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Edition du 3 Août 2010



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A Gaza, la pêche est une affaire de survie, pour les filles aussi
3 Août 2010

Se lever avant l’aube et aller pêcher dans des eaux sillonnées par la marine israélienne pour subvenir aux besoins de sa famille, c’est le lot quotidien des pêcheurs de Gaza. Ce qui est moins commun, c’est quand la barque est barrée par des jeunes filles. Madeleine et Rim Koulab sont sans doute les deux seules pêcheuses de la bande de Gaza, un territoire palestinien sous contrôle des islamistes du Hamas où il est plutôt rare de voir des femmes se baigner dans la mer.
Mais Madeleine, 16 ans, et sa petite soeur de 13 ans n’ont guère d’autre choix depuis que leur père a été frappé il y a dix ans de paralysie. "Comment pourrions-nous survivre sans attraper des poissons alors que notre père ne peut pas travailler ?", explique l’aînée en vidant son filet de la modeste prise du jour.
"La vie est dure. Il faut bien que des filles aillent pêcher malgré les risques", dit-elle en versant les poissons dans un seau sous le regard du père, Mohammed, 52 ans, qui choisit ce qui ira à la famille et ce qui sera vendu.
Les trois kilos de sardines et de friture rapporteront six euros et serviront à nourrir les cinq membres de la famille Koulab jusqu’au lendemain.
Les deux filles portent des jeans, des chemises à manches longues et ont la tête couverte d’un foulard, même pour nager, conformément aux codes vestimentaires stricts en vigueur à Gaza. Pour pouvoir continuer leurs études, elles ne pêchent que deux heures par jour, emportant avec elles dans un sac leur uniforme scolaire. Accompagnées de leur frère Khayed, 14 ans, elles s’éloignent jusqu’à deux kilomètres de la côte, dans une barque en bois, et de temps à autre plongent pour aller surveiller leurs filets.
Des embarcations plus grosses peuvent s’aventurer au large, où la mer est poissonneuse, mais les bâtiments de guerre israéliens veillent au blocus maritime et interdisent de naviguer au delà de trois milles (5,5 km) de la côte. Pour faire respecter la consigne, les vedettes militaires tirent régulièrement des coups de semonce et arraisonnent des bateaux de pêche. Résultat : les activités des pêcheurs gazaouis se sont considérablement ralenties et la bande de Gaza importe de plus en plus de poissons d’Israël et d’Egypte. "J’ai appris à Madeleine et à Rim à nager et à pêcher pour qu’elle puissent subvenir à leurs besoins. Je sais bien que le plus important est de finir les études. Mais qu’y faire ?", lâche leur père, fataliste. Mohammed Koulab a appris le métier de pêcheur avec son père et son grand-père, qui habitaient près de la ville aujourd’hui israélienne d’Ashkelon, avant de prendre la route de l’exode lors de la guerre qui a accompagné la naissance de l’Etat d’Israël en 1948.
Au titre de réfugiés, les Koulab reçoivent une aide de l’agence de l’Onu pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), à l’instar de 80% des habitants de la bande de Gaza.
Si Madeleine aime la mer, son rêve est de devenir journaliste "pour raconter la vie de gens comme nous, qui souffrons et n’avons pas vraiment eu de chance". La petite Rim avoue craindre les coups de semonce israéliens qui ont parfois blessé des pêcheurs. "J’ai peur parfois. Mais je n’ai pas honte devant mes camarades d’école puisque j’aide papa, ma famille et que je soulage maman", confie-t-elle. Si Israël a récemment assoupli son embargo terrestre, le strict blocus maritime imposé depuis quatre ans reste en place. Avant ce blocus, environ 3.500 pêcheurs exerçaient leur métier le long des 40 kilomètres de littoral de l’enclave palestinienne

Par : Adel ZAANOUN

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