Parler de soirées familiales à Sétif serait soulever le problème de la perpétuité de la tradition ancestrale dictée par le pouvoir de l’homme, car traditionnellement, les veillées nocturnes relevaient du domaine de l’homme dans les zones rurales, un espace réservé exclusivement à la population autochtone alors que la ville coloniale, pour le cas de la ville de Sétif, était préservée, tout autour, par la muraille byzantine, et offrait des spécificités calquées du modèle de la métropole au lendemain de l’Indépendance avec toutes les habitudes propres à la société occidentale. Et tous les réflexes et habitudes hérités allaient transposer la même image faite, notamment, d’invitations aux salles de cinéma, au théâtre municipal et aux ballades nocturnes familiales. Certains témoignages racontent que les sorties en famille tendaient à l’époque de consacrer le statut de la femme, rehaussé, en l’occurrence, par son rôle positif durant la guerre de Libération aux côtés de l’homme. Sétif constituait l’exemple parfait de ville au vu du nombre de ses salles de cinéma, de salles de fêtes, du rôle du théâtre municipal, des terrasses de cafés, du club de pétanque ainsi qu’au vu de l’harmonie de la population citadine qui s’exprimait à travers son comportement avec l’espace urbain. La balade du jardin d’Orléans ou encore celle de la route de Constantine illustrait parfaitement la culture citadine du Sétifois.
Mais à présent, il semble que c’est ce rétrécissement de cet espace qui témoigne de la décadence des valeurs citadines sous le poids de l’exode rural en premier lieu. En sus de la disparition des espaces socioculturels, quatre salles de cinéma, terrasses des café de France, de la Potinière, du Progrès, le Nadi Ferhat-Abbas, c’est toute la ville de Sétif qui accuse le coup du bouleversement du centre urbain transformé illégitimement en aménagements commerciaux confus, loin de traduire les préoccupations du citadin imprégnées de ses modes d’expression tant artistiques que culturels ou sociaux. Les quelques témoignages tiennent à souligner désespérément que le citadin ne se reconnaît plus dans sa ville.
Le centre-ville n’offre plus à présent de lieu d’harmonie et de plaisir à sa population, notamment le soir. Et, c’est la période estivale du mois de Ramadhan qui le confirme encore une fois. Seulement, c’est l’engouement autour des magasins pour enfants à l‘approche de l’Aïd qui mérite d’être cité pour signaler les sorties familiales.
Cependant, ceci ne diminue en rien du potentiel touristique de la ville de Sétif en direction des familles de l’intérieur du pays et ceux des régions limitrophes. La clémence de la météo à Sétif aidant, l’engouement familial est perceptible autour du point culminant de la ville, Aïn Fouara ou un peu plus loin le parc d’attraction, étalé sur 12 hectares lors de ces soirées du mois de Ramadhan. Le mouvement donne lieu à la métamorphose des réflexes de la population, car en même temps, les horaires de fermeture de quelques commerces ont subi des aménagements conjoncturels perceptibles en contribuant aux plaisirs des sorties nocturnes, mais où les espaces de détente au centre-ville manquent cruellement. C’est ainsi que l’engouement des voitures et l’encombrement de la circulation au cœur de la ville de Sétif sont visibles autour des distributeurs de glace.