Bernard-Henri Lévy. "C’est la décision d’un homme qui a pris le temps de se plonger dans le dossier, de vérifier ses nombreuses irrégularités et de prendre la mesure de sa dimension exagérément passionnelle".
Refus d’extradition ne signifie pas sortie de prison
Ancien membre du groupuscule des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), Cesare Battisti, 56 ans, avait été condamné par contumace en Italie, en 1993, pour avoir commis ou préparé quatre homicides en 1978 et 1979, crimes dont il s’est toujours proclamé innocent. Mais la décision prise par Lula, qui devait passer le relais hier à Dilma Rousseff, ne signifie pas pour autant une sortie immédiate de prison de Battisti. La Cour suprême doit en effet vérifier que le refus d’extrader l’ancien militant est bien conforme au traité d’extradition entre les deux pays.
L’asile politique, tradition brésilienne
L’octroi de l’asile politique est une tradition bien ancrée au Brésil, qui a accueilli des dictateurs latino-américains, des guérilleros d’extrême gauche ainsi que des sportifs et des musiciens ayant fui Cuba. Le Brésil avait d’ailleurs déjà accueilli, à la fin des années 1970, d’autres activistes italiens des "années de plomb" comme Pietro Mancini et Luciano Pessina.
La Constitution brésilienne octroie l’asile et empêche l’extradition d’étrangers pour des délits politiques ou d’opinion, sans distinction idéologique. Le cas récent le plus polémique fut celui du Colombien Francisco Antonio Cadena Collazos, surnommé "le curé Camilo", considéré comme le contact de la guérilla marxiste des FARC au Brésil et qui a obtenu l’asile en 2006. La Colombie l’a accusé d’assassinats et d’enlèvements. Le Portugais Marcelo Caetano, successeur du dictateur Antonio Salazar, s’est réfugié au Brésil après la "révolution des œillets" de 1974. L’ancien président du Conseil français Georges Bidault, activiste de l’Algérie française, a aussi trouvé refuge au Brésil de 1963 à 1967.