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Edition du 29 Juillet 2010



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"WAÂDATE" en kabylie
Un rituel, une tradition
29 Juillet 2010

A l’instar de plusieurs coins de la Kabylie, connus pour être des sites de "waadate" annuelles, comme celles organisées en hommage aux nombreux saints patrons, ou celle du pic de Lala Khadidja dit aussi ’’Tamgout’’, Azrou n’Thor occupe lui aussi une place non négligeable dans ce rituel d’ensemble.

Cette année, ou plutôt cet été, comme il est de tradition depuis la nuit des temps, les habitants des villages kabyles de Zoubga, Aït-Addella et Takhlijt- Ath-Atsou sont au rendez-vous pour Assensi d’Azrou n’Thor, un pèlerinage à trois étapes organisé à tour de rôle par les trois agglomérations de la commune d’Illiltène, dans la daïra d’Iferhounène.
Azrou n’Thor, un lieu mythique, sur un pic dominant toute la Haute Kabylie et à partir duquel le visiteur découvre un panorama des plus fabuleux, alors qu’une brise caresse le visage des uns et démêle le cheveux des femmes en dépit d’un soleil de plomb, en ce suffoquant vendredi 23 juillet, seconde journée de ce rituel, dont la responsabilité incombe au village Ait Abdellah.
Jadis à dos de mulet, de baudet et de cheval, l’ascension vers le pic, à partir des Igaouawen ou de la vallée de la Soummam, se fait de nos jours à bord de véhicules et de camions dont les conducteurs déplorent, cependant, la longue piste rocailleuse qu’ils doivent emprunter avec d’arriver au pied du mont.
Pas tout à fait. Pour des raisons de commodités et d’organisation, il leur est demandé très poliment, par des vigiles, de laisser leurs véhicules un peu loin, dans des aires aménagées et surtout gardées, non payantes.
Cette piste est peut-être le seul point noir de cette virée dans ce coin ’’sacré’’ et respecté, mais qui demeure une énigme pour tous, tant l’appellation Azrou n’Thor’’ — le rocher du Zénith — ne trouve pas une authentique explication. Chacun y va de sa légende pour retenir qu’une personne pieuse a rendu l’âme sur ce rocher après la prière du dohr.
Mais le plus important pour les villages organisateurs, c’est de perpétrer la tradition qu’ils ont eux-mêmes héritée de leurs aînés. Une tradition à laquelle ils tiennent jalousement à tel point que dans chaque village, la préparation du rituel est laissée pour une seule famille dont les membres tiennent les commandes de l’organisation avec l’aide de tous les villageois.
C’est d’ailleurs ce que nous a expliqué Ferhat Mahtout, l’un des doyens des organisateurs. ’’Nous tenons à cette tradition très chère à nos yeux et nous l’organisons chaque année et nous attendons avec impatience ces trois étapes’’, nous a-t-il dit.
M. Ferhat, très occupé avec les membres de la djemaâ à recevoir les dons en argent des visiteurs, est chargé aussi de prononcer la daawa el kheir — des vœux ce bonheur — pour chaque donateur et tous les visiteurs.
Cette ’’rencontre’’ d’un genre spécial est organisée avec les dons et aucun sou n’est dépensé par les chargés de sa préparation. ’’Nous avons sacrifié vingt-six moutons et nos femmes ont roulé beaucoup de quintaux de couscous et coupé des légumes pour préparer sur place le déjeuner pour ’’Inavgawen’’ les invités ou les visiteurs’’ a ajouté notre interlocuteur en précisant que le tout a été transporté dans un camion frigorifique et que des membres de son village d’Ait Abdella ont passé la nuit sur le mont.
L’eau est très abondante sur les lieux. Thala Ouselgou, à une centaine de mètres du pied du pic, est assiégée par les visiteurs pour boire son eau fraiche en cette période de grande chaleur mais aussi par les aller et retour du véhicule chargé d’abreuver les milliers de personnes, également invitées à goûter au couscous royal.
Des familles entières ont érigé, le temps d’une journée, un camp sous les sapins. Hommes, femmes et enfants s’en sont donné à cœur joie au cours de toute la journée spéciale pour plus d’un notamment les femmes et les jeunes qui n’ont pas manqué l’occasion de se parer de beaux habits où se côtoient la robe kabyle, le pantalon et autres jupe et pantacourt.
Rien ne manque et rien n’est laissé au hasard par les bénévoles qui font leur travail avec volonté et de gaieté de cœur.
Parmi les anecdotes qu’on raconte ici sur les lieux, ce sont ces appels lancés par des mères en direction de leurs enfants partis vivre sous d’autres cieux sans donner signe de vie depuis des années. M. Ferhat nous raconte qu’il a été témoin de deux appels de deux femmes après lesquels leurs fils vivant en France et en Angleterre n’ont pas tardé, peu de temps après, à rentrer au pays.
Ces émigrés, nous a-t-il dit, n’ont pas pu expliquer leur rentrée subite. Peu importe l’origine de ce rituel pour les organisateurs ou pour les visiteurs pour qui le plus important reste ces retrouvailles festives dans une véritable ambiance de fête et de joie.
Ce vendredi, l’organisation sera du côté de Takhlijt- Ath-Atsou dont les villageois se forceront à réussir eux aussi le pari avant de donner rendez-vous, à tout le monde, l’été prochain…

Par : Mohamed ZEMMOUR

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