Le Midi Libre - Midi Kabyle - Le rossignol d’Ighil Bwammas
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Edition du 21 Août 2010



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Djaffar Ait Menguellet
Le rossignol d’Ighil Bwammas
18 Août 2010

«Je suis issue des racines du chêne, non de l’engeance du Roseau» disait Lounis Ait Menguellet dans l’une de ses chansons, Djaffar, son fils sait de qui tenir. Natif d’Ighil Bwammas, il a vécu et grandi dans l’antre de son village à côté des bambins de son âge, puis des jeunes de sa meute puis enfin des hommes composant Tajmaït n taddart, aréopage des sages décisions ancestrales. Destin heureux, miraculeux de Djaffar qui a frôlé la mort à l’âge de 13 ans, à Ighil Bwouamas, son village. L’accident dû à l’inconscience infantile a failli lui être fatal. Il a été électrocuté à 30 mille volts sur la terrasse de la maison familiale. Il revint à la vie miraculeusement après un long séjour dans un hôpital français et les soins attentifs d’une famille soudée. «Je n’aurais jamais cru avoir le plaisir de tenir sur mes genoux mon fils Djaffar et le voir aujourd’hui, grandir, se marier, avoir des enfants et me seconder admirablement dans mon travail d’artiste.» a dit son père dans une interview accordée au quotidien El Watan. Au fil des années Djaffar s’est imposé comme élément indispensable au groupe qui accompagne fidèlement le père avant de devenir l’incontournable arrangeur, et surtout le pointilleux conseiller musical. Lounis a trouvé en l’aîné de ses six enfants le musicien, l’accompagnateur, le chef d’orchestre en somme. Et c’est dès 1991 alors qu’il était membre de la chorale de l’association M’barek, Aït Menguellet qu’il a accompagné pour la première fois Lounis Aït Menguellet à la salle Atlas à Alger. Là il débuta «sans trop le vouloir » dira-t-il plus tard, sa carrière artistique. Il ne tarda pas à tenter le premier envol en enregistrant un album qu’il consacra exclusivement à la musique : un instrumental en prélude à sa première cassette chantée dont il était compositeur et chanteur. En interprétant en duo la chanson Ammi (mon fils) père et fils ont prouvé à qui ne veut le croire qu’ils forment un tandem de rêve. A côté, devant, ou à l’ombre du père ? Pourquoi chercher à dissocier le père du fils si les deux font la belle paire ? L’un complète l’autre à merveille ! Si Djaffar agrémente la musique de Lounis par ce grain de modernité parcimonieusement dosé, Lounis, de son côté, écrit pour Djaffar, injectant parcimonieusement aussi, la mixture du verbe ciselé qui confère l’aura voulue à ses chansons. Cela dit, Djaffar n’a plus besoin de l’aide paternel pour graver son nom dans le registre des bons chanteurs kabyles. Sa musique singulière, à sonorités variées, oscillant entre le moderne et le traditionnel où les mélodies sont souvent le produit de recherche palpable, s’est frayé le chemin qui est le sien dans la nébuleuse diffuse qu’enveloppe la médiocrité encouragée. Aujourd’hui, Djaffar Aït menguellet, dans son humilité et sa modestie, mais avec une abnégation dans le travail, s’est forgé un nom en même temps que le respect des fans et des artistes affirmés, dans le monde de l’art, sous la férule de son talent, uniquement de son talent. Par une alchimie du verbe et de la musique, il sut créer un style, un label une touche qui ne se retrouve chez aucun autre musicien ou interprète. Une voix sûre de la musique et la chanson kabyle à l’instar des «jeunes loups» novateurs tels Akli D, Ali Amrane, Kaloun, Si Mouh, Zimou, Zayen…. Une dextérité dans le maniement de l’instrument de musique, quel que soit l’instrument : guitare, piano, synthétiseur, flûte, percussions… même si d’aucuns le connaissent comme accroc de la flûte traversière, son instrument de prédilection, avec lequel il finit par agrémenter et ses musiques et celles de son père. En 2010 soit une décennie plus tard, Djaffar revient avec un album de toute beauté (Tirga laaquel) rêve de sagesse ou de raison, où peut être même, rêves raisonnables et sages. En écoutant « di Tmourthiw » on comprend aisément la maturation du produit, la sagesse et la raison de l’artiste. Une belle réflexion pamphlétaire certes, mais significative et tranchante de la société en notre pays. Ameyyez, , Thessaouled (Elle a appelé), Di Themourthiw (Dans mon pays) Lemnam, (Le rêve). Thizizouit, (L’abeille) Ghaf thilili, touzia lakel(Le vertige). Autant de titres aussi beaux les uns que les autres. Djeff, comme aime à le prénommer son père et les intimes, vient là de franchir le seuil de la cour des grands. En s’abreuvant à la source paternelle, pétrie dans le respect de l’autre, Djaffar a su au temps voulu se singulariser et voler de ses propres ailes tout en gardant le cap dans l’humilité et la reconnaissance.

Par : N. B.

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