La surprise est de taille ! Dans son dernier album « Houria » (liberté), quatrième qui sortira fin septembre, Souad Massi fait chanter Francis Cabrel en arabe.
En effet dans son dernier album, un opus où elle partage un duo avec l’auteur de « la Cabane au fond du jardin » l’unit à lui dans une interprétation bilingue où elle l’accompagne dans la langue de Molière et lui dans le bon arabe algérien dans une co-écriture et une musique de ce dernier. « Nous sommes pour l’amour et la paix » égrène-t-il au plaisir des fans de Souad qui, elle, excelle, comme à l’accoutumée, dans la guitare sèche.
Tracy Chapman kabyle ou Joan Baez algérienne, les comparaisons ne manquent pas. Simple, d’une modestie déconcertante, guitare au cou, a capella ou acoustique, à l’aise dans sa langue maternelle, le kabyle, l’arabe comme le français et l’anglais, avec ou sans Cabrel, Souad Mass, étonne, subjugue, laisse pantois le plus averti des mélomanes.
Souad Massi est née le 23 août 1972 dans l’Algérois, à Bab El Oued, à Saint-Eugène plus précisément. Elle grandit dans une famille humble, son père était fonctionnaire, ce qui lui assurait une pitance décente, mais aussi mélomane à ses temps retrouvés, aimant plutôt du chaabi, alors que sa mère préférait la chanson à texte de Brel et de Brassens, ses frères et ses oncles appréciaient le jazz. On peut dire que la petite Souad a vécu son enfance baignée dans une ambiance musicale.
Et c’est avec l’un des maîtres émérites du chaâbi, El Hachemi Guerrouabi en l’occurrence, qu’elle goûta à la saveur du miel. Goût qui lui resta à jamais sur le bout de la langue. Elle s’inscrit à l’association de l’Ecole des beaux-arts d’Alger pour y apprendre la guitare ; ce fut là son premier pas initiatique dans l’apprentissage sérieux et rigoureux de la musique. Durant trois ans, elle s’intéressa autant au classique qu’à l’arabo-andalou. Elle en sortit avec une maitrise impeccable du solfège et une rigueur dans ses compositions. Le rock vint et accompagna sa rébellion de jeunesse et c’est en défiante qu’elle entra dans la World-Music, réfractaire à l’ordre établi. En garçon et avec les garçons, guitare au poing, elle taquina les musiques du monde. Emancipée, précoce, à la page ou à la marge ?
Du haut de ses 18 ans, elle commença à égayer un public sous le charme, de scène en scène, grattant les cordes d’une guitare sèche comme le faisait admirablement Tracy Chapman. Parallèlement, elle fit un bout de chemin avec le groupe Triana d’Alger, mais elle se retrouva prise dans la déferlante des années noires où tout espoir est anéanti, où parler de l’art relevait de l’hérésie, les salles se raréfiant et chaque prestation devant le public étant un défi contre l’obscurantisme. La quasi inactivité qui en résulta fut exploitée à bon escient. Encouragée par sa mère, dans ces moments de déprime et d’indécision, elle s’intéressa aux études, obtint son bac et décrocha un emploi, ce qui lui permis de se sédentariser un peu et reprendre ses compositions musicales.
Elle ne tarda pas à être prise dans le groupe Atakor pour lequel elle devint vite la guitariste attitrée. Se retrouvant dans son élément, elle s’appropria le rock, la pop et investit les festivals de tous genres. Avec son groupe elle signa sa première cassette, en 97, qui remporta un franc succès. Le groupe fut certainement pour elle une passerelle qui la ramena à son amour d’enfance : la country, toujours la country-music.
Au dilemme du choix entre son job et sa musique, elle trancha pour son violon d’Ingres, sa raison de vivre. Aussi, sans perdre le temps, elle sortit sa première cassette, à elle seule, dans son style, de sa voix, en 1998. Parolière, interprète et compositrice de ses mélodies, Souad subjugua les amateurs de Joan Baez, nostalgiques des années 70. Souad sut admirablement incarner la diva de la Protest-Song. Son avenir s’est dessiné en janvier 1999, alors qu’elle participait à un festival à Paris où le patron d’Universal la remarqua et lui fit signer son premier album, conçu dans les normes internationales. Deux années plus tard, elle enregistra sous la houlette du producteur Bob Coke, "Raoui" (Le conteur), produit d’une saveur aigre-douce où se sont mélangées les complaintes d’une Algérie meurtrie et une France célébrant en fanfare la fête de la musique.
Elle se retrouva ensuite avec Idir, Saez, l’Orchestre national de Barbès, Geoffrey Oryema, enchaînant concert sur concert passant par la Cigale, clôturant salle comble à la mythique salle Olympia. Son succès fut couronné par le prix de la Chanson étrangère décerné par l’Académie Charles Cros, ainsi que le Prix du Haut Conseil de la francophonie, pour son album "Raoui".
Elle poursuivit avec des duos en compagnie d’artistes de renommée tels que Marc Lavoine, Ismaël Lô, Bernard Lavilliers. Puis enfin Florent Pagny dans « Savoir aimer »
En mars 2003 sortit son deuxième album qui la consacra dans le monde, et dès lors, elle prit d’assaut les pays. Après la France, la Belgique la Suisse, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal, elle se rendit au Cameroun, au Soudan, en Hongrie, en Pologne, en Espagne, au Canada ainsi qu’aux Etats-Unis, jusqu’à la nouvelle Zélande et l’Australie.
Son troisième album, « Mesk ellil » fut un chef d’œuvre de sensibilité. Elle y revisita son enfance, sa famille, mariant sa chaude voix à celle de Daby Touré, Manu Katché et Pascal Danae.