Il séduit par le verbe, l’intelligence du mot, se laissant aisément aller chaque fois que l’ambiance s’y prête avec cette facilité d’approche et de contact déconcertante. Dans son milieu de tous les jours, autant que dans son aire artistique, le comique et le sérieux cohabitent agréablement. La chanson satirique, l’autodérision, sont pour lui la meilleure façon de se prendre au sérieux. Toujours le mot opportun pour la situation du moment, la réplique qu’il faut à l’instant propice. S’il en veut à la société pour sa bêtise et sa sclérose, c’est dans la satire, l’humour et le charme dont sont épicées ses œuvres qu’il la dissèque. Slimane Chabi est né en 1945, dans une région arabophone, dans un village appelé Layoun, à équidistance de Tniet el Had à une vingtaine de kilomètres de Tisemssilt. Il débuta dans la chanson en 1965, à l’âge de 15 ans, interprétant sa première chanson en langue arabe. On peut dire que Slimane Chabi a raté l’occasion de devenir un grand chanteur dans le style sahraoui. Il avoue qu’il est tombé dans cette mode «amazighisante» qui fait que, par une espèce d’effet d’entraînement, il faille chanter kabyle... Beaucoup de choses ont été dites à propos des similitudes dans son chant et dans son texte avec Slimane Azem. Slimane Chabi reconnait que si ce n’était pas Slimane Azem, il n’aurait jamais songé à chanter. « J’ai cherché après lui dès mon installation en France, j’ai pu l’approcher alors qu’il était en spectacle dans un café-bar. J’étais tellement excité à l’idée de voir de près mon idole! je l’ai trouvé en train de chanter: Mi d emmektigh wehdi i tsrugh (Dès que je m’en souviens seul, je pleure). Croyez-moi, je me suis mis à pleurer. Et là, à ma surprise et à la surprise générale, il m’a invité à chanter. Il lui chanta alors des chansons en son hommage que personne n’avait encore écoutées, l’une d’elles, Attir ifazen ghef ledyuralvaz ayahrur ammis bwugni geghran (Agni Gueghrane est le village natal de Slimane Azem). « J’ai chanté également l’une de mes nouvelles créations : Tura d essah terwi. Il m’a ensuite fait partager son dîner, ce qui était pour moi, jeune débutant, un très grand honneur. Mohia qu’il rencontra en 72 fut le deuxième personnage qui l’eut marqué. Une légende, selon ses dires, son intelligence, la finesse de ses réflexions, la force de son verbe n’ont d’égales que sa modestie, sa simplicité, sa disponibilité à servir autrui. Les chansons de Slimane Chabi sont comme la bonne soupe des vieilles marmites, elles ont fait du chemin mais sont toujours là par leur saveur et leur actualité: Ifeka Erraï I Madame, Nek d ul-iw Nemkhassam, Tura Dessah Terwi, puis Taqsit Boumechich, Ya Hmadache, Erray iw, puisL’waldin. Puis vinrent, inspirées par l’air du temps, un peu à la page, avec plus de dérision, plus d’humour et de satire, "A ya Vendayer" "A ka d el Dzayer", suivi de A Dhaghragh Dhi Lakul", "Zouadj Dh Lizafer", "L’Dzayer I qemqoumen", puis plus récemment, "Le bac" et "Le mariage par annonce"...
N.B.