Depuis le début du Ramadhan, de longs cortèges de voitures, transportant adultes et enfants, se dirigent, dès la fin de la prière du Dohr, vers la source de Aïn Bergougaya, située dans la commune frontalière d’El-Aioun, dans la wilaya d’El-Tarf.
Tous les citoyens qui s’y réfugient pendant de longs moments, venus en particulier des communes d’El-Kala, de Souarakh et du chef-lieu de wilaya, distant de 40 km environ, aiment à se rafraîchir dans cette source coulant à flots en bordure de la RN 44, et se reposer à l’ombre d’une aulnaie mitoyenne.
Des adultes, des jeunes gens, des personnes âgées ainsi que des enfants se déplacent vers ce site pittoresque pour passer d’agréables moments à la fraîcheur des arbres et de l’eau où ils remplissent, avant de regagner leur domicile, quelques récipients pour se désaltérer à la rupture du jeûne. D’autres personnes passent le plus clair de leur journée dans cet endroit, loin du bruit de la ville, et fuir aussi la chaleur suffocante qui sévit encore dans la région, avant de "plonger" dans les ombrages touffus des branchages où une fraîcheur continue et alléchante incite à la farniente.
Les mères de famille y racontent volontiers des histoires, une manière de "tuer le temps", s’échanger des idées sur les menus de la ’’meïda’’ du f’tour ou tout simplement plonger dans l’histoire millénaire de cette source sans ressentir la canicule.
L’appellation "Bergougaya" provient d’un ensemble d’arbousiers (bargoug en dialecte local) qui dominait à un moment donné toutes les essences arboricoles qui fleurissaient en cet endroit. Son fruit était séché pour servir d’entremets, notamment dans la préparation du couscous, explique Mohamed-Séghir, un père de famille dont la cinquantaine est trahie par des tempes argentées.
Au sujet de la délicieuse fraîcheur de l’eau de cette source, Abdallah, 60 ans, raconte une histoire selon laquelle certaines personnes pariaient sur celui qui parviendrait à retirer sept pierres jetées au fond de son bassin l’une
après l’autre avec une seule main nue. Un exercice qui confinait, assure Abdallah, à la douleur, tant l’onde est froide.
Des automobilistes en partance ou en provenance de Tunisie observent également — et c’est très fréquent — une halte salutaire pour se rafraîchir le visage et les membres avant de continuer leur chemin. Même les chauffeurs de taxis tunisiens des villes frontalières de Aïn Draham ou de Tabarka, qui viennent à chaque fin d’après midi au village frontalier de Oum-Theboul (Algérie) faire le plein de carburant, n’hésitent pas à s’arrêter à Aïn Bergougaya pour savourer un moment de fraîcheur et remplir quelques bouteilles d’eau. Un point noir subsiste, cependant, au niveau de cette source : des automobilistes n’hésitent pas à laver leur voiture en utilisant toutes sortes de savons dans un milieu et un environnement censés être un lieu de repos. Une situation qui "interpelle les responsables concernés pour arrêter ce massacre", lance Abdallah qui indique que même l’intervention de personnes sages, jalouses de l’environnement, ne décourage pas ces automobilistes qui feignent de les ignorer et accomplissent stoïquement leur besogne.
APS