Ceux qui ont quitté Miliana et sont revenus cet été afin d’évacuer le stress et oublier les soucis quotidiens ont été vite déçus car la ville vit au passé.
Réveillés au petit matin, le marché central, la grande poste et les cafés s’animent jusqu’à midi, puis plus rien. Les gens rentrent chez eux et les rues redeviennent désertes. La piscine des "Belles Sources", située au quartier Hamama, alimentée directement par les nappes du Zaccar et qui faisait la joie des milliers d’enfants des centres de vacances s’est transformée en endroit abandonné et comme rejeté par le sort. La locomotive qui se dresse à l’entrée de la ville nous rappelle l’épopée des activités des mines du Zaccar qui employaient plus de 400 ouvriers ouvrant ainsi à la ville des activités commerciales soutenues. Assis sur un banc, un vieux Milianais nous parle des fêtes et des réjouissances qui faisaient la renommée de la ville : " écoutez, la grande Fête des cerises qui drainait une foule considérable et qui durait sept jours et sept nuit est un lointain souvenir. Actuellement, on n’ose plus en parler car les cerises se font rares, faute de relève. Les quelques étalages nous offrent de ces fruits à peine mûres à des prix exorbitants ".Certes, l’APC avec la collaboration de la Direction des services agricoles a entrepris un grand plan de rénovation qui représente 15 mille plants de cerisiers à travers les régions de Zougala, Hammama et les hauteurs de Sidi Medjahed. Qui aurait dit, qu’un jour, la ville " aux 24 sources " manquerait d’eau ... Zougala et ses vergers étagés qui approvisionnaient en fruits et légumes toutes les régions avoisinantes, ne sont plus que des terres en friche envahies par le béton. Même certaines espèces n’existent plus comme le citron doux, les jujubes, les petites poires odorantes appelées "blanquettes", des variétés très recherchées de prunes (reine-claude, bersiane, mélaissa, etc). Tout l’été, la zorna dirigée par Cheikh Brazi (très lié avec Boualem Titiche) animait absolument toutes les fêtes.
L’orchestre de la musique chaabie, présent dans tous les mariages, a laissé ses instruments accrochés au mur en guise de reliques. Les groupes folkloriques comme ceux de Relizane avec les fameux tromblons et de Sidi El Ghobrini de Cherchell, qui se succédaient pour rendre visite au mausolée de Sidi Ahmed Benyoucef, patron de la ville, ont cessé leur pèlerinage. Le célèbre "Rekb" des Bani Farh qui attirait toutes les tribus de l’Ouarsenis et du Zaccar et même des pèlerins venus d’autres wilayas et du Maroc, est devenus une simple journée de visite religieuse.
Miliana pourrait être fière avec ses 17 hotels, mais aujourd’hui, le seul hôtel, classé trois étoiles, est très mal entretenu et ne reçoit que de très rares clients. Les structures d’accueil qui encouragent la visite de nombreux touristes pour admirer les sites historiques comme le musée, la manufacture d’armes de l’Emir, font défaut. Pour cette saison chaude, la vie ne reprend qu’en fin d’après-midi et des familles entières se rendent après dîner à la place "Ali-Amar" pour veiller jusqu’à des heures tardives de la nuit en dégustant des crèmes glacées ou des pâtes feuilletées chaudes. Les jeunes envahissent les cybers à la recherche d’évasion et pour nouer de nouvelles amitiés avec des personnes d’outre mer. Un retraité nous signale encore : "Toutes les bonnes habitudes ont disparu. Pour les mariages, on nous invite pour manger rapidement et repartir ! Le repas et les gâteaux préparés par la maîtresse de maison, l’animation, la convivialité sont devenus secondaires. Maintenant avec l’arrivé du mois de Ramadhan, c’est la course folle pour les achats ". Deux heures du matin, seule l’horloge de la place Emir Abdelkader semble défier le temps et les hommes et veille sur la ville endormie…