Le Midi Libre - Culture - Un dramaturge au long cours
Logo midi libre
Edition du 25 Septembre 2010



Le Mi-Dit

Caricature Sidou


Archives Archives

Contactez-nous Contacts




Abdelkader Alloula
Un dramaturge au long cours
25 Septembre 2010

Ce dramaturge au long cours, dont la scolarité n’est pas allée au-delà des études secondaires qu’il fit à Oran, a commencé sa carrière en 1956. Mais il fait partie de cette race d’hommes capables par autodidactisme de se hisser à la hauteur des plus grands théoriciens.

D’un père gendarme et d’une mère au foyer, Abdelkader Alloula est né le 8 juillet 1939 à Ghazaouet dans la wilaya d’Aïn Témouchent. Il est mort à Oran en 1994 assassiné par un groupe terroriste. Ses agresseurs l’attendaient à la sortie de son domicile. Il s’apprêtait à se rendre au siège du théâtre régional d’Oran où il devait parler du théâtre autour d’une table ronde. Evacué d’urgence à l’hôpital du Val de Grâce à Paris, il succomba à ses blessures le 14 mars. Alloula a interprété des rôles dans quelques films algériens. Mais son nom est demeuré associé au théâtre algérien auquel il dut imprimer du reste une empreinte durable et profonde. Ce dramaturge au long cours, dont la scolarité n’est pas allée au-delà des études secondaires qu’il fit à Oran, a commencé sa carrière en 1956. Mais il fait partie de cette race d’hommes capables par autodidactisme de se hisser à la hauteur des plus grands théoriciens. Alloula a parfait sa formation sur le tas en suivant des stages de recyclage et des séminaires. Il est aux côtés de Kateb Yacine, Mustapha Kateb, Ould Abderrahmane Kaki, Allel el Mouhib, Hadj Omar et Slimane Benaissa, l’une des rares personnalités du 4e art à posséder la maitrise des techniques théâtrales. Si un Rachid Ksentini ou un Sellali Ali dit Allalou, (c’est-à-dire les aînés), furent en leur temps très populaires, ils étaient toutefois loin d’égaler ces metteurs en scène - qui durent prendre la relève - sur le plan du savoir académique. Il faut revenir aux conditions d’émergence du théâtre algérien pour pouvoir apprécier le travail d’Alloula. Le théâtre étant apparu avec la colonisation, les formes de théâtralité dont il était porteur ne convenaient pas aux Algériens. Donc il y eu le travail des précurseurs qui d’abord ont déblayé le terrain : Mahieddine Bachtarzi, Rachid Ksentini, Allalou. Ce dernier avait défrayé la chronique en montant en 1926 à Alger sa pièce « Djeha », l’héros facétieux d’un célèbre conte populaire. Le ton avait été donc donné. Il fallait trouver le moyen afin de se rapprocher du public algérien le plus large possible. Le théâtre algérien qui allait émerger a bâti sa légitimité en s’appropriant le théâtre égyptien perçu à l’époque comme musulman et anti-colonialiste, (et dont quelques unes des pièces ont été jouées à Alger). Mais le théâtre naissant buta tôt sur la question de la langue à utiliser. Seul le terrain allait trancher. Grâce au succès immense qu’il rencontra auprès du public, l’arabe populaire s’imposa très vite comme la langue privilégiée du théâtre algérien. Plus tard des metteurs en scène comme Kateb Yacine et Alloula en formalisèrent le contenu. Il s’est agi pour ce dernier d’intégrer au théâtre les formes artistiques populaires qui vont au-delà de l’introduction de la simple langue dialectale. Loin d’être un « retour aux sources », cette innovation scénique visait en fait à produire un nouveau discours théâtral à la construction duquel les spectateurs auront un très grand rôle à jouer. Très proche des gens humbles, étant lui-même, selon des témoignages, d’une modestie incroyable, Alloula avait très tôt compris qu’il ne pouvait réussir dans son rôle de dramaturge s’il ne peut faire parvenir le message au peuple. Le déclic se produisit en 1972 dans un village peuplé de paysans dans l’Ouest algérien. Alloula dut monter sa pièce El-Meïda (La table basse) (nom également du village) mais pendant qu’on jouait, le public avait entouré le plateau, ce qui a eu pour effet d’inciter les machinistes et les comédiens à éliminer, au fur et à mesure que le spectacle avançait, des éléments du décor. C’en était assez pour déduire que les pièces conventionnelles à l’italienne étaient incompatibles en milieu algérien. De là émergea l’idée de la halqa (cercle) et du gouwal (conteur) qu’on va retrouver dans les pièces comme Homk Salim adapté du Journal d’un fou de Gogol en 1972, Legoual (les dits), 1980, Ledjouad (Les généreux), 1985 et Litham (voile), 1989. Ce recours à la culture orale révolutionne la narration dramatique qui, en incluant la mythologie populaire, change complètement le rapport à l’espace et aux spectateurs. Pour autant, toutes les pièces qu’on vient de citer intègrent la technique brechtienne fondée sur la participation collective des comédiens. L’originalité d’Alloula est d’avoir justement fait cohabiter la tradition avec la technique moderne empruntée à Brecht. De ce fait il incarne le courant théâtral qu’on peut qualifier de militant.
L.G.

Par : LARBI GRAÏNE

L'édition du jour
en PDF
Le Journal en PDF
Archives PDF

El Djadel en PDF
El-Djadel en PDF

Copyright © 2007 Midilibre. All rights reserved.Archives
Conception et réalisation Alstel